Assiettes parlantes : Décors historiés imprimés sur faïence fine au XIXe siècle

Véritable phénomène de mode au 19e siècle, les assiettes en faïence fine dites «parlantes» comportent un décor historié et légendé. Les sujets sont extrêmement variés: la vie militaire, la chasse, les monuments ou les mœurs de la société urbaine et rurale française. Fables, rébus, proverbes et chansons populaires sont également représentés ou inscrits sur ces pièces souvent satiriques ou caricaturales.

Leur fond est aussi bien orné de vignettes solennelles à l’image d’une France glorieuse et rayonnante – commémoration de hauts faits militaires ou exaltation patriotique –, que de scènes humoristiques, moins flatteuses, où hommes, femmes, bourgeois, paysans ou étrangers sont tournés en dérision. Personne n’est épargné! Média de propagande à large diffusion, les assiettes historiées imprimées véhiculent des messages politiques, religieux ou pédagogiques.

Atelier de décoration de la faïencerie de Sarreguemines en 1923 (in C. J. Bolender,
Les assiettes imprimées de Sarreguemines: 1828-1838: la période Utzschneider, Paris

Le Musée Ariana conserve une centaine de pièces de cette typologie dans ses collections (enrichies par des dons récents) principalement françaises et suisses romandes. L’exposition présente quelques séries complètes (celle retraçant le transfert de la dépouille mortelle de Napoléon en 1840 et une autre sur l’Exposition universelle de 1889 à Paris), et met en regard des pièces isolées, soulignant les similitudes des productions des manufactures de faïence fi ne qui se livrent une sévère concurrence.

Boîte à assiettes parlantes en peuplier
façon «boîte à camembert» (Gien)

En France, les manufactures de Sarreguemines, Utzschneider & Cie, Creil et Montereau, Gien, Choisy-le-Roi, Lunéville, Longwy, Clairefontaine, Vieillard et bien d’autres se sont distinguées dans ce type de production. Il existe des exemples en Suisse romande avec les faïences parlantes de Nyon et Carouge. Toutes ces faïenceries réalisent des séries d’assiettes à histoire (généralement au nombre de douze) autour d’un thème et connaissent un grand succès auprès de la clientèle.

France, 1840-1860
Faïence, décor peint en polychromie de
grand feu
Collection Musée Ariana
«Au moulin politique / Il tourne à tous vents /
On y vole les clients»

Leur apparition découle de la mise au point de deux nouvelles techniques céramiques au milieu du 18e siècle. D’une part, le développement de la faïence fine – une argile fi ne de couleur claire, très plastique, additionnée de silex calciné et de chaux, recouverte d’une glaçure transparente – en France et en Angleterre. Cette «porcelaine opaque» est bien moins onéreuse que la précieuse porcelaine. D’autre part, l’invention anglaise de l’impression sur céramique (transfer printing): le procédé consiste à graver un motif sur une plaque puis à le reporter sur une pièce par transfert. Dans l’esprit de la révolution industrielle, la mécanisation permet une fabrication à grande échelle et la reproduction sérielle des décors.

Historique

Que ce soit sur la céramique antique grecque avec ses scènes mythologiques, sur les terres siliceuses islamiques aux décors épigraphiques ou sur la majolique de la Renaissance italienne et ses sujets inspirés de gravures, la céramique a toujours été un support pour écrire ou illustrer des histoires.

En France, aux 17e et 18e siècles, les faïences – non seulement les assiettes, mais aussi des pièces de forme (pichets, brocs, gourdes, etc.) – comportent des décors et inscriptions peints: slogans politiques, poèmes, proverbes, thèmes maçonniques, religieux ou patronymiques. Dès les débuts de l’impression sur céramique en Angleterre, les décors des assiettes nous racontent des histoires. L’un des premiers décors imprimés sur la faïence anglaise, le Willow Pattern, n’évoque-t-il pas l’histoire tragique de deux amants?

