Ce tableau de Henriette Morel illustre parfaitement l’art de la nature morte tel qu’il s’est développé à Lyon au début du XXe siècle, dans la lignée de la peinture intimiste et du réalisme poétique. Sur une nappe blanche rehaussée de liserés rouges, l’artiste dispose un verre à eau bleuté, trois pêches mûres et une grappe de raisins noirs et verts, posés sur une assiette. La composition met en valeur la fraîcheur et la simplicité des objets du quotidien, tout en jouant sur les contrastes de couleurs et de matières : la transparence du verre, la douceur veloutée des fruits, la brillance des raisins.
Henriette Morel s’affirme ici par une touche libre et vibrante, caractéristique de son style. Elle privilégie la lumière naturelle, qui éclaire la scène avec délicatesse, soulignant les volumes et les textures sans jamais alourdir la composition. Cette œuvre témoigne de l’attention de Morel pour les jeux de lumière et de reflets, ainsi que de son goût pour la couleur et l’harmonie des formes.
Henriette Morel naît le 1er décembre 1883 à Villeurbanne. Formée par les peintres lyonnais Jean-Louis Loubet, Claudius Barriot et Vivien, elle poursuit sa formation artistique à une époque où les femmes ne sont admises à l’École des Beaux-Arts qu’à partir de 1907.
Elle devient la muse et le modèle de Pierre Combet-Descombes, avec qui elle partage une vie dédiée à la peinture. Femme indépendante et résolument moderne, elle expose dès 1903 au Salon des beaux-arts de Lyon, puis au Salon d’Automne et au Salon du Sud-Est. Ses œuvres rencontrent le succès : certaines sont acquises par l’État, d’autres par la ville de Lyon.
Henriette Morel se distingue également comme enseignante, laissant une empreinte durable sur ses élèves, parmi lesquels Hélène Mourriquand, devenue peintre à son tour. Elle pratique le pastel, l’aquarelle et la peinture à l’huile, abordant avec sensibilité le nu, le paysage et le portrait.