La richesse décorative des paravents

Le paravent, issu d’une longue tradition orientale et millénaire, a accompagné en France les mutations du cadre de vie et du goût tout au long des siècle. 

Les paravents apparaissent en Chine dans des familles nobles de la dynastie Zhou. Panneaux de bois uniques, ils deviennent pliables sous la dynastie Han. À l’origine, ce sont des meubles fixes sur un socle, composés de panneaux de bois massif peints, laqués et décorés, maintenus entre eux par des charnières métalliques. Ils ont plusieurs rôles : à l’intérieur d’une pièce respecter l’intimité et faire écran (píngfēng signifie d’ailleurs « adorable bouclier »), les panneaux articulés en ligne brisée pouvant en plus arrêter les esprits censés se mouvoir qu’en ligne droite ; à l’entrée des demeures, préserver la chaleur.

Paravent en laque de Chine fin XIXe / début XXe.
(c) Antiquaire Gaubert

Au VIIIème siècle, il est adopté par le Japon (Byōbu) puis la Corée (pyõng p’ung). Les Japonais en font des cloisons mobiles, substituant au bois des feuilles de papier ou de soie et aux charnières des cordes, lanières de cuir ou cordons de soie. Ils développent de nombreux styles pour les panneaux illustrant des récits se lisant de droite à gauche. Les paravents coréens deviennent réputés pour leur qualité artistique et être les plus richement ornés.

Si les thèmes des décors, animaux, fleurs, personnages, paysages … se déclinaient à foison, un aspect plus spirituel se détachait en parallèle et l’on prêtait volontiers, à ces panneaux de bois verticaux articulés, celui de faire obstacle aux esprits.

Paravent de Coromandel,, 19e Siècle.
(c) DESARNAUD

Au XVème siècle, les premiers voyageurs britanniques rapportent en Europe plusieurs exemplaires, relayés le siècle suivant par les Compagnies française et hollandaise des Indes qui en convoient des cargaisons entières.

Paravent en Toile Peinte. 18ème Siècle.
(c) Antiquités Alric

Au XVIème siècle, le paravent est avant tout un ouvrage de menuisier et de tapissier composé de plusieurs feuilles réunies par des charnières.  Les feuilles sont tendues de serge ou de drap agrémenté de galons de soie, d’or ou d’argent. Associé au préalable, semble-t-il, à la vie religieuse en tant que fond d’autel, il entre dans les appartements au début du XVIIème siècle, très vite destiné à jouer un rôle dans la vie privée de la société.

Il protège des vents coulis, permet d’aménager des sortes d’alcôves et, par sa mobilité même et la diversité de son format et du nombre de ses feuilles, devient un élément essentiel du mobilier. Il est alors assorti à la tenture des murs — tapisserie, tissus plus ou moins riches parfois disposés en bandes, cuir gaufré — et à la garniture des sièges.

Paravent en Arte Povera »
XVIIIème siècle.
(c) La Maison Du Roy

Les différents inventaires de Versailles à l’époque de Louis XIV font état de près de 437 feuilles de paravents — c’est ainsi que ceux-ci étaient inventoriés —, couvertes de toutes sortes d’étoffes, de tapisseries de la Savonnerie, et même ornées de peintures : fables des Métamorphoses d’Ovide, allégories, grisailles… Il faut ajouter à cela des paravents en laque, étoffe et papier de la Chine, dont la vogue commence dès 1660.

Au XVIIIème siècle, la mode des paravents est plus grande que jamais. Les meilleurs peintres de l’époque fournissent des modèles pour leur ornementation, quand ils ne les exécutent pas eux-mêmes : Claude III Audran, Watteau, Desportes, Oudry, Boucher.

Paravent 19ème  en cuir de Cordoue.
(c) Antiquités Paul Azzopardi

Le bois occupe alors une place plus importante, suivant l’évolution des sièges, dont le cadre du dossier et de l’assise s’individualise, se couvre de sculptures de couleur, d’or. À côté des toiles et panneaux peints, les matériaux les plus précieux sont utilisés : velours, soieries, toiles imprimées, laques d’Extrême-Orient, vernis Martin, tapisseries des Gobelins, de Beauvais, de la Savonnerie, et, après 1680, lés de papiers peints qui représentent des chinoiseries d’après Pillement, des réjouissances villageoises d’après Teniers ou des promenades à Versailles.

Paravent en Papier-peint d’époque Directoire.
(c) Jean Luc Ferrand Antiquités

Au XIXe siècle, des paravents sont ornés de lès de papiers peints des manufactures Zuber, Dufour et Leroy. Les paravents au décor «a tempera» ou provençal sont très appréciés.

Son usage décline au début du XIXème siècle puis réapparaît vers 1860 sous le règne de Napoléon III avec la vague du japonisme inspirant notamment les nabis comme Paul Sérusier ou Pierre Bonnard à peindre de véritables toiles sur les panneaux de paravents.

Paravent Art nouveau.
(c) Galerie Moulins

Au début du XXème siècle avec le développement de moyens de chauffage modernes, son rôle fonctionnel d’isolation disparaît au profit de son rôle décoratif . Outre les grands ensembliers des années 1920 et 1930, en tête desquels figurent Jean-Michel Frank, Albert Rateau, André Mare, Eileen Gray ou Jean Dunand qui créent des laques inimitables dont ils garnissent des paravents décorés de thème divers, et dont les décors géométriques restent exemplaires, quasiment tous les artistes se sont penchés sur la question, de Mucha à Vallotton, en passant par Redon, Vuillard, Lurçat ou Riopelle.

Paravent en trompe l’oeil Piero Fornasetti.
(c) Galerie Yvan Royer

Dans les années 1950, les paravents en trompes l’œil sont très en vogue  et largement utilisé sur les scènes de théâtre.

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