 

L’assiette parlante n’est donc pas une invention du 19e siècle, mais elle connaît un développement sans précédent en France à cette époque, grâce au procédé d’impression sérielle du décor, et elle fera l’objet d’un engouement général.

En Angleterre, en Allemagne (Villeroy et Boch), en Belgique (La Louvière) ou ailleurs en Europe, les manufactures en ont également produit de séries.

L’assiette, un support idéal

Au 19e siècle, en France, les décors historiés sont principalement imprimés sur des assiettes de petite taille (en moyenne 20 cm de diamètre). Avec leur forme circulaire (les assiettes octogonales sont plus rares) et surtout leur fond lisse et plan, elles constituent un support idéal. Le motif principal est appliqué sur le fond : généralement une vignette d’environ 10 cm de diamètre (les cartouches rectangulaires sont moins communs), encerclée ou non d’un fi let noir.

Planche de vignettes «Rébus» signées
Rouger (in M. Bouyssy, J.-P. Chaline,
Un média de faïence: l’assiette historiée
imprimée, Paris, 2012, p. 213,
© Bibliothèque municipale de Bordeaux)

Les bords, appelés «marlis» (lisses, chantournés, godronnées ou festonnés), sont ornés d’une infi nie variété de motifs allant du simple filet ou bandeau coloré, aux décors complexes en lien ou non avec le sujet central: relief rehaussé, guirlandes, lambrequins, rinceaux, entrelacs, cartouches, animaux, personnages, objets, etc. C’est la partie qui reste visible lorsque le dessert est servi dans l’assiette. Après 1880, le marli va disparaître pour faire place à des assiettes planes de forme «galette» ou «lentille». Ces dernières facilitent d’ailleurs l’application de la feuille de transfert et permettent d’occuper tout la surface.

Le développement d’assiettes individuelles spécifiques va de pair avec les changements des arts de la table, notamment le passage du service à la française au service à la russe au début du 19e siècle. L’éclectisme des décors et des bordures répond à une volonté des manufactures de plaire aux goûts de tous, en s’adaptant pour toucher une clientèle très large.

Manufacture de Sarreguemines, France,
2e moitié du 19e siècle
Collection Musée Ariana
«Chasse à la biche»

Les séries et leur fonction

Les séries sont généralement formées de douze assiettes (plus rarement de 6 ou de 24), numérotées ou non, le plus souvent légendées, avec ou sans titre, traitant d’un même sujet. Elles constituent une sorte d’inventaire en douze vignettes avec parfois une dimension didactique. Chaque assiette fait sens individuellement et au sein de la série.

Les assiettes parlantes étaient soit ornementales, soit utilisées comme vaisselle à dessert. Certaines séries constituaient des objets de collection trônant sur les vaisseliers d’apparat, au-dessus des cheminées ou accrochés aux murs. D’autres étaient des objets de divertissement dont le décor se dévoile petit à petit au cours du repas. Il est aisé d’imaginer les convives pressés de lire le fond de l’assiette ou de retourner cette dernière pour y découvrir la solution d’un rébus. En effet, les légendes ou devinettes étaient vraisemblablement lues à haute voix, suscitant discussions, débats, sourires, et animant les repas.

Manufacture de Creil, France, vers 1830
(in Yvonne Naudin, Faïences Creil, Choisy,
Montereau, Paris, C.P.I.P., 1980, p. 83)

LE DÉCOR IMPRIMÉ

Invention et inventeurs

L’impression sur faïence est une invention technique majeure qui va révolutionner la céramique en permettant la reproduction mécanique d’un décor. Les avantages de ce procédé industriel sont une augmentation de la production, un abaissement des coûts et une diffusion à grande échelle.

Plusieurs inventeurs dont les procédés varient légèrement déposent des brevets et se disputent la paternité de la découverte. La mise au point et le perfectionnement de la technique est en fait l’aboutissement de longues recherches menées en parallèle en Angleterre. Le premier aurait été John Brooks, graveur à Birmingham qui demande un brevet d’invention le 10 septembre 1751 et l’utilisera à Battersea. Les manufactures de porcelaine de Bow et Worcester auraient commercialisé des pièces imprimées dès 1756 grâce au procédé mis au point par un certain John Wall.

