Anthelme Eugène GROBON (1820 - 1878), Nature morte aux fruits

Huile sur toile. signé en bas à droite. 38 x 46 cm.

Anthelme Eugène Grobon déploie dans ce tableau tout son talent pour la représentation minutieuse des fruits et des textures. Sur un fond sombre et tamisé, deux pêches aux teintes orangées occupent le premier plan, ornées de quelques gouttes de rosée suggérant la fraîcheur matinale. 

À leur droite, une courge bosselée, à la peau vert clair, est coupée en deux, dévoilant une chair orange éclatante qui capte la lumière. Plusieurs grappes de raisins, l’une pourpre aux tons violacés, l’autre jaune presque transparent, s’étalent sur un sol rocheux, comme autant d’invitations sensorielles. Des feuilles de vigne châtoyantes, aux nuances de vert, de brun et de rouge automnal, encadrent la scène, soulignant l’équilibre subtil entre abondance et harmonie.
 
La lumière rasante intensifie les contrastes et confère un relief sculptural aux volumes. Les ombres profondes mettent en valeur la rondeur des fruits, tandis que le sol rocheux parsemé de mousse renforce l’impression de réalité tangible. Chaque détail, de la nervure délicate des feuilles aux reflets moirés des raisins, témoigne de l’observation attentive du peintre et de sa maîtrise de la composition.

Formé à l’École des Beaux-Arts de Lyon et collaborant étroitement avec son frère François Frédéric Grobon, Eugène Grobon a développé un style influencé par la lithographie botanique, domaine dans lequel il excella. Cette expérience transparaît dans la rigueur du dessin, la précision des détails et le rendu fidèle des textures végétales. Les Grobon Frères, inspirés par Pierre-Joseph Redouté et Antoine Berjon, ont su conjuguer art et science, observation minutieuse et recherche esthétique, comme en témoignent leurs planches lithographiées et leurs illustrations d’ouvrages d’horticulture.

Au-delà de la virtuosité technique, cette nature morte invite à la contemplation de la beauté simple et éphémère du quotidien. Les fruits, à la maturité éclatante, évoquent la richesse de la nature mais aussi la fugacité de l’existence, thème classique de la nature morte. L’ensemble dégage une atmosphère paisible, presque silencieuse, où chaque élément semble figé dans un instant suspendu, invitant le spectateur à méditer sur le passage du temps.

Ce tableau illustre parfaitement l’art de Grobon, où la précision scientifique se met au service de la poésie du regard. Par sa composition équilibrée, sa maîtrise de la lumière et son réalisme, Eugène Grobon s’affirme comme l’un des maîtres de la nature morte lyonnaise du XIXe siècle, héritier d’une tradition où l’observation du réel se conjugue à la sensibilité artistique.