L’impressionnisme et la mode

L'impressionnisme et la mode

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L’exposition est présentée au Musée d’Orsay jusqu’au 20 janvier 2013 à Paris

Soucieux de rendre compte de la vie contemporaine, l’impressionnisme a privilégié la représentation de la figure humaine dans son milieu quotidien et saisi l’homme « moderne » dans ses activités habituelles, à la ville comme à la campagne.

Bien qu’ils ne s’attachent pas à la représentation scrupuleuse de la physionomie, du costume et de l’habit, les impressionnistes n’en rendent pas moins compte des modes et des attitudes de leur temps. Ils y parviennent par leur volonté de considérer le portrait comme l’instantané d’un homme dans son cadre familier, par leur capacité à renouveler, du double point de vue de la typologie et de la topographie, la scène de genre et surtout par leur attention à « la métamorphose journalière des choses extérieures », pour reprendre l’expression de Baudelaire.De leurs positions esthétiques, la réalité de l’homme des années 1860-1880 et de son habit subit une incontestable transfiguration.

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Les deux soeurs de James Tissot (1863)

Ce constat s’appuie sur une soixantaine de chefs-d’oeuvre de Manet, Monet, Renoir, Degas, Caillebotte. Certains>d’entre eux n’ont pas été présentés à Paris depuis plusieurs décennies tels que le portrait de Madame Charpentier etses enfants de Renoir (New York, The Metropolitan Museum of Art) ou Nana de Manet (Hambourg, Hamburger Kunsthalle) qui avait figuré à la rétrospective Manet en 1983 (Galeries nationales du Grand Palais) ou encore La Logede Renoir du Courtauld Institute de Londres.

Pour mieux appréhender l’approche des impressionnistes, feront contrepoint des oeuvres de leurs contemporains -Tissot ou Stevens par exemple – davantage préoccupés par la représentation de la Parisienne et de la sociétéélégante du Second Empire et des débuts de la Troisième République. Mais la confrontation avec la réalité estbeaucoup plus instructive. Elle pourra se faire grâce à la présence d’une cinquantaine de robes et d’accessoires dont une dizaine de chapeaux – qui dresse un panorama de la mode féminine à l’époque des impressionnistes, mode essentiellement marquée par l’abandon progressif de la crinoline au profit de la tournure.

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Le Cercle de la rue Royale, 1868
James Tissot (1836-1902)
© Musée d’Orsay, dist.RMN
-Grand Palais / Patrice Schmidt

La mode masculine, moins variée, plus uniforme, sera évoquée par une vingtaine de pièces. Tous ces éléments textiles appartiennent auxcollections publiques et privées françaises. Enfin un appareil documentaire important rassemblera des dessins, desgravures de mode, des journaux de mode – dont La dernière Mode, éphémère revue rédigée par Mallarmé – ainsi que des photographies sortant de l’atelier du Disdéri.

La bourgeoisie triomphe en cette seconde partie du XIXe siècle et va afficher sa réussite et imposer ses tenues vestimentaires. L’Opéra, les théâtres, les salles de concert, les cabarets, les cafés ne désemplissent pas. Dans la bonne société, les femmes élégantes se piquent d’avoir un salon et revêtent jusqu’à six toilettes différentes par jour, du déshabillé du matin jusqu’à la robe de gala, en passant par toute la gamme des robes d’intérieur et des robes de soirée. Mais à côté de la grande bourgeoisie traditionnelle, de nouvelles classes sociales apparaissent, moyenne et petite bourgeoisie qui cherchent à profiter des techniques modernes et des progrès de l’ndustrialisation.

Grâce à une presse de plus en plus abondante, des femmes de milieu modeste s’efforcent de copier à bas prix les modes de la haute société. Les nombreuses publications qui leur sont destinées contiennent tout ce qui peut les intéresser, chroniques de la vie mondaine qui fait rêver, conseils d’économie domestique, principes de savoir-vivre mais aussi des conseils ou des modèles de couture et parfois même quelques patrons à recopier ou à commander au journal.

Une nouvelle figure entre en scène. Représentée par les impressionnistes, sous l’appellation de “La Parisienne”, elle transcende les origines sociales. Grande bourgeoise ou simple vendeuse, cousette ou demi-mondaine, “La Parisienne” devient un sujet de prédilection pour les peintres, férus de modernité, et fait rêver le monde entier.

