Les Natures Mortes

La nature morte, au sens générique du terme, est un genre pictural. C’est également un terme attribué à toute représentation d’objets inanimés, de fleurs, de fruits, de légumes, de poissons ou de gibiers, sans présence humaine.

Nature morte aux tulipes – Antonio Gianlisi (1677 - 1727). (c) Art & Antiquities Investment, Proantic.
Nature morte aux tulipes – Antonio Gianlisi, école italienne (1677 – 1727).
(c) Art & Antiquities Investment, Proantic.

L’origine de l’expression nature morte viendrait des Pays-Bas où, autour de 1650, les peintres parlent de stillleven pour décrire les œuvres de l’artiste Evert Van Aelst (Delft 1602-1657). Littéralement, cette expression peut se traduire par « nature immobile ». Elle est à l’origine du terme stillevens, qui désigne en néerlandais actuel une nature morte. Elle trouve également sa traduction anglaise dans l’expression still-life qui renvoie quant à elle à l’idée de nature silencieuse.

Nature-morte Canine, Fin Du XVIIe Siècle- Début XVIIIe Siècle, école Français. (c) Galerie Pellat de Villedon, Proantic.
Nature-morte Canine, Fin Du XVIIe Siècle- Début XVIIIe Siècle, école Français.
(c) Galerie Pellat de Villedon, Proantic.

En France, André Félibien établit en 1667 une hiérarchie des genres picturaux dominée par la peinture d’histoire. Il établit que les œuvres représentant des « choses mortes et sans mouvement » y occupent la dernière place.  Le terme de nature morte n’apparaît qu’au XVIIIe siècle en France et en Italie.

Nature morte attribué à Georgius Jacobus Johannes VAN OS (La Haye, 1782 – Paris, 1861)
Nature morte attribué à Georgius Jacobus Johannes VAN OS (La Haye, 1782 – Paris, 1861)

Le répertoire iconographique des natures mortes est ancien. Dès la période hellénistique (IIIe -Ier siècle avant J.-C.), on peint  en trompe-l’œil,  des fruits, de la vaisselle, du gibier,… Cet usage de la nature morte décorative se retrouve aussi chez les Romains dans les maisons de Pompéi et Herculanum (IIe avant J.-C.-Ier siècle après J.-C.).

Nature morte au vase de Delf, signé Axel Johansen Daté 1917. (c) Proantic, galerie Valérie Muné, Proantic
Nature morte au vase de Delf, signé Axel Johansen
Daté 1917.
(c) Proantic, galerie Valérie Muné, Proantic

Ce genre pictural fut oublié pendant toute la période médiévale, puis remis au goût du jour par les artistes italiens de la Renaissance. Giorgio Vasari dans Les vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (1550) utilise l’expression « cosi naturale » (les choses naturelles) pour désigner les natures mortes ornementales de Giovanni da Udine.

 

Nature Morte aux fruits et légumes Arthur Chaplin. XIXème. (c) Marseille Antiquites, Proantic
Nature Morte aux fruits et légumes Arthur Chaplin. XIXème.
(c) Marseille Antiquites, Proantic

Le XVIIe siècle est une période faste pour la nature morte. Les différentes écoles de peinture s’y consacrent ; chacune confère aux objets une symbolique propre à leur culture. En Hollande, le marché de l’art est très compartimenté : des peintres se spécialisent dans la représentation de bouquets (Jan Bruegel de Velours), d’autres dans le thème des tables servies (Peter Claesz)

La France est le grand pays de la nature morte au XVIIIe siècle. On multiplie les trompe-l’œil pour l’architecture et les riches décors de fleurs et de fruits. Jean Baptiste Oudry se consacre à la représentation d’animaux morts et vivants. Et surtout, Jean Siméon Chardin représente avec une sensibilité inégalée la vie silencieuse des objets. Son aura dépassera largement le cadre de son siècle et de son pays.

À partir des années 1770, les peintres néoclassiques renoncent à la nature morte au profit des grands tableaux d’histoire. Ce sont surtout Édouard Manet, Paul Cézanne et Vincent Van Gogh qui ont fait évoluer le genre au XIXe siècle. Leur conception est purement picturale. Les objets n’ont plus de valeur symbolique. Seul Paul Gauguin reviendra à la nature morte symbolique.

Les avant-gardes donnent une grande importance à la nature morte. C’est un support idéal au travail de la couleur et de la forme : le fauve Henri Matisse et surtout les cubistes Braque, Gris et Picasso en font leur sujet de prédilection . Dès 1914, Marcel Duchamp bouleverse le rôle de l’objet dans l’art avec ses readymades (objets de consommation courante exposés comme œuvres d’art dans les musées). Cette démarche influencera considérablement les artistes contemporains.

Dans les années 1920, les peintres surréalistes s’amusent à créer des associations d’objets incongrus ou terrifiants. Après la Seconde Guerre mondiale, la peinture de chevalet figurative décline au profit de nouvelles formes artistiques. Sans que l’on puisse parler de nature morte au sens strict, les artistes du Pop Art américain (Warhol, Rauschenberg…) et les nouveaux réalistes français (Arman, César…) renouvellent l’utilisation des objets dans l’art (sacralisation des produits de consommation, accumulation d’objets, récupération de détritus…).

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