Jean Cotelle 1646 -1708. Des jardins et des dieux

L’exposition Jean Cotelle 1646 – 1708. Des jardins et des dieux est la première consacrée à ce peintre du XVIIe siècle. Excellent miniaturiste et décorateur de talent, ce « peintre du Roy » pratiqua presque tous les genres de la peinture. L’ensemble de sa carrière est ici présentée, au travers d’une centaine d’œuvres, dont les 21 tableaux de la galerie du Grand Trianon récemment restaurés grâce à la mobilisation de mécènes. Pour l’occasion, les jardiniers du Grand Trianon refleurissent les parterres à l’image des représentations de Jean Cotelle.

Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
(C) Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Marc Manaï

À partir de 1687, après le Versailles de Charles Le Brun dont la galerie des Glaces constitue l’apogée, le décor du Trianon de marbre, résidence de plaisance retirée de la cour, ouvre la voie à une nouvelle génération de peintres pour laquelle priment la recherche de l’agrément et la représentation de la nature. Au centre de cette génération, Jean Cotelle fait figure d’artiste reconnu.

 

Jean Cotelle, Vue des parterres de Trianon de marbre avec Zéphyr et Flore endormie,
1688-1693, huile sur toile.
© Château de Versailles, Dist. RMN- Grand Palais / Thomas Garnier

Très apprécié à son époque, il se voit confier l’essentiel de la décoration de la grande galerie de Trianon, soit vingt et un tableaux exécutés entre 1688 et 1693. Pour ce lieu, long de près de 53 mètres et rythmé par 16 grandes baies donnant sur les jardins, l’artiste opte pour des toiles de format vertical. Elles représentent chaque bosquet des jardins de Versailles agrémenté de personnages tirés de la mythologie ou des fables, disposés en deux registres (terrestre et céleste), et prenant modèle sur les paysages bucoliques du peintre bolonais l’Albane. Ce cycle constitue un ensemble unique, révélateur du goût de Louis XIV pour ses jardins ; il demeure par ailleurs une référence majeure dans la représentation des jardins à la française et continue d’alimenter notre connaissance des bosquets de Versailles.

La galerie des Cotelle au Grand Trianon.

En écho à ces toiles sont également présentées quatorze gouaches de Cotelle représentant en miniature les tableaux de la galerie. Des sculptures en plomb provenant du décor de certains bosquets disparus du jardin de Versailles, comme celui du Labyrinthe, ou encore le bosquet des Dômes, sont exceptionnellement présentées dans l’exposition. Toutefois la galerie, commande royale, et sans doute la réalisation majeure de l’artiste ne doit pas faire oublier les autres aspects de sa carrière.

Grâce à la redécouverte de nombreuses pièces d’archives, la vie de l’artiste est désormais mieux cernée. Fils d’un décorateur et ornemaniste, Jean Cotelle se forme probablement chez le portraitiste Claude Lefebvre. Après un long séjour en Italie, il rentre à l’Académie royale de peinture et de sculpture en tant que miniaturiste. Il est chargé d’illustrer les Campagnes de Louis XIV. Bénéficiant d’un certain renom, il est appelé par Monsieur, frère du roi, pour décorer dans les années 1680 le cabinet des Bijoux du château de Saint-Cloud, aujourd’hui disparu. L’artiste est également de ceux qui reçoivent la commande d’un May pour Notre-Dame de Paris, les Noces de Cana.

Jean II Cotelle (1648-1708)
Gouache sur papier avant 1696
(c) château de Versailles / Christophe Fouin

En 1693, il quitte Paris pour Marseille où il devient directeur adjoint de l’Opéra et où il décore le plafond de l’Hôtel de Ville. Ses talents de décorateur le conduisent à participer aux décors éphémères pour l’entrée du duc de Bourgogne et du duc de Berry en Avignon. De retour à Paris en 1703, sa carrière semble plus discrète, et s’oriente vers la réalisation de dessins pour la gravure et de gouaches pour les éventails. Il meurt le 24 septembre 1708 à Villiers-sur-Marne.
L’exposition explore ces différentes facettes de sa carrière et, pour la première fois, établit un premier corpus de ses œuvres, contribuant ainsi à ressusciter une personnalité dont l’historiographie n’a jusqu’alors pas rendu compte de la richesse.

Des restaurations d’œuvres

La majorité des peintures de la « galerie des Cotelle » ont fait l’objet d’une restauration. Celle-ci permet de redécouvrir la fraicheur de leur coloris et la précision de leur dessin. Cette opération a pu être menée grâce au concours de nombreux mécènes (la Société des Amis de Versailles, la Fondation du Patrimoine et des mécènes particuliers), dans le cadre de la campagne « Adoptez un tableau de la galerie des Cotelle » lancée en 2013.

Vue du Théâtre d’Eau avec les nymphes s’apprêtant à recevoir Psyché. Gouache sur papier. © Château de Versailles / Christophe Fouin.