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Chapeau en paille et velours de soie 1885
(c) Stéphane Piera,Musée Galliera, Patrice Schmidt

Affaire de séduction…

Les accessoires jouent un rôle essentiel dans la représentation de la mode féminine parce qu’ils sont des instruments emblématiques de la séduction sans lesquels la toilette ne serait pas complète. À chaque peintre, sa manière particulière de les utiliser pour célébrer la sensualité d’un corps ou souligner la grâce des attitudes. La bottine est rarement découverte, et se laisse plutôt deviner sous la jupe.

La voilette dissimule le visage et fait ressortir la pureté du teint. L’éventail permet d’avoir les mains joliment occupées. L’ombrelle protège du soleil et participe au jeu de la séduction qui consiste à la fois à se cacher et à se montrer. Le chapeau est une pièce essentielle de la toilette puisque les cheveux sont toujours dissimulés et réservés à la vie intime. La femme, à cette époque ne sort pas sans chapeau.

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Femmes au jardin Vers 1866
Claude Monet (1840-1926)
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Un monument textile

Dans les années 1860, la véritable nouveauté en matière de mode survient avec la crinoline métallique, véritable cage de fabrication industrielle. Les cerceaux concentriques en acier ont le mérite d’être plus légers que la superposition de jupons. La crinoline transforme la femme en un monument textile.

En France, la production de ces crinolines d’acier atteindra, au plus fort de leur vogue près de 5 millions d’exemplaires par an avant de disparaître en 1867 pour laisser place à la tournure. La transition s’est opérée ainsi : la cage métallique a commencé par se diviser en deux, puis s’est effacée sur l’avant, tout en restant très présente à l’arrière. Au final, la silhouette apparaît avec un buste raccourci et, de profil, un amoncellement de plis qui tombent en cascade à partir des reins pour amplifier la croupe et former un pouf, le fameux “cul de Paris”.

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Robe noire portant la griffe de Mme Roger, 1878
Collection particulière
Photo : Gilles Labrosse

Les dessous de la courtisane

Les demi-mondaines, les lorettes et les cocottes du Second Empire, les “belles petites” et les “grandes horizontales” de la IIIe République font de la lingerie un outil de séduction. Avec son roman Nana, Zola révèle les dessous du Paris nocturne. Les peintres, Manet en tête, chercheront aussi à décrire l’univers de la courtisane, dans lequel le corset joue le premier rôle. Cet ambigu objet de mode continue encore aujourd’hui à inspirer le monde de la couture.

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Dans la serre ou Madame Bartholomé, 1881
Albert Bartholomé (1848-1928)
Paris, musée d’Orsay
Photo : RMN / Hervé Lewandowski

Les dessous se compliquent…

Aux confins de l’intime, les dessous en disent long sur l’époque. Durant le XIXe siècle, se mettent en place les principes de la morale bourgeoise, auxquels les femmes doivent se conformer. Corsets, chemises, jupons, pantalons, cache-corsets, les dessous se multiplient et se compliquent pour soustraire le corps de la femme au regard.

Substitut du corps naturel, le corset est incontestablement la pièce maîtresse de la lingerie. Il gouverne le corps de la femme jusqu’à étrangler sa taille. Que l’on soit mondaine ou paysanne, il est néanmoins inconcevable de ne pas en porter, à tel point qu’il y a les corsets du matin et les corsets de nuit, les corsets d’hiver et les corsets d’été, les corsets de bal, les corsets nuptiaux, les corsets de grossesse, les corsets de voyage ou encore les corsets d’équitation.

Illustration du Journal de la dernière mode
Illustration du Journal de la dernière mode

L’essor de la presse féminine

La presse féminine connaît une incroyable croissance et à la fin du Second Empire, le nombre des journaux de mode s’élève à 80 titres. Cette profusion est alimentée par les premiers catalogues illustrés des grands magasins, qui apparaissent à Paris dans la seconde moitié du XIXe, et par les revues de plus en plus spécialisées qui s’adressent aux professionnels, tailleurs, couturières et modistes. On assiste à un véritable phénomène de mode qui concerne toutes les classes de la société. À chacune, sa revue.

Les journaux de mode ne peuvent échapper au regard des impressionnistes. Si les artistes se sont aidés de la photographie, ils se sont aussi servis des gravures de mode pour inscrire leur peinture dans l’air du temps. Ce goût pour la mode renvoie d’ailleurs à celui de notre époque, où les mondes de l’art et de la mode se croisent jusqu’à la confusion des genres.

 

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