Manufacture Niedermeyer & Mülhauser, Nyon,
Suisse, 1814-1829
Collection Musée Ariana
«Le Loup, la Chèvre et le Chevreau»

La même année, John Sadler et Guy Green transfèrent des motifs sur des carreaux de faïence à Liverpool et affi rment travailler au développement de leur technique depuis 1749 (soit avant Brooks)! Josiah Wedgwood adopte d’ailleurs leur technique dès 1761. En Suisse, l’Anglais Adam Spengler aurait imprimé des décors sur la porcelaine de Zurich dès 1780. La technique traverse la Manche et des assiettes imprimées seront produites à l’échelle industrielle à Paris dès 1808; dès 1830, cette pratique se généralise.

Industrialisation du décor et baisse du coût de production

Grâce à l’impression, à partir d’un seul original gravé, on peut désormais reproduire un décor en de multiples exemplaires sans faire appel aux peintres. Cela constitue une économie de main d’œuvre considérable; en effet, le décor peint à la main est plus long à exécuter et plus coûteux. Désormais, il n’y a plus qu’un seul artiste: le graveur. En outre, la mécanisation du décor permet aux manufactures de varier facilement et rapidement les sujets pour correspondre au mieux aux modes et au goût du moment.

Manufacture de Choisy-le-Roi, France,
1836-1863
Collection Musée Ariana
«Il n’est pas mal aisé de tromper un trompeur»

«II peut s’effectuer 10 000 médaillons par jour avec un atelier composé de 12 hommes et de 40 femmes et enfants, ce qui donne le moyen de vendre la douzaine d’assiettes de fayence blanche peintes et cuites à 9 f. et grisailles 12 et les autres pièces en proportions [sic]» (cf. Maddy Ariès, Creil: faïence fi ne et porcelaine: 1797-1895, Paris, Guénégaud, 1994, p. 72). En effet, chaque ouvrier (homme ou femme), généralement aidé de deux enfants, pouvait produire des centaines d’assiettes par jour. Plus tard, pour augmenter encore la productivité et décorer les pièces en continu, les faïenceries utiliseront des machines appelées «rouleaux à imprimer».

Procédé

Le procédé décrit ci-dessous est celui utilisé par Stone, Coquerel et Legros d’Anizy dans leur atelier d’imprimeur-graveur de la rue du Cadran à Paris. Ils déposent un brevet d’invention le 10 janvier 1808, qui leur permet d’ «imprimer sur des faïences ou des porcelaines, ou sur tout autre matériau, des gravures aussi nettes que sur le plus beau papier». (cf. Maddy Ariès, Creil: faïence fine et porcelaine: 1797-1895, p. 70)

  1. Le motif est gravé au burin sur une plaque (généralement de cuivre) d’après un modèle ou non.
  2. La plaque est encrée avec un mélange de sels métalliques (sulfate de manganèse, sulfate de cuivre et cobalt de Suède), soit des couleurs vitrifi ables.
  3. Un papier calque ou papier à filtre dit «Joseph» est trempé dans une eau additionnée de «fiel de carpe et de potasse».
  4. Il est ensuite appliqué sur la plaque.
  5. Le papier avec l’épreuve est à nouveau trempé dans cette eau ou «mixtion».
  6. La surface de l’assiette est préparée par l’application d’un mordant (térébenthine, résine et gomme arabique) pour faciliter l’opération du décalquage.
  7. Vient ensuite l’opération de transfert: le papier est reporté sur la pièce déjà cuite et émaillée.
  8. Puis, on appuie dessus avec un tampon ou une éponge.
  9. Enfin, une nouvelle et dernière cuisson dans des moufles à 600° C va fixer le décor.