Un refleurissement exceptionnel

L’exposition trouvera écho dans les jardins fleuris du Grand Trianon : de juin à septembre, le service  des jardins de Trianon refleurit les parterres à l’image de l’un des tableaux de Jean Cotelle, Vue du Grand Trianon prise des parterres avec Flore et Zéphyr. Replanté en miroir de ce tableau, le parterre reprend la gamme de couleurs qu’il décline : une palette de roses, de bleus, de blancs sur un fond vert affirmé qui évoque les jardins de Cotelle.

Plan de l’exposition

– représenter les bosquets au XVIIe siècle

Dès la fin des années 1660, le château et les jardins de Versailles firent l’objet d’une importante diffusion à travers le dessin, la gravure et la peinture.

Ces représentations revêtaient une dimension politique et, au-delà de leur intérêt topographique et documentaire, célébraient la puissance de Louis XIV à travers les réalisations artistiques majeures de son règne.

La diffusion de l’image de Versailles fut à ce titre envisagée comme une entreprise officielle. Entre 1667 et 1678, seuls les graveurs et imprimeurs choisis et nommés par Colbert reçurent le privilège d’en réaliser des vues. Parmi eux, Pierre Aveline, Israël Silvestre ou Adam Pérelle et ses fils furent à l’origine d’une production abondante qui, bien qu’inégale par sa qualité, se conformait aux mêmes codes : utilisation de la plongée et de la contre-plongée pour accentuer la largeur et la profondeur du paysage, recours à la végétation pour suggérer l’échelle des architectures, présence de personnages contemporains conférant aux représentations un caractère pittoresque et théâtral.

Vue de l’Arc de Triomphe avec Vénus accueillant Mars, par Jean Cotelle. Gouache sur papier. © Château de Versailles / Christophe Fouin.

– La « galerie des Cotelle »

Reliant de plain-pied le Salon Frais et le Salon des Jardins, la galerie ouvre sur les parterres au sud et sur le bosquet des Sources au nord. Baignée par la lumière, envahie par les parfums des fleurs et dotée de miroirs, cette longue pièce devient le reflet de la nature environnante. Vingt-quatre tableaux représentant les jardins de Versailles répondent aux grandes ouvertures vers la nature. Les deux-tiers sont exécutés à la fin de l’année 1689, les derniers avant 1693, date des ultimes paiements. Cotelle se voit confier l’essentiel de la commande, soit vingt et un tableaux ; Étienne Allegrain en exécute deux et Jean-Baptiste Martin, un.

Cotelle crée ici des peintures d’un genre inédit en agrémentant ses vues topographiques de scènes historiées. Le peintre s’est appliqué à représenter chaque lieu avec précision, en donnant parfois du même bosquet un deuxième angle de vue, comme pour les bosquets du Théâtre d’Eau et de l’Arc de Triomphe. Ces œuvres conservent également le souvenir de bosquets détruits comme ceux du Labyrinthe, du Marais et du Théâtre d’Eau.

Dans ces tableaux, Cotelle fait du bosquet un décor adapté à la narration d’épisodes tirés de la mythologie et de la fable. D’un espace à l’autre, un monde idéal et galant se déploie : celui de l’Olympe descendu sur Terre ; un monde de figures aux physiques semblables, éternellement jeunes, pareillement vêtues, de dieux reconnaissables à leurs attributs, et d’amours souvent dissipés.

Les trois peintures d’Allegrain et de Martin diffèrent des œuvres de Cotelle par leur perspective plongeante mais surtout par la présence de personnages vêtus à la mode du temps. Les raisons de ce changement d’orientation, perturbant l’unité de style de la galerie, restent sans réponse. Louis XIV, qui suivait de près les travaux de Trianon, a de toute évidence approuvé ce choix

 – L’inspiration italienne

Cotelle a observé les peintres bolonais et en particulier l’Albane, probablement dès son séjour en Italie et plus tard en France, où il avait à sa disposition les collections de Mazarin, d’André Le Nôtre et surtout celle de Louis XIV, qui rassembla trente et un tableaux de l’artiste italien. Cotelle n’est d’ailleurs pas le seul à tomber sous le charme de l’Albane ; le décor de la galerie du château de Saint-Cloud par Pierre Mignard se fait l’écho des représentations poétiques du bolonais.

L’univers de l’Albane, peuplé de petites figures à la jeunesse éternelle, raconte les amours des dieux dans des paysages harmonieux et idylliques, dont l’esprit doux et délicat convient à la narration des Métamorphoses d’Ovide. Cotelle s’en empare et transpose dans la galerie de Trianon les paysages idéaux de l’Albane aux bosquets des jardins de Versailles. Les citations plus ou moins précises sont nombreuses et peuvent être aisément repérées en se référant, en particulier, aux fameuses quatre peintures du cycle de Vénus, source d’inspiration pour l’artiste, qu’il les ait connues in vivo ou à travers les gravures immédiatement célèbres de Benoît I Audran et d’Étienne Baudet.

