BON BOULLOGNE, attribué à, LA MORT D’ALEXANDRE LE GRAND

BON BOULLOGNE, attribué à
LA MORT D’ALEXANDRE LE GRAND AVEC SES GÉNÉRAUX ET LA PERSONNIFICATION DE L’IMMORTALITÉ

Papier gris, pierre noire et pinceau à l’encre, lavis et rehauts de blanc
50,5 × 41 cm / 19,9 × 16,1 in ; avec cadre : 73 × 65 cm / 28,7 × 25,6 in

L’une des caractéristiques majeures de la peinture française dans la seconde moitié du XVIIᵉ siècle et au début du XVIIIᵉ fut sa transformation rapide. La génération des artistes du Grand Siècle regardait avec admiration vers l’Italie, où Rome — sous l’influence de Pietro da Cortona — demeurait le principal foyer d’attraction. Le langage baroque de Cortone, avec son mouvement fluide et son jeu dramatique de lumière et de couleur, marqua profondément Charles Le Brun et, à travers lui, les générations suivantes de peintres français, parmi lesquels Bon Boullogne occupa une place de choix.
Bon Boullogne, dit Boullogne l’aîné, fut baptisé à Paris en 1649 et y mourut en 1717. Fils le plus doué du peintre Louis Boullogne, il remporta en 1669 le prestigieux Prix de Rome et passa cinq années en Italie. À Rome, il assimila l’art de Raphaël et des maîtres bolonais, se faisant remarquer par son aptitude à imiter et à réinterpréter des œuvres célèbres. Il étudia également Corrège et les Carrache en Lombardie, forgeant un style qui alliait la grandeur de la tradition romaine à la sensibilité raffinée de Bologne. De retour en France, il fut reçu à l’Académie royale en 1677, devint professeur puis peintre du roi. Sa réputation pour l’éclat de sa couleur et sa maîtrise du dessin lui valut d’importantes commandes à Versailles, au Trianon et aux Invalides.
Ce grand dessin monumental, représentant la mort d’Alexandre le Grand, fut autrefois attribué à l’école de Le Brun, attribution qui soulignait déjà son origine française. Pourtant, la rare interprétation du sujet, manifestement destinée à un commanditaire averti, et la liberté de la mise en œuvre — révélatrice de la virtuosité du maître — correspondent étroitement à la pratique de Bon Boullogne. Particulièrement significatif est l’usage du papier gris, de la pierre noire et du lavis à l’encre relevé de blanc, une technique qu’il affectionnait et dans laquelle il excellait. Des feuilles comparables de Boullogne montrent la même énergie vigoureuse, le même équilibre subtil entre contour et ombre, et la même maîtrise virtuose du médium.
Ces observations permettent d’attribuer avec prudence ce dessin à Bon Boullogne l’aîné, en faisant un témoignage rare et précieux de la transformation de la culture artistique française au tournant des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles. La composition elle-même est conçue de manière à rappeler le thème classique de la Pietà : des guerriers en deuil se penchent sur le corps d’Alexandre, dont la nudité devient le centre de la narration. Une telle approche, inhabituelle pour un sujet antique, évoque inévitablement l’iconographie de la Déposition de Croix. La capacité de l’artiste à trouver un équilibre entre l’élévation héroïque et la fragilité sensuelle transforme l’image en une méditation presque chrétienne sur la mortalité et la fin tragique du héros, faisant de ce dessin un exemple particulièrement frappant de l’entrecroisement des traditions antiques et chrétiennes dans l’art graphique français de la fin du XVIIᵉ siècle.

Provenance
Autriche, collection particulière