Ce tableau d’Eugène Grobon (1820–1878) est un exemple remarquable de la tradition lyonnaise de la nature morte au XIXe siècle. Élèvede l’École des Beaux-Arts de Lyon, Eugène Grobon a bénéficié d’une formation rigoureuse, notamment auprès de son frère aîné, François Frédéric Grobon, lui-même artiste reconnu. Cette proximité fraternelle fut déterminante : les deux frères collaborèrent étroitement, réalisant ensemble de nombreuses lithographies sous le nom de « Grobon Frères », notamment entre 1844 et 1850. Leur travail lithographique, influencé par Pierre-Joseph Redouté et Antoine Berjon, se distingue par une grande finesse d’exécution et une attention minutieuse portée à la botanique.
Dans cette œuvre, Eugène Grobon met en scène deux grappes de raisin, l’une dorée et l’autre pourpre, accompagnées de feuilles de vigne aux nervures délicates. La lumière, savamment dosée, révèle la translucidité des grains et la texture veloutée des feuilles. Le fond neutre, légèrement ombré, met en valeur la composition sans distraire le regard, soulignant la maîtrise de l’artiste dans le rendu des matières et des couleurs.
La précision scientifique du dessin rappelle l’expérience de Grobon dans la lithographie botanique, domaine où il excellait avec son frère. Leur série de planches lithographiées, comme « Fleurs à la Redoute », témoigne de cette volonté de conjuguer art et science, observation et beauté.
Par son réalisme, Grobon invite le spectateur à contempler la beauté du quotidien, mais aussi à méditer sur la fugacité de l’existence. La composition, équilibrée et harmonieuse, témoigne d’un sens aigu de la mise en scène et d’une grande sensibilité à la lumière. L’ensemble dégage une atmosphère paisible, presque silencieuse, où chaque détail semble figé dans le temps, à la manière d’un instant suspendu.
En somme, cette nature morte de Grobon est un hommage à la nature, à la précision scientifique autant qu’à la poésie du regard, inscrivant l’artiste parmi les grands maîtres de la nature morte du XIXe siècle.