– un décor perdu au château de saint-cloud

Philippe d’Orléans, dit Monsieur, reçut en présent de son frère Louis XIV le domaine de Saint-Cloud en 1658. Il entreprit de fastueux travaux d’embellissement au sein de l’ancien château, l’érigeant ainsi au rang des plus belles demeures du temps. L’art de Cotelle s’accordait avec le goût de Monsieur pour les miniatures et les mythologies gracieuses. Dans les années 1680, le prince lui confia donc le décor de l’un de ses cabinets de curiosités au premier étage : le cabinet des Bijoux. On ignore le nombre de peintures, leur disposition et leur format.

Les réaménagements successifs des espaces intérieurs, puis la destruction du château en 1870, effacèrent le souvenir de cette intervention dont seul un ensemble de
gravures et de dessins sur l’histoire de Vénus conserve aujourd’hui le témoignage.

– Cotelle et la diffusion des modèles

Lié aux éditeurs les plus prolifiques de son temps – tels Jean Mariette, Henri II Bonnart ou Étienne Gantrel – Jean Cotelle fournit de nombreux dessins pour la gravure.

Aux côtés de belles suites gravées d’après son œuvre, telle celle du Livre de sept feuilles qu’il grava lui-même, l’artiste travailla à des projets plus modestes. Sa collaboration avec Jean Mariette (1660-1742) – héritier de la plus grande dynastie parisienne d’éditeurs et de marchands d’estampes du XVIIe siècle – et Bernard Picart (1673-1733) donna ainsi lieu à une production essentiellement commerciale.

Le choix des thèmes semble en effet avoir été dicté par les goûts du moment : scènes de festivités villageoises d’esprit flamand, inspirées des Pastorales de Jacques Stella, figures de mode d’esprit galant voire licencieux, saynètes représentant des couples de musiciens et de danseurs en costumes de théâtre…

Certains des dessins fournis par Cotelle servirent également de modèle pour les arts décoratifs. Les dessins de têtes féminines de la Bibliothèque nationale de France relèvent ainsi probablement, par leur forme circulaire ou ovale, d’un travail préparatoire pour l’ornementation de tabatières ou de boîtes. C’est toutefois dans la production d’éventails – élément de parure introduit en France par Catherine de Médicis qui connut un succès croissant durant le XVIIe siècle – que l’incursion de Cotelle dans le domaine des arts décoratifs semble avoir été la plus notable. L’artiste fournit aux éventaillistes de nombreux modèles de composition, exécutés au crayon, à la plume ou à la gouache, parfois d’après ses propres œuvres. Si tous les projets portant sa signature ne peuvent lui être attribués avec certitude, ils démontrent que Cotelle était reconnu dans la production de tels objets.

– SUJETS religieux

Au regard de l’importance de sa production mythologique, Jean Cotelle s’intéressa peu aux sujets bibliques.

Sans doute doit-on attribuer à ses relations familiales les deux commandes religieuses les plus importantes de sa carrière : celles d’un May pour la cathédrale Notre-Dame de Paris (Les Noces de Cana, 1682) et d’un tableau pour la chapelle toulousaine Notre-Dame du Mont-Carmel (La Naissance de la Vierge, disparu).

Les autres mentions de tableaux religieux peints par Cotelle figurent presque exclusivement dans les livrets de Salon : en 1673, l’artiste y présenta un Moïse sauvé des eaux et, en 1704, deux autres sujets de l’Ancien Testament (perdus). Par le choix de ces sujets bibliques, Cotelle put souhaiter défendre sa qualité de peintre d’histoire à l’Académie.

Si Cotelle peignit peu de tableaux religieux, il explora en revanche le genre à travers la miniature et, surtout, en livrant des modèles pour la gravure.

– au service du pouvoir

Dès le début de sa carrière, Jean Cotelle répondit à des commandes prestigieuses.

En tant que miniaturiste, il contribua à l’ornementation des Campagnes de Louis XIV, manuscrits célébrant les conquêtes françaises lors de la Guerre de Hollande (1672-
1678).

Mais c’est surtout comme peintre et décorateur que l’artiste répondit à ses chantiers les plus ambitieux. Outre les tableaux de la galerie de Trianon, Cotelle participa aux décors des châteaux de Saint-Cloud (cabinet des Bijoux) et de Chantilly (trois tableaux sur le thème des Fables pour la ménagerie), disparus. La protection du marquis de Louvois, surintendant des bâtiments du roi, put favoriser l’accession de Cotelle à ces commandes.

Lors de son séjour provençal, Cotelle reçut d’autres commandes politiques d’importance dont témoignent le projet de plafond de l’Hôtel de Ville de Marseille et sa participation aux décors éphémères de l’entrée des ducs de Bourgogne et de Berry à Avignon.

En savoir plus:

Horaires

Jusqu’au 16 septembre 2018

Lieu

Chateau de Versailles

Place d’armes
78000 Versailles

Site officiel

http://www.chateauversailles.fr

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