Toile de Beautiran

Au début du règne de Louis XIV, on raffole des toiles imprimées, dites « à l’indienne » . Ces cotonnades décoratives doivent leur nom du fait qu’elles étaient initialement importées des comptoirs des Indes par la Compagnie des Indes (madras, pékin, gourgourans, damas). Gaies et exotiques, elles servaient autant à l’habillement qu’à la décoration intérieure des maisons aisées, on les utilisait pour la confection de tentures ou de lits dits « à cretonne », elles recouvraient aussi les  fauteuils.

Cantonnière en toile de Beautiran vers 1800. (c) A l'Atelier des Textiles Anciens
Cantonnière en toile de Beautiran vers 1800.
(c) A l’Atelier des Textiles Anciens

Généralement connues sous le nom de toiles de Jouy, elles peuvent en réalité provenir d’autre manufactures : à Nantes, elles sont produites dans les manufactures Dubern, Gorgerat, Petitpierre et Favre ; à Bordeaux à Beautiran , la manufacture Meillier en fabrique elle aussi ; à Jouy, c’est la fameuse manufacture Oberkampf qui réalise ces toiles.

Toile indienne de Beautiran
Toile indienne de Beautiran, XVIIIème.

En 1797, Jean-Pierre Meillier, indienneur , suisse de nationalité (né à Neuchâtel, région de production d’indiennes), achète le Domaine de Lalande pour créer la manufacture de Beautiran. La propriété, entourée du Gat Mort et de la Rouille de Civrac aux eaux particulièrement pures (utilisées pour le lavage et le rinçage des toiles) et de vastes prairies (pour le séchage) avait pour avantage supplémentaire d’être situé à proximité de la Garonne et du port de Bordeaux qui facilitera l’approvisionnement en toiles blanches de coton, provenant des colonies, et permettra l’exportation des indiennes.

Toile indienne polychrome du XVIIIe siècle.
Toile indienne polychrome du XVIIIe siècle.

La manufacture connut sa pleine expansion vers 1804. Elle emploie 112 personnes en 1826 sur le site (graveurs, filerons, tisseurs, serruriers, charpentiers, imprimeurs, manœuvres, etc.) et 50 tisseuses à la maison de détention de Cadillac.

Cependant, victime, entre autres, de la mode qui a changé, elle fermera vers 1832 ; mais l’indienneur était alors déjà devenu drapier comme beaucoup d’autres manufacturiers.

toile de Beautiran

Le succès des toiles de Beautiran réside dans la combinaison de différents facteurs. La compétence des techniciens, que Meillier n’aura pas hésité à faire venir de son pays natal ou de pays et de régions à forte tradition manufacturière, en est un aspect essentiel.

La finesse du travail des dessinateurs et des graveurs, allié à la justesse du travail des imprimeurs expliquent pour beaucoup la résistance de Beautiran face à l’émergence des grands centres cotonniers français et son intégration dans le réseau des manufactures qui comptent, et qui s’échangent, ou se copient, leurs plaques de cuivre.

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Les sujets des toiles de Beautiran sont de même nature que ceux des autres indienneries. Outre les classiques motifs floraux, on retrouve des scènes mythologique ( Diane et Endymion), des scènes champêtres ( la danse savoyarde ou la lessive) , des scènes inspirées d’œuvres poétiques ( L’art d’aimer, de l’oeuvre d’Ovide du même nom). La composition des toiles associe presque toujours quelques thèmes principaux entourés de scènes secondaires qui permettent une pleine occupation de l’espace.

De nombreux artistes peignent des cartons, ou modèles, qui sont reproduits sur le tissu. Les plus célèbres sont Huet, Pillement, Greuze, Vernet…

Lambrequin ou tour de lit en Toile de Beautiran. (c) Villa Rosemaine
Lambrequin ou tour de lit en Toile de Beautiran.
(c) Villa Rosemaine

Les toiles étaient  imprimées à partir de couleurs d’origine végétales. On produisait deux sortes de toiles : les compositions florales polychromes, imprimées à la planche de bois  et les toiles monochromes à personnages qui étaient imprimées à la plaque et au rouleau de cuivre gravés. On reconnaissait rapidement ce camaïeu rouge si caractéristique illustré de jolies scènes bucoliques et romantiques. Cette couleur résultait de la plante utilisée pour la teinture : les racines de la garance. La pauvreté chromatique est alors palliée par la finesse et la subtilité de la gravure.

 Toile de Beautiran
Toile de Beautiran

Ces toiles étaient bon marché ce qui leur a permis d’avoir une très grande diffusion, aussi bien dans l’aristocratie et la bourgeoisie que dans la paysannerie.
Leur emploi était facile, la monochromie autorisait tout mariage avec d’autres tissus, le style très marqué permettait un effet de décor original immédiat et enfin, la diversité des motifs donnait à chacun la possibilité de se distinguer de son voisin.

Les indiennes, robes en cotonnades.
Les indiennes, robes en cotonnades.

La majorité de la production était vendue par la Maison Meillier à Bordeaux (2, rue des Faussets) ou chez le Sieur Canal à Toulouse, mais également exportées dans les colonies. Certaines de ces indiennes sont ainsi dites « de traite » car elles servaient de monnaie d’échange aux négriers (commerce triangulaire avec l’Afrique et les colonies ).

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