Aquarelle sur papier, signée en bas à gauche.
29 x 35,5 cm
Provenance :
Madame Henri Manguin, Saint-Tropez, 1949
Collection privée, Sud de la France.
Certificat d'authenticité délivré par Madame Claude Holstein Manguin, petite-fille de l’artiste, sera incluse au catalogue raisonné des aquarelles actuellement en préparation.
Henri Manguin, le Fauve apaisé
« Dans chaquetableau de Manguin il est midi, la lumière chante, glisse sur l’eau calme, lachair épanouie, les fleurs ouvertes ou les fruits mûrs, c’est l’heure exacte dubonheur présent. » Pierre Cabanne
Henri Manguinest bien l’un des Fauves de la première heure, représenté dans la salleoutrancière du Salon d’automne de 1905 par cinq de ses toiles qui laissentaugurer, sous des titres évocateurs, des thèmes qui vont l’habiter sa viedurant. La Sieste, Sur le balcon, Sous les arbres, Les chênes lièges ou encoreLe pré, sont autant de promesses d’un paysage omniprésent dans une œuvre qui nenéglige pas la représentation humaine.Ce qui estd’emblée frappant dans les toiles de Manguin est sa façon de traiterl’extérieur, comme un intérieur. Plus exactement, sans ôter aux paysages qu’ilreprésente le côté sauvage qui les caractérise, le peintre y fait évoluer sesmodèles plus à l’aise que dans n’importe quel intérieur. La frontière dedans /dehors disparaît ainsi dans son art de la manière la plus simple et la plushabile qui soit.
Cette possibilité d’une porte constamment ouverte sur lepaysage, il la doit à la clémence du climat dans le Sud de la France, aux cieuxde Saint-Tropez plus exactement, où, après avoir séjourné une première fois en1904, il s’installe de mai à octobre l’année suivante Villa Demière, avec sonépouse Jeanne et les enfants. Son ami Albert Marquet l’y rejoint.Dans lestoiles de Manguin, le paysage apparaît luxuriant, voire primitif, mais sansjamais être farouche. Il se veut être la rassurante évocation d’un Edenretrouvé qui, à cette époque, taraude de nombreux peintres, à l’instar d’HenriMatisse, Pierre Bonnard, Paul Signac, Edmond Cross et d’autres. On y lit aussi,notamment à travers l’attachement qu’il laisse percer pour ses modèles, laplénitude du bonheur conjugal et familial. Toute la difficulté fût pour lemaître, au fil de ses recherches, « d’harmoniser ». Mettre non seulement enharmonie les corps avec la nature, mais aussi le rendu de l’expressionpicturale avec les émotions ressenties. Enfin, mettre en harmonie les couleurssur la toile. Cet équilibre dans les tons, il ne le recherche pas au regard depréceptes académiques mais selon des conceptions personnelles et novatrices,qui n’excluent pas la juxtaposition de certaines stridences. Elles seront peu àpeu atténuées par l’emploi de plus en plus fréquent de plages de violet,auxquelles il assignera le rôle de liant dans la composition.
Tout commepour ses camarades, dont les convictions se sont forgées dans l’atelier deGustave Moreau quelques années plus tôt, l’opposition de tons est de mise.Chacun, d’une manière différente, assigne un nouveau rôle à la couleur. ChezManguin, la rigueur de la construction empruntée à Cézanne (dont larétrospective de 1895 chez Vollard l’avait beaucoup marqué) s’associe àl’emploi de couleurs franches, et à une simplification des formes n’allantjamais jusqu’à la déformation. Ces éléments servent des compositions quiménagent une grande place à la sensibilité du regard de l’artiste sur le monde.La peinturede Manguin se situe d’avantage dans le registre émotionnel que dans laconstruction intellectuelle. Peu d’écrits, en dehors des correspondances à sesamis peintres, témoignent de réflexions de l’artiste sur son cheminement, bienplus instinctif que spirituel. L’émotion née de l’observation de la nature, oùse fond la chair des modèles, gouverne, semble-t-il, ce que l’artiste projettesur la toile.
Dès 1906, le succès auprès des marchands et des collectionneursest au rendez-vous. Ambroise Vollard lui achète cette année là centquarante-deux toiles ainsi que des pastels et des dessins, tandis que l’annéesuivante, Bernheim-Jeune acquiert un ensemble de toiles et dessins et que lagalerie Druet lui propose une exposition personnelle.
Manguinvoyage : avec Henri Matisse il découvre Collioure, avec Albert Marquet,l’Italie. A partir des années 1910, il se rend régulièrement en Suisse, où ilse rapproche d’un célèbre couple de collectionneurs qui apprécieparticulièrement ses œuvres, les Hahnloser-Bühler. Il passe sa vie en famille,entre Paris et le Sud de la France, où il se sent bien et aime travailler, àSaint-Tropez comme à Sanary. Après la flambée fauve, il quitte le terrain del’avant-garde pour une esthétique plus nuancée. Il se tient à l’écart descourants qui se forment, continue ses recherches en marge de la vie artistiqueparisienne, dans une permanence qui n’exclut pas une émotion sans cesserenouvelée. Malgré ce relatif éloignement, les marchands et collectionneurscontinuent à défendre son travail et l’artiste reste en contact avec ses amispeintres, tout particulièrement Albert Marquet, de qui il sera toute sa vieproche, dans un rapport de sincère affection et d’émulation artistique.