Une autre technique concurrence celle-ci: l’impression sous glaçure, soit sur le biscuit, qui évite une troisième cuisson. Plus économique, c’est la technique qui sera privilégiée. Autre variation, en 1883, la manufacture de Lunéville dépose un brevet de décoration par impression où la feuille de papier est substituée par de la gélatine.

Impression au sein des manufactures et sous-traitance

Certaines manufactures font appel à des ateliers de gravure extérieurs. C’est le cas de Choisy-le-Roi, Creil et Montereau qui, à leurs débuts, impriment chez Stone, Coquerel et Legros d’Anizy. D’autres possèdent leur propre atelier d’impression où l’on peut graver ou regraver des planches selon l’usure, mais aussi les modifier pour remanier un décor.

Les ateliers d’impression fournissent plusieurs faïenceries et les documents sources dont s’inspirent les graveurs circulent d’une manufacture à l’autre tout comme les plaques elles-mêmes. Cela explique les similitudes entre les séries produites par différentes faïenceries avec, parfois, une variation sur la légende ou la bordure, etc. Si une série a du succès, les concurrents s’empressent de la copier. Cette pratique de la sous-traitance est souvent identifiable par la présence de deux marques distinctes, celle de l’atelier de gravure (imprimée) et celle de la faïencerie (imprimée ou gravée dans la pâte). Certains ateliers d’imprimeurs-graveurs ou manufactures de décors achètent de la faïence en blanc pour y apposer des motifs.

L’impression en noir demeure longtemps la plus répandue. Les décors monochromes dominent ensuite, bleu, bistre, mauve, brun, vert, avec parfois des rehauts de couleurs peints à la main sur la vignette ou posés au pochoir. Il existe des exemples combinant une vignette centrale noire et un marli coloré. Grâce au perfectionnement de la technique, l’impression en polychromie est rendue possible et se développe dans le dernier tiers du 19e siècle.

Sources

Le développement de revues illustrées – notamment humoristiques – suscite un tel engouement qu’il va de pair avec celui de l’assiette comme support de l’image gravée. Les faïenciers, en bons marchands, s’emparent d’un marché juteux. Les sources d’inspiration pour la réalisation des décors sont multiples: les albums lithographiques, les estampes, les recueils de gravures, la presse ou les livres illustrés. Certains journaux tels que L’illustration, Le Charivari, Le Temps, Le Siècle, etc., fournissent d’innombrables modèles et influencent directement le répertoire des faïenceries
dont les assiettes reflètent l’actualité.
Cependant, les motifs ne sont pas toujours transposés tels quels, mais adaptés à l’impression sur céramique avec, parfois, une simplification des détails, une réinterprétation ou un recadrage. L’extrême diversité des sujets permet de toucher une large clientèle. Il s’avère difficile de connaître la longévité de la production des séries (six mois, un an ou plus?) ou le nombre de tirages, mais ils sont indissociables du succès commercial des sujets imprimés.

LES THÈMES
Chasse et pêche

Au 19e siècle, la pratique de la chasse cesse d’être aristocratique et se démocratise. Elle fait partie intégrante des loisirs: gibier, ours, renards, loups, sangliers et lièvres sont traqués par les chasseurs et leurs chiens. Ne se contentant plus de cette faune locale, les amateurs s’offrent un nouveau terrain de chasse grâce aux colonies. Les animaux sauvages exotiques constituent des trophées prestigieux: chasse au lion («Pour s’habituer à la chasse au lion», Sarreguemines), au tigre (manufacture de Gien) ou au léopard (manufacture de Creil). La loi adoptée le 3 mai 1844 pose les fondements du droit de la chasse sur laquelle se base toujours sa règlementation actuelle.

Les séries cynégétiques semblent être prisées par les collectionneurs d’assiettes parlantes. Différents moments et techniques de chasse y sont représentés: la battue, la traque, le retour de la chasse, etc. La manufacture de Creil a produit une assiette avec une spectaculaire «Pêche de la baleine» (vers 1830) au décor imprimé rehaussé de couleurs.

