Technique décorative née en Italie au XVIIe siècle, la scagliole (ou scagliola) consiste à imiter le marbre et les pierres dures à l’aide d’un mélange de plâtre, de colle et de pigments naturels, polie jusqu’à obtenir une brillance proche de celle de la pierre véritable. Elle permet un rendu étonnamment pictural, tout en offrant une richesse de détails, une palette de couleurs subtiles et
un éclat que ne permettent ni la peinture ni la marqueterie classique. Maîtrisée par des artisans d’exception, la scagliole atteint ici un important degré de finesse : la perspective, les figures, les reflets sur l’eau, tout évoque la main d’un atelier expert.
L'essor de la scagliole en Toscane doit beaucoup à l'activité de l’Opificio delle Pietre Dure, fondé en 1588 à Florence par Ferdinand Ier de Médicis, Grand-Duc de Toscane. Si cet atelier était à l’origine dédié à la marqueterie de pierres dures (commesso di pietre dure), il favorisa parallèlement l’émergence d’une tradition décorative en scagliole, moins coûteuse mais tout aussi virtuose. Dès le milieu du XVIIe siècle, des maîtres comme Enrico Hugford – moine camaldule et grand innovateur de la technique – diffusèrent un langage visuel proche de la peinture, mêlant motifs architecturaux, paysages idéalisés et scènes allégoriques. Ces œuvres étaient destinées à une clientèle aristocratique cultivée, tant italienne qu’européenne, souvent
en lien avec les circuits du Grand Tour. Le style, les motifs et la qualité de fabrication du présent panneau suggèrent un lien étroit avec cette tradition florentine, où la scagliole fut portée à son apogée entre 1720 et 1780.
Ce type de panneau était destiné à orner des intérieurs aristocratiques, souvent intégrés dans des dessus de table, des consoles ou présentés en tableaux autonomes, comme ici. Ils témoignent du goût des élites pour l’illusion visuelle, la mémoire du voyage et la célébration du paysage italien. Parfaitement conservée, cette pièce offre une fenêtre sur le monde à la fois idéalisé et pittoresque des ports méditerranéens, lieux d’échange, carrefours commerciaux et culturels.