Après les événements révolutionnaires, le 19e siècle redécouvre le Moyen Âge, tout en le réinterprétant. Ce siècle, qui cultiva une rêverie romantique et connut d’importants progrès technologiques et la constitution de grandes collections, s’est inspiré du Moyen Âge en produisant des copies, des pastiches, des oeuvres composites et des faux. L’exposition permet des confrontations, mettant en regard certains objets médiévaux avec leurs « résonances » du 19e siècle.

Attribué à Maître G. Alpais
Limoges, vers 1200
© GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi
Le propos est centré sur les arts précieux, dans leur acception médiévale : pièces d’orfèvrerie et d’émaillerie, ivoires, tissus précieux. Ces domaines ont en effet connu au 19e siècle un foisonnement de redécouvertes techniques. Ces phénomènes culturels et artistiques émergent dès les années 1820-1830 jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale, soit pendant un siècle environ. Collectionneurs, ateliers de création et de restauration, mais aussi faussaires, en sont les principaux acteurs, autour d’un marché de l’art en pleine expansion, focalisé sur Paris, qui apparaît alors comme la capitale des arts précieux.

Faussaire D’Hermange
Metz, vers 1850
© GrandPalaisRmn (musée de Cluny – musée national du Moyen Âge) / Michel Urtado
Le parcours de l’exposition s’articule en quatre sections principales. Il met d’abord en lumière les objets médiévaux devenus modèles, à travers leur étude par le biais de publications, relevés et dessins. Quelques-uns deviennent même des objets iconiques, souvent copiés comme le ciboire d’Alpais ou l’ange de Saint-Sulpice-les-Feuilles. En parallèle, des techniques médiévales d’arts précieux sont redécouvertes ou remises au goût du jour.

Trioullier et fils
Paris, entre 1863 et 1875
© Paris Musées / Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
La seconde partie est consacrée au rôle déterminant des collectionneurs dans la constitution des premières grandes collections d’art médiéval, qu’elles soient privées ou publiques. Elle évoque notamment celle d’Alexandre Du Sommerard, à l’origine du musée de Cluny, ou celle d’Alexandre Basilewsky, le « roi des collectionneurs », qui possédait des œuvres d’art et curiosités telles que la corne d’élan de Saint-Arnoul aujourd’hui conservée au Rijksmuseum d’Amsterdam.

Espagne (Saragosse), vers 1500-1515 (tête), seconde
moitié du XIXe
siècle (buste)
© Musée du Louvre, Dist. GrandPalaisRmn / Philippe Fuzeau
La troisième section explore les créations dans le goût du Moyen Âge, qu’il s’agisse d’imitations fidèles, de pastiches ou d’objets composites combinant différents styles, aussi bien dans le domaine religieux que profane. Des objets méconnus du XIXe siècle provenant de la collection du musée de Cluny seront présentés pour la première fois, comme un grand buste-reliquaire féminin, ou encore une harpe en ivoire du musée de Louvre, considérée comme médiévale lors de son acquisition.

Atelier de Stepan Sabine-Gousse (?)
Russie (Saint-Pétersbourg?), XIX siècle
© GrandPalaisRmn (musée de Cluny – musée national
du Moyen Âge) / Michel Urtado
Enfin, la dernière partie aborde la question des faux et usages de faux, dans un contexte où la demande des collectionneurs et la recherche de l’objet rare alimentent l’activité des faussaires et des marchands peu scrupuleux, à l’instar du marchand d’antiquités Luigi Parmeggiani, alias Louis Marcy.

France, XIXe
siècle
© GrandPalaisRmn (musée de Cluny – musée national du Moyen Âge) / Jean-Gilles Berizzi
Cette exploration est menée à partir des collections d’arts précieux du musée de Cluny, en dialogue avec des œuvres empruntées à d’autres institutions françaises et étrangères telles que le musée du Louvre, le musée d’Orsay, le Musée des Arts Décoratifs, la Bibliothèque nationale de France, le trésor de la cathédrale de Nancy, le Victoria & Albert Museum à Londres, le Palazzo Madama à Turin, la Galleria Parmeggiani à Reggio Emilia, etc.
« Le Moyen Âge du XIXe siècle, créations et faux dans les arts précieux », Musée de Cluny jusqu’ au 11 janvier 2026.