Les vignettes des assiettes sont ornées aussi bien de scènes de chasse classiques que de pastiche des chasseurs. Le Musée Ariana conserve des exemplaires provenant notamment des manufactures de Sarreguemines et de Nyon. La dimension satirique est bien présente sur des pièces humoristiques comme la «Chasse à la biche» ou «Comment tirer sur un lièvre aussi galant?».

Plusieurs récits de chasse paraissent, mais aussi des albums lithographiques, comme celui de Francisque Martin François Grenier de Saint-Martin (1829-1831). La manufacture de Creil a produit des assiettes cynégétiques polychromes (1830-35), s’inspirant des gravures de Carle Vernet.

Patriotisme et commémoration sur la faïence fine suisse

Ornées d’un simple filet sur le marli, les assiettes imprimées en noir de la faïencerie Baylon à Carouge sont d’une grande sobriété. Elles représentent des scènes de l’histoire suisse à travers des figures héroïques et des emblèmes de la liberté: Guillaume Tell, Arnold de Winkelried, mais aussi la villageoise de Schlinz ou la femme de Stauffacher.

Il semblerait que ces assiettes patriotiques et commémoratives aient été conçues comme des pièces ornementales, contrairement à certaines séries françaises qui étaient utilisées pour le service du dessert. Avec leurs thèmes fédérateurs, ces séries, dont le prix était accessible à tous, ont rencontré un grand succès commercial auprès de la clientèle aussi bien bourgeoise que populaire. Les faïenceries de Suisse romande (Nyon et Carouge) imprimeront également des séries avec pour thèmes les costumes traditionnels, les vues de villes et monuments suisses, les mois de l’année ou les
armoiries.

Sujets militaires

Hauts faits militaires et exaltation patriotique

Au 19e siècle, la France est impliquée dans de nombreux conflits armés (Algérie, Tunisie, Maroc, Mexique, Chine, Italie, Crimée, etc.). Qu’elle soit proche ou lointaine, la guerre, tout comme l’armée et la vie des soldats sur le champ de bataille, a abondamment été représentée sur les assiettes parlantes.
Sur la faïence fi ne, l’iconographie de la guerre est celle d’une histoire officielle qui exalte la grandeur de l’armée et dépeint les dirigeants et soldats en héros. Il s’agit de sujets d’actualité, car les assiettes sont contemporaines des événements qu’elles illustrent.

Ces représentations du rayonnement politique de la France dans le monde sont censées susciter l’admiration et éveiller le patriotisme de la population. Au 19e siècle, les séries d’assiettes sont utilisées comme des outils de propagande politique à la gloire de l’armée, du régime et de toute la nation française.

Service militaire

À l’opposé, les vignettes des assiettes sur le service militaire sont caricaturales: elles apportent une touche humoristique qui contraste avec le caractère solennel des premières. Il s’agit d’un sujet fédérateur utilisé par plusieurs manufactures de faïence fine. Certaines font d’ailleurs appel à des artistes ou dessinateurs.

L’épopée napoléonienne

Les assiettes parlantes ont été un instrument de propagande à Sarreguemines où un certain Alexandre de Geiger, baron bavarois et ami personnel de Napoléon III, dirige la manufacture dès 1836. À partir de 1840, il produit des séries d’assiettes sur la vie et les hauts faits militaires de Napoléon Ier, et ce jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale! Entre 1850 et 1860, il s’agit d’ailleurs essentiellement de séries originales créées par Sarreguemines et non copiées d’autres manufactures. La faïence devient ici un média au service du pouvoir, puisqu’à travers les louanges des qualités de l’empereur, la légende napoléonienne se poursuit: Napoléon III entend ainsi s’approprier la gloire de son oncle par filiation.

