Les écorchés du docteur Auzoux: pièces de collection

Né à la toute fin du XVIIIème siècle à Saint-Aubin d’Escroville, village voisin du Neubourg, Louis Thomas Jérôme  Auzoux manifeste depuis son plus jeune âge d’excellentes capacités inventives et une aptitude certaine pour le bricolage. En 1818, il part suivre à Paris des études de médecine qui vont décider de sa vocation future. Les dissections, qui constituent une bonne partie de l’enseignement, apportent à la fois de la satisfaction à Auzoux, qui se découvre une passion pour l’anatomie, et un dégoût pour la manipulation des cadavres, qui arrivent aussi parfois à manquer. Il n’a de cesse dès lors de trouver un procédé qui permettra d’étudier l’anatomie sans avoir à disséquer de cadavres, tout en gardant ce geste de la dissection.

Écorché Anatomique du Docteur Auzoux
(c) Quai Favières Antiquités, Proantic

A partir d’un squelette, il cherche à reproduire les mus­cles, organes, tendons… des cadavres disséqués, dessinés, mesurés, dans la journée, en utilisant tout d’abord des feuilles de papier et des cordes pour modeler les muscles. Très vite, il ressent le besoin de fabriquer des moules pour réaliser les divers éléments du corps. Il s’inspire des différentes tentatives de représentation du corps humain existant, le modèle en bois démontable de Fontana, sculptures, peintures, cartonniers… Il invente une pâte spéciale à base de carton et de liège qui permettront de remplir les lourds moules en bois et en alliage de Darset (emprunté à l’imprimerie).

Écorché Anatomique du Docteur Auzoux.
(c) Bertrand Thiébaut, proantic

Auzoux est  l’inventeur génial d’un système d’apprentissage de l’anatomie mondialement connu et utilisé non seulement dans les facultés de médecine, mais aussi dans les écoles, les écoles de vétérinaires. Ses très nombreux modèles ont pour certains intégré de nos jours les musées, ils sont devenus de véritables pièces de collection

Le procédé de fabrication des modèles anatomiques

Le principe imaginé par le docteur Auzoux a consisté dans la production d’une pâte de papier et de liège coulée dans des moules puis pressée, selon la technique dite du papier mâché.

Auzoux avait mis au point des moules très détaillés, réalisés à partir de modèles réels moulés, ou bien sculptés par ses soins (surtout pour les grossissements). Les empreintes sont inscrites dans un alliage de Darset, utilisé en imprimerie, bloquées dans de gros blocs de chêne. Chaque forme comprend deux parties, un moule supérieur et un moule inférieur.

Moules du Docteur Auzoux

Pour les pièces simples et peu articulées, le plus souvent des agrandissements d’organe, il utilisait des moules en plâtre sur lesquels étaient placées successivement plusieurs couches de papier coloré enduit de colle. La colle humidifie le papier et lui fait épouser correctement les plus petits détails du moule ; les différentes couches permettent d’apporter la rigidité future de la pièce, en commençant par une couche de papier fin (env. 60g/m²), puis en continuant avec des couches de papier plus fort (env. 125g/m²). L’utilisation de papiers de couleurs différentes permettait de mieux se repérer entre les couches. Lorsque le relief était tourmenté, de petits fragments de papier déchiré permettaient de reproduire les plus petits détails. Plus de 12 couches de papier pouvaient être ainsi superposées. Le modèle brut ainsi obtenu était creux, léger et résistant.

Moule mère en plâtre des ateliers Auzoux.
(c) Le Zograscope, Proantic

Pour les pièces articulées, il imagina une pâte qui permettait d’acquérir la densité suffisante pour fixer des attaches, articuler les pièces entre elles et disposer des armatures métalliques pour les modèles de grande taille. Les moules utilisés étaient alors en alliage métallique. Les ouvriers réalisaient des coquilles cartonnées, plus fines que dans la technique précédente (3 à 4 couches de papier) puis y disposaient une pâte, la « terre », qui se composait de colle de farine, de papier finement déchiré, de filasse hachée, de blanc de Meudon et de poudre de liège, ce dernier composant étant réputé être l’élément essentiel à la réussite du moulage. Le moule était ensuite refermé et placé sous une presse qui, en plusieurs heures, compactait petit à petit la « terre » et l’étalait jusqu’aux plus minutieux détails.

Ces techniques sont exposées au Musée de l’écorché d’anatomie au Neubourg.

L’usine de fabrication des pièces anatomiques de Saint-Aubin-d’Écrosville

Le succès considérable rencontré en France et à l’étranger par ses reproductions anatomiques d’une technicité et d’une précision inégalées amenèrent le docteur Auzoux à créer en 1828 une usine de production dans son village natal.
Rapidement, les effectifs augmentèrent et, en 1868, plus de quatre-vingts personnes étaient nécessaires pour assurer la production des centaines de pièces expédiées chaque année dans le monde entier. En 1833 il créa un magasin au 8 rue du Paon à Paris, qui se chargea aussi des expéditions de pièces en province et à l’étranger.

Modèle anatomique du cheval du Dr Auzoux au musée d’anatomie de l’Ecole nationale vétérinaire de Toulouse

À sa mort il laissait une collection exceptionnelle de pièces d’anatomie clastique internationalement reconnue et une fabrique prospère. En raison de la concurrence et de la multiplication des moyens d’apprentissage de l’anatomie (photographies, vidéos, internet, plastination, …), l’usine Auzoux passa dans les années 1980 à la fabrication de modèles en résine moins onéreux. Elle ferma définitivement au début des années 2000.

En savoir plus:

Musée de l’Ecorché d’Anatomie, Espace culturel, 54 av. de la Libération, 27110 Le Neubourg.
Site internet :
http://www.musee-anatomie.fr/

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