Doucet et Camondo : une passion pour le XVIIIe siècle

Les Arts Décoratifs et l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) présentent, au musée Nissim de Camondo, une exposition consacrée à la riche collection d’œuvres d’art du XVIIIe siècle constituée par Jacques Doucet.

Célèbre couturier et grand mécène, Jacques Doucet (1853-1929) est aussi l’un des plus importants collectionneurs de son temps. Une sélection de dessins, photographies et documents d’archives conservés à l’INHA retrace l’histoire de ce prestigieux patrimoine.

Adrien Karbowsky, « Étude pour le salon des pastels », 1907 Aquarelle Source : INHA

L’exposition dévoile les décors éphémères de l’hôtel particulier situé rue Spontini dans le XVIe arrondissement que Doucet fait spécialement édifier pour accueillir cet ensemble de tableaux, dessins, sculptures, meubles et objets d’art du XVIIIe siècle. Elle met en lumière les œuvres ayant appartenu à Jacques Doucet, conservées notamment au musée Nissim de Camondo, ancien hôtel particulier de Moïse de Camondo, tissant ainsi le lien entre ces deux grands collectionneurs.

 Tandis que les plans de l’architecte Louis Parent (1854-1909) prennent déjà en compte les décors anciens que possède Doucet et les œuvres importantes de sa collection, le travail de décoration de l’hôtel est confié au peintre décorateur Adrien Karbowsky (1855-1945) et au sculpteur Georges Hoentschel (1855-1915).

Photographe non identifié, « Salon des pastels », 1912 Source : INHA

Aujourd’hui conservés à la bibliothèque de l’INHA, les 31 dessins d’Adrien Karbowsky, délicatement colorés à l’aquarelle, font renaître ce monument édifié à la gloire de ces collections du XVIIIe siècle, qui connaît une existence éphémère. À la surprise générale, Jacques Doucet vend aux enchères quasiment toutes ses œuvres en 1912 et quitte définitivement l’hôtel à la fin de l’année 1913. Si les raisons de ce départ demeurent aujourd’hui incertaines, il est probable qu’il soit lié au décès de sa maîtresse, Jeanne Raimon, née Ruaud, assassinée le 28 février 1911 par son mari, alors qu’elle avait décidé de le quitter pour épouser son amant.

Henry Tenré, « Salon des pastels », 1911 Aquarelle sur carton Source : INHA

Exceptionnels pour leurs qualités esthétiques, les dessins jouent un rôle de témoignage dans l’appréhension des collections et leur accrochage : ils montrent que cet ensemble constitué par Doucet est bien au cœur du projet décoratif. Les visiteurs découvrent, à travers ces dessins, les décors de la rue Spontini où chaque objet y a sa place, soigneusement pensée, tels que ceux du grand vestibule, le décor Directoire, le salon des pastels qui rassemblent des oeuvres d’Hubert Robert, Jean Honoré Fragonard, Louise Élisabeth Vigée Le Brun, Antoine Watteau et François Boucher ou enfin le majestueux salon aux lambris anciens et modernes de style Régence.

L’exposition retrace, tout au long du parcours, les liens étroits entre ces deux collectionneurs contemporains l’un de l’autre. Si Jacques Doucet et Moïse de Camondo ne semblent pas avoir été proches ou même s’être fréquentés, ils ont pourtant en commun une passion pour le XVIIIe siècle et des démarches de collectionneurs très comparables. Comme Doucet, Camondo a déjà une collection qu’il entreprend d’enrichir pendant la construction de l’hôtel. Spectaculaire, la vente aux enchères de la collection de Doucet en 1912 attire les plus grands musées, marchands et amateurs, français et étrangers, dont Moïse de Camondo.

L’exposition révèle les pratiques distinctes de ces deux collectionneurs : contrairement à Camondo, très attentif à la cohérence temporelle des œuvres qu’il assemble et qui se concentre sur des objets datés de la seconde moitié du XVIIIe siècle, Doucet fait primer l’équilibre visuel de l’accrochage sur sa cohérence historique ou intellectuelle. Il opère également des rapprochements thématiques audacieux tel que l’érotisme : la gouache de Pierre Antoine Baudouin dans le salon des pastels est accrochée avec « Le Feu aux poudres » de Fragonard, peinture aujourd’hui au Louvre, et une terre cuite de Clodion, « L’Innocence », désormais au Metropolitan Museum of Art, à New York.

En mettant en lumière Jacques Doucet, une figure fondatrice de l’INHA mais également grand mécène des Arts Décoratifs, qui comprend le musée éponyme et le musée Nissim de Camondo, cette exposition rend hommage à l’histoire de ces deux grandes institutions.

Exposition « Doucet et Camondo : une passion pour le XVIIIe siècle » présentée au musée Nissim de Camondo, à Paris, jusqu’au 3 septembre 2023.

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