L’émail de Limoges

Depuis près d’un millénaire, l’art de l’émail contribue à la renommée de Limoges. Sa singularité est d’avoir compté, à diverses époques, des artistes capables de renouveler leurs pratiques et de réaliser des oeuvres novatrices en phase avec leur temps, malgré quelques éclipses.

La production émaillée limousine du Moyen Age est réalisée selon la technique du champlevé. D’abord, l’orfèvre martèle des feuilles ou plaques de  jusqu’à obtenir une épaisseur de quelques millimètres. Il creuse ensuite au burin et à l’échoppe — selon la technique du champlevé — des alvéoles d’environ un millimètre d’épaisseur.  Les alvéoles sont ensuite remplies de poudre de Verre , obtenu en pilant au mortier des morceaux de verre coloré. La plaque est ensuite mise au four . La surface est ensuite polie, nettoyée puis dorée avec un mélange d’or et de mercure.

 Châsse représentant le martyre de Thomas Becket XIIème siècle (c) Musée national du Moyen Age
Châsse représentant le martyre de Thomas Becket XIIème siècle (c) Musée national du Moyen Age

L‘émail de Limoges, apparue au 12e siècle rencontra un extraordinaire succès dans toute la Chrétienté occidentale. La majeure partie de la production consiste en objets de culte comme des châsses, croix de procession ou d’autel, crosses, encensoirs…. et quelques objets émaillés profanes, comme les bijoux, les ornements vestimentaires et équestres.

C‘est alors l’âge d’or des ateliers limousins : leurs œuvres sont exportées jusqu’en Suède, en Espagne et en Italie. Ce succès s’explique d’abord par le faible coût du cuivre émaillé par rapport à l’or ou l’argent : les églises et monastères peuvent ainsi acquérir à peu de frais leurs objets liturgiques. En outre, l’œuvre de Limoges se prête bien à la représentation de scènes narratives, particulièrement importantes sur les objets liturgiques. Le succès de l’oeuvre de Limoges tient également à la réelle qualité esthétique des réalisations des orfèvres qui ont produit quelques-uns des chefs-d’oeuvre du Moyen Age.

Coffret En émail de Limoges
Coffret En émail De Limoges d’époque Napoléon III (c) galerie Athena Email de Limoges

Après la disparition de l’émail champlevé dans le courant du XIVe siècle en raison des troubles de la guerre de Cent Ans, l’émail renaît à Limoges à la fin du XVe siècle. avec la technique  de l’émail peint.   les couleurs sont posées en aplat sur un fond blanc, lui-même ayant généralement pour base une sous-couche noire. Le dessin, tracé à l’aiguille dans la couche blanche, apparaît en transparence. Seules les carnations sont modelées ; l’or relève les détails décoratifs.

L’usage du paillon ( feuille d’or ou d’argent noyée dans un émail translucide )est généralement limité à de petites pastilles imitant des cabochons, mais peut occasionnellement couvrir de grandes surfaces. les émaux se présentent sous la forme de plaques montées en triptyques, en retables ou en simples baisers de paix. Ce sont des objets de dévotion, souvent privée.

Email de Limoges
Email de Limoges, Ange avec Enfant De Robert Sarlandie, 20 ème siècle (c) Galerie cave et fils

Au XVIème siècle, la pratique de l’art de l’émail connaît une importante mutation : les émailleurs, qui jusque-là relevaient de la corporation des orfèvres, appartiennent de plus en plus au monde des peintres. Ils signent désormais leurs oeuvres, souvent par le biais d’un monogramme. Des dynasties d’émailleurs apparaissent : les Limosin, les Pénicaud, les Reymond ou les Court-Courteys… connaissent jusqu’à la fin du XVIe siècle une exceptionnelle réussite.

Les émailleurs adaptent leurs oeuvres au goût de la société. Ils créent des formes nouvelles : leurs émaux consistent surtout en pièces de vaisselle ornementale destinées à agrémenter les dressoirs de riches commanditaires. Ils réalisent également des plaques émaillées qui trouvent place dans les lambris des cabinets. Le roi et la cour de France deviennent leurs clients privilégiés.

Email Sur Cuivre De Limoges
Email Sur Cuivre De Limoges 18ème siècle, (c) Galerie le passe temps

Leurs oeuvres ne servent donc plus exclusivement de support à la piété individuelle, elles sont devenues un élément majeur du décor de luxe à la Renaissance.  le répertoire iconographique s’enrichit de scènes profanes et particulièrement mythologiques qui forment désormais la majorité de la production. La grisaille fait son apparition : dérivée de l’émail peint, elle devient très vite la « marque de fabrique » des émaux limousins .

A la fin du XVIIIe siècle, les derniers émailleurs disparaissent alors que la découverte des gisements de kaolin à Saint-Yrieix ouvre de nouvelles perspectives professionnelles aux artistes de la région dans le domaine de la porcelaine.

La redécouverte de l’émail au XIXe siècle, après une éclipse de quelques décennies, résulte d’un goût retrouvé pour l’art ancien. Les émaux du 19e siècle, à la technique très soignée, relèvent souvent de l’imitation fidèle de la Renaissance, tout particulièrement dans le domaine de la grisaille. Mais certains artistes vont bientôt délaisser les techniques anciennes pour explorer de nouvelles façons d’exploiter le matériau.

Vase De Camille Faure Art Deco Geometrique émail De Limoges
Vase De Camille Faure Art Deco Geometrique émail De Limoges
(c) galerie Antiquités Maitre

A la fin du siècle, l’émail trouve tout naturellement sa place dans l’engouement nouveau pour les arts décoratifs. En 1889, l’exposition universelle de Paris présente plusieurs centaines d’émaux.

L’émail limousin du début du XXe siècle se montre particulièrement attentif aux grands mouvements artistiques contemporains. Les émailleurs les plus aventureux se laissent séduire par l’Art Nouveau avant d’explorer et de s’approprier avec succès les principes de l’Art Déco. Leur production place résolument l’émail dans le champs des arts décoratifs.

Avec le mouvement Art Déco auquel les émailleurs adhèrent massivement dès la fameuse exposition parisienne de 1925, l’émail de Limoges connaît une nouvelle heure de gloire : ces vases, coupes, boîtes ou autres bijoux, qui figurent dans les plus prestigieux salons artistiques de l’époque, rencontrent un succès immense et durable. Cette inspiration nouvelle se traduit sur le plan technique par une manière inédite de poser l’émail, dans la recherche d’effets de matière et de relief…

En savoir plus:

Visiter la collection d’émaux de Limoges au Musée au Musée des Beaux Arts de LimogesPalais de l’Evêché

1 place de l’Evêché 87000 LIMOGES

Site Internet : www. museebal.fr

 

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