Expositions universelles

Les expositions d’art industriel, les expositions nationales et universelles sont de grands évènements spectaculaires, populaires et médiatiques qui inspirent des séries d’assiettes parlantes aux manufactures telles que Longwy, Sarreguemines, Keller & Guérin, Creil et Montereau ou Gien. Les palais, halles d’exposition, attractions – notamment la tour Eiffel – seront représentés sur plusieurs séries créées spécialement à l’occasion de ces
foires.

Tourisme

Inspirées de récits de voyages, de guides touristiques et d’ouvrages illustrés à grande diffusion, des séries d’assiettes représentent des monuments, des châteaux et des sites célèbres. Elles ne racontent pas d’histoire à proprement parler, mais sont légendées et parfois numérotées.
L’engouement du voyage au 19e siècle est encouragé par la révolution industrielle et le développement de moyens de locomotion comme l’automobile, les trains et bateaux à vapeur.
Les voyages autour du monde, les transports et le progrès sont des sujets en vogue qui entraînent la création de séries d’assiettes. D’ailleurs, le célèbre roman de Jules Verne Le Tour du monde en quatre-vingt jours paraît en 1872.

Fables

Avec leur dimension ludique et moralisante, les Fables de Jean de la Fontaine (1668-1694) mettant en scène des animaux, ont été un sujet à la mode. Ces assiettes permettent de montrer que les manufactures utilisent les mêmes modèles ou s’inspirent des mêmes gravures. C’est le cas de la manufacture Charles-Philippe Lambert (Sèvres, 1801-1815) et celle de Niedermeyer & Mülhauser (Nyon, 1814-1829). En effet, à part la bordure, il y a peu de différences entre leurs deux versions de «Le loup, la chèvre et le chevreau» ou de «La cigogne et le renard».

Proverbes et rébus

Avec leur dimension didactique, les assiettes à rébus produites par plusieurs faïenceries ont été des objets de divertissement très appréciés. Deviner le sens caché des motifs était un jeu qui se déroulait à l’heure du dessert, sollicitant les capacités d’observation et la perspicacité des convives. La solution se trouve sur le revers de l’assiette.

Assiettes pieuses

Les manufactures françaises ont produit de nombreuses séries sur la vie de Jésus-Christ (à Lunéville, par exemple) et autres sujets bibliques. Pourtant, la religion est un sujet peu illustré sur les assiettes parlantes de la collection du Musée Ariana. La scène pieuse imprimée sur cette assiette de Baylon (1803-1829) présente un vieillard consacrant ses fi ls devant l’ossuaire de Morat. Les églises, cathédrales ou monuments religieux ornent également le fond des assiettes. Les représentations de la cathédrale de Berne (Manufacture de Nyon, 1832-1845) et de Soleure (Manufacture Baylon, Carouge, 1803-1829) en sont des exemples.

Société et vie quotidienne

Toutes les couches de la société se retrouvent au centre des assiettes imprimées: étrangers (en particulier Anglais, Allemands, Noirs et peuples colonisés), domestiques, patrons, paysans, militaires, femmes, hommes, enfants. Personne n’est épargné!
Cela s’explique en partie par une démocratisation des assiettes parlantes en faïence fine; les manufactures veulent toucher une clientèle issue de milieux différents de la ville à la campagne. À travers la satire sociale ou la caricature des mœurs, l’humour est toujours présent. Sur les assiettes, les blagues, clichés, calembours, allusions et sous-entendus sont nombreux dans un langage parfois codifié: «Chasse à la biche», «Misérable! Fallait
donc l’dire que vos brouettes n’étaient faites que pour les femmes légères!». Les assiettes satiriques vont du «Duel de marquises» jusqu’aux domestiques qui prennent le pouvoir et tournent en dérision leurs patrons.

En savoir plus:

Musée Ariana
Musée suisse de la céramique et du verre
Avenue de la Paix 10 | 1202 Genève

Assiettes parlantes : Décors historiés imprimés sur faïence fine au XIXe siècle. Exposition jusqu’au 9 septembre 2018

http://institutions.ville-geneve.ch/fr/ariana/

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