ALLÉGORIE DU TEMPS
FRANÇOIS LEMOYNE
Paris 1688 – 1737 Paris
Fusain sur papier
59 x 42 cm / 23,2 x 16,5 pouces ; avec cadre 72 x 55 cm / 28,3 x 21,7 pouces
Le dessin français du XVIIIe siècle représente l’un des chapitres les plus brillants de l’histoire du dessin européen. Ce fut une époque d’une virtuosité extraordinaire, d’audacieuses expérimentations créatives et, en même temps, d’une productivité remarquable. Les artistes explorèrent un large éventail de techniques et de genres, tandis que le dessin obtenait une pleine reconnaissance en tant qu’objet digne d’étude et de collection. La science du connaisseur se développa rapidement, et l’étude des arts graphiques devint une partie intégrante du processus de collection. Le trait dessiné lui-même devint une sorte de signature — si individuel qu’il définissait l’identité de l’artiste. On ne saurait confondre, par exemple, la touche légère et picturale de Fragonard ou la manière ferme de Greuze.
Lorsque j’ai découvert ce dessin lors d’une vente aux enchères, j’ai été immédiatement frappé par la manière dont l’artiste avait rendu le visage et la chevelure de la figure. Ce procédé m’était familier. La tête est vue d’un point de vue légèrement surélevé, ce qui permet à la courbe douce du front de trouver un écho dans la ligne parallèle de l’œil ; la chevelure suit le même rythme, renforçant la composition. Bien sûr, un tel procédé se rencontre chez de nombreux artistes, mais pour moi il était surtout associé à François Lemoyne, le grand peintre français de la première moitié du XVIIIe siècle. Venait conforter cette première impression la conception même de la figure masculine — une Allégorie du Temps ; des compositions similaires apparaissent dans le riche corpus de dessins de Lemoyne conservés au Louvre (voir la base Joconde).
Un autre facteur important orientant vers Lemoyne comme auteur possible de la feuille est l’usage caractéristique des hachures croisées pour rendre le volume. Ce procédé, qui reflète une solide formation académique, n’est pas très courant ; parmi les grands maîtres (et en l’occurrence la haute qualité d’exécution ne fait aucun doute), il est employé de manière constante chez Lemoyne. Pris ensemble, ces éléments justifient une attribution du dessin à François Lemoyne ou à un artiste de son cercle.
François Lemoyne (1688–1737) fut un peintre et dessinateur français de tout premier plan, et l’un des créateurs du style rococo. Élève de Louis Galloche, il remporta le Prix de Rome en 1711, et fut nommé en 1736 Premier peintre du Roi (« First Painter to the King »). Son plus grand accomplissement fut le plafond monumental du salon d’Hercule à Versailles (L’Apothéose d’Hercule), une œuvre dont l’ampleur et l’éclat furent comparés par ses contemporains aux plafonds vénitiens de Tiepolo. Lemoyne ne fut pas seulement un maître de la peinture monumentale, mais aussi un dessinateur exceptionnel. Ses feuilles se distinguent par la liberté, l’imagination et une souplesse plastique du trait. On y perçoit déjà l’élégance qui deviendra plus tard emblématique chez Fragonard et Boucher. Les dessins de Lemoyne étaient appréciés de son vivant et demeurent rares sur le marché aujourd’hui, ce qui les rend particulièrement attractifs pour les collectionneurs.
PROVENANCE
Danemark, collection particulière