Les émaux de Limoges à décor Profane

Cette exposition-dossier est organisée en collaboration avec le Palazzo Madama-Museo Civico d’Arte Antica de Turin, autour du prêt exceptionnel du coffre du cardinal Guala Bicchieri (v. 1160-1227). Autour d’une quarantaine d’œuvres, elle dévoile les émaux limousins profanes — dont une trentaine de médaillons — leur iconographie et leurs techniques, sans oublier les copies, faux et pastiches de style limousin du XIXe siècle.

Coffre du cardinal Guala Bicchieri, Limoges (1220-1225), Bois de noyer et médaillons émaillés, (c) Studio Fotografico Gonella
Coffre du cardinal Guala Bicchieri, Limoges (1220-1225), Bois de noyer et médaillons émaillés, (c) Studio Fotografico Gonella

Pièce majeure de l’Œuvre de Limoges, exécutée vers 1220-1225 et décorée de médaillons figurant des combats d’animaux réels et fantastiques, des scènes chevaleresques et courtoises, le coffre de Guala Bicchieri grand collectionneur et diplomate aguerri est présenté pour la première fois hors d’Italie depuis son acquisition en 2004 et constitue le cœur de l’exposition.

Coffres, médaillons limousins provenant d’autres coffrets, chandeliers, gémellions, boîte aux scènes courtoises, y sont présentés, en provenance du musée de Cluny, du Louvre, du musée lorrain de Nancy autour des pièces du trésor du prélat italien conservées au Palazzo Madama-Museo Civico d’Arte Antica de Turin et du Museo Leone de Verceil.

Elaboré dans le cadre du Réseau européen des musées d’art médiéval et d’un partenariat avec le Palazzo Madama-Museo Civico d’Arte Antica de Turin, ce projet fait suite à celui consacré au voyage en 2014-2015, organisé avec le Bargello de Florence et le Museu episcopal de Vic.

© RMN-Grand Palais (musée de Cluny – musée national du Moyen-Âge) / Michel Urtado
© RMN-Grand Palais (musée de Cluny – musée national du Moyen-Âge) / Michel Urtado

Profanes ou religieux

La production des émailleurs limousins, ou Œuvre de Limoges, est souvent associée aux objets sacrés, fabriqués en grand nombre et exportés dans toute l’Europe dès le troisième quart du XIIe siècle. La production profane des ateliers limousins, moins connue et parvenue jusqu’à nous en plus petit nombre, dut néanmoins être abondante, même si, faute de sources et de témoignages, il demeure très difficile d’en évaluer l’ampleur. Certains objets – chandeliers, gémellions (bassins jumeaux, d’où leur nom, destinés au lavage des mains), coffrets – peuvent être employés dans un contexte aussi bien laïc qu’ecclésiastique. Une iconographie profane n’est souvent qu’un indice d’usage séculier et des objets profanes ont pu parvenir dans les églises par le biais de dons, ou de legs comme celui de Guala Bicchieri à l’abbaye Saint-André de Verceil, et recevoir alors une destination religieuse.

 © RMN-Grand Palais (musée de Cluny – musée national du Moyen-Âge) / Michel Urtado
© RMN-Grand Palais (musée de Cluny – musée national du Moyen-Âge) / Michel Urtado

Une iconographie variée

Centré sur quelques thèmes majeurs, le décor profane des émaux limousins des XIIe -XIIIe siècles fait écho à l’univers aristocratique et offre un répertoire iconographique et ornemental d’une très grande variété, qui témoigne de la verve et de l’inventivité des émailleurs limousins. Le décor végétal, dont rinceaux et fleurons sont les principaux motifs, apparaît à la fois sur les objets sacrés et profanes. Un autre thème majeur du décor profane dans l’Œuvre de Limoges est celui du bestiaire appartenant à l’univers roman. S’il comprend des animaux réels, dont de nombreux lions, il accorde également une grande place à la faune fantastique : griffons, basilics, chimères, oiseaux fantastiques et surtout dragons, ailés ou non, souvent en forme de lézard et à queue fleuronnée. Aux animaux fabuleux s’ajoute une gamme variée de créatures hybrides (mi-humains, mi-animaux, comme les sirènes-oiseaux).

À la fin du XIIe siècle, se développe un autre courant du décor profane, inspiré du monde courtois et chevaleresque. Guerriers, cavaliers, scènes de combat et de chasse, fauconniers à cheval, danseurs, jongleurs et musiciens, couples d’amoureux, rois, reines et châteaux entrent en scène. S’y ajoutent des représentations de la vie quotidienne comme la chasse. Les armoiries constituent enfin un dernier thème du décor profane des émaux limousins, surtout sur les coffrets, chandeliers et gémellions.

L’art du faux

À la faveur de fouilles et découvertes dès le XVIIIe siècle, puis de la dispersion du patrimoine mobilier ecclésiastique à la Révolution française, se constituent des collections d’objets d’art du Moyen Âge et de la Renaissance, inspirées par le culte romantique pour ces époques. Les émaux connaissent alors un franc succès dans les cabinets de collectionneurs et ceux de Limoges figurent en bonne place dans les prestigieuses collections d’art ancien constituées à Paris au milieu et dans la seconde moitié du XIXe siècle. De nombreuses copies de pièces médiévales sont alors réalisées. Les pastiches inspirés d’œuvres médiévales sont eux aussi très prisés, ainsi que les objets composites mêlant éléments anciens et modernes. La renaissance de l’émail au XIXe siècle suscite la création d’émaux dans le style de l’Œuvre de Limoges. Les contrefaçons, surtout les plus habiles, étaient parfois très difficiles à déceler, en l’absence des instruments bibliographiques et des possibilités d’analyses chimiques actuels.

En savoir plus:

Les émaux de Limoges à décor profane, autour des collections du cardinal Guala Bicchie jusqu’au 29 août 2016

Au musée de Cluny

http://www.musee-moyenage.fr/

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