Vierge de calvaire - Bois polychromé et doré, Souabe, début du XVIe siècle

Depuis le XIXe siècle, et davantage encore ces dernières années lors de leurs rares apparitions sur le marché de l’art, les délicates et expressives créations souabes ravissent le cœur des amateurs et collectionneurs de sculptures anciennes. C’est entre 1490 et 1520, au cœur des nombreux centres urbains autonomes de cette vaste région historique du sud de l’Allemagne, dans un contexte économique propice à l’épanouissement des productions artistiques, que fleurissent une multitude d’ateliers de sculpteurs dirigés par un maître et secondés par plusieurs compagnons. Alliant comme nulle part ailleurs en Europe force et sensibilité dans le traitement du bois, ces ateliers répondent alors à un grand nombre de commandes de retables, constituant l’une des productions sculptées majeures de l’Allemagne de la fin du Moyen Âge.
L’œuvre présentée ici s’inscrit pleinement dans ce contexte artistique florissant. Sculptée en ronde bosse dans un bois soigneusement travaillé, cette Vierge conserve une belle polychromie ancienne, dont les tonalités bleu profond, rouge atténué et or délicatement patiné confèrent à la figure une présence à la fois vibrante et subtile. Le drapé, ample et rythmé de plis souples, enveloppe la silhouette avec une grâce caractéristique de la sculpture souabe du début du XVIe siècle, témoignant du haut degré de maîtrise atteint par ces ateliers.
Représentée les mains jointes, la Vierge adopte une attitude de recueillement poignant. L’inclinaison douce de la tête, son regard assombri et sa bouche fermée aux commissures délicatement tombantes traduisent une émotion retenue, une douleur pudique mais intensément ressentie. Ce détail caractéristique marque son visage d’une tristesse profonde et permet d’identifier cette figure comme une Vierge de Calvaire. Admirablement sculpté, son visage incarne la sensibilité particulière des ateliers souabes, capables d’insuffler à leurs figures une humanité profonde et immédiatement touchante. Elle devait originellement prendre place au pied d’un Calvaire, en pendant à la figure de saint Jean, complétant ainsi un groupe sculpté consacré à la Crucifixion.
Sans pouvoir être attribuée avec certitude à un atelier précis, notre Vierge présente néanmoins quelques affinités avec une belle Vierge de Calvaire conservée au musée de Cluny, originaire de Haute-Souabe (Cl. 15397). On y retrouve le même type de vêtement, manteau enveloppant et guimpe serrée, une silhouette élancée caractéristique, mais surtout ces visages d’une douceur poignante, où la tendresse se mêle à la souffrance. Cette proximité d’expression, d’attitude et de sensibilité confère à ces sculptures une même intensité émotionnelle et une présence profondément humaine, et consacre tout le génie de l’Art Souabe de la fin du Moyen Âge.