ÉPISODE D’UNE BATAILLE ENTRE OTTOMANS ET CHRÉTIENS
FRANCESCO GIUSEPPE CASANOVA
Londres 1727 – 1803 près de Mödling
Encre brune et lavis sur papier
38 × 54 cm / 15 × 21,3 pouces, avec cadre 57 × 73 cm / 22,4 × 28,7 pouces
Ancienne inscription sur le cadre : Jan van Huchtenberg (attribution erronée postérieure)
PROVENANCE
France, collection particulière
Lorsque j’ai vu ce dessin pour la première fois, il a immédiatement attiré mon attention par son énergie et son iconographie inhabituelle. L’ancienne plaque portait le nom de Jan van Huchtenberg, mais dès les premiers instants il était évident qu’il s’agissait d’une œuvre d’une tout autre nature. Chez Huchtenberg, la ligne est toujours rigide, le contour fermé, la composition rationnelle — ici, au contraire, tout respire le mouvement, l’improvisation vive, propre à la seconde moitié du XVIIIᵉ siècle. Cette feuille a manifestement été exécutée plus tard qu’on ne le pensait, et plus je la contemplais, plus elle me rappelait la main graphique de Francesco Casanova, ce grand peintre d’origine italienne qui travailla entre Paris et Vienne.
Bien que sa biographie soit souvent teintée de nuances françaises ou autrichiennes, j’ai toujours considéré Casanova comme profondément italien — par son tempérament, par sa sensibilité picturale et par la musicalité intérieure de sa ligne, perceptible même dans cette feuille.
Francesco Giuseppe Casanova (Londres 1727 – 1803 près de Mödling) fut un peintre et dessinateur d’origine italienne, frère du célèbre écrivain Giacomo Casanova. Né dans une famille d’artistes, il absorba dès son enfance l’expressivité théâtrale de la culture vénitienne. Sa formation artistique se déroula sous l’influence de Francesco et Giannantonio Guardi, ainsi que de Francesco Simonini, dont les scènes de batailles déterminèrent son orientation vers le genre militaire. Plus tard, travaillant à Paris auprès de Charles Parrocel, Casanova devint peintre de cour de Louis XV et membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Son art unit le drame de l’école italienne à la délicatesse décorative de la tradition française.
Après les années 1770, lorsque Casanova s’établit à Vienne, il reçut plusieurs commandes importantes de l’impératrice Catherine II, consacrées aux guerres russo-turques. Ces grandes toiles monumentales, représentant les victoires majeures de la Russie, se trouvent aujourd’hui dans la collection du Musée de l’Ermitage. Parallèlement, l’artiste réalisa une série d’œuvres plus intimes, non liées à des événements historiques précis, mais inspirées des mêmes campagnes militaires. Le présent dessin appartient clairement à ce groupe.
Au centre de la scène se déroule la mort du porte-étendard ottoman : le guerrier tombé tente de retenir l’étendard orné d’un croissant bien visible. Le coup fatal est porté par un cavalier cosaque, renvoyant à la participation des troupes cosaques aux guerres russo-turques de la fin du XVIIIᵉ siècle. À l’arrière-plan, on distingue des cavaliers européens maintenant leur formation — probable allusion aux troupes régulières de l’Empire russe et de ses alliés.
Ce dessin constitue un superbe exemple de la période de maturité de Casanova, illustrant sa virtuosité de dessinateur et sa capacité à transformer une scène de bataille en un véritable spectacle théâtral — où chaque figure est animée par le mouvement et chaque ligne semble respirer.
































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