France, vers 1774–1779 — Époque du marquis de La Fayette
Souvenir historique majeur
Cette épée constitue un témoignage emblématique de l’alliance franco-américaine durant la guerre d’indépendance des États-Unis (1778–1783). Les officiers et gentilshommes français engagés dans l’expédition d’Amérique, sous les ordres du comte de Rochambeau ou du marquis de La Fayette, portaient ce type de montures d’argent d’un raffinement exceptionnel, où le langage ornemental royal — lions, lys, draperies, trophées d’armes et ancres de marine — glorifiait la monarchie tout en célébrant l’union des deux nations contre l’Angleterre.
Par son iconographie et sa qualité d’exécution, cette épée incarne l’un des rares symboles tangibles du lien fondateur entre la France et les États-Unis, union militaire et idéologique dont naîtra une amitié durable.
Description générale
Puissante épée d’officier de marine dite « de l’expédition d’Amérique », en argent ciselé et poinçonné.
Monture entièrement en argent massif, à décor perlé, quadrillé et à pointes de diamant ; fusée en argent poinçonnée à sa base.
Garde ovale à double pas-d’âne ; pommeau ovoïde en suite, décoré de rosaces et de guirlandes perlées.
Fourreau d’origine en cuir noir verni, à deux garnitures (chape et bouterolle en laiton argenté, selon l’usage de la Marine royale) et cravate en drap écarlate.
Dimensions : longueur totale 96 cm ; lame 78,5 cm.
Remarque : la chape et la bouterolle, soumises aux frottements et à l’humidité, étaient souvent réalisées en laiton argenté afin d’assurer solidité et facilité de remplacement
Le pommeau — emblème de noblesse et de commandement
Le pommeau ovoïde, orné de guirlandes et de rosaces perlées, s’inspire des modèles néoclassiques du règne de Louis XVI. Symbole de perfection, de stabilité et d’honneur, il exprime la dignité du commandement et l’appartenance du porteur à l’élite des officiers nobles, souvent issus des Gardes de la Marine (Brest, Toulon, Rochefort). Le travail d’orfèvrerie est d’une précision remarquable.
Décor iconographique — Symbolique royale et marine
Sur la fusée figure un médaillon ovale perlé représentant un buste masculin de face, coiffé d’une perruque à rouleaux latéraux, entouré de trophées militaires : ancres, canons, faisceaux d’armes.
Ce portrait correspond au style des effigies du marquis de La Fayette peintes entre 1775 et 1780 (Duplessis, Weyler). Associé à une monture poinçonnée Fouache & Compant — actifs précisément lors de l’envoi des troupes françaises — ce médaillon acquiert une portée symbolique unique.
Armoiries – Écu de France
Sous le plateau de garde : écu de France à trois fleurs de lys, soutenu par un lion dressé, accompagné d’un étendard flottant et de trophées navals. Des draperies évoquent le manteau royal.
Lion à dextre soutenant un écu d’azur aux trois fleurs de lys d’or, accompagné d’un étendard et de trophées navals.
L’ensemble forme un véritable blason d’honneur, confirmant le caractère royal et prestigieux de l’arme
Poinçons
• Fermiers généraux : Fouache & Compant — Paris, 1774–1780
• Poinçon de décharge de Paris (1774–1779)
• Poinçon technique d’atelier
• Poinçon de maître-orfèvre : Jean-Louis Julien
Actif vers 1764–1780
Poinçon : L • attribut végétal stylisé (tige/arbre) • J
avec grains de remède dans un ovale irrégulier
Inscription sur la lame
HONI SOIT QUI MAL Y PENSE
Devise de l’Ordre de la Jarretière (Angleterre, 1348). Dans le contexte français, il s’agit d’une devise chevaleresque très employée dans l’ornementation des lames importées ou inspirées de Solingen et Klingenthal, sans lien politique.
Comparaisons muséales
• Musée national de la Marine, Paris – inv. OA 2213 : épée d’officier de l’expédition d’Amérique, vers 1775.
• Musée de l’Armée, Paris – inv. H 1242 : monture en argent poinçonnée Fouache & Compant, lion aux armes de France.
Analyse historique
Ce type de monture était destiné aux officiers de Marine engagés dans l’expédition d’Amérique (1778–1783), notamment dans les escadres d’Estaing et de La Fayette. Montures d’argent massif, exécutées à Paris, offertes en dotation personnelle ou acquises par les officiers nobles. La pureté du style Louis XVI et la présence de poinçons rigoureusement datés en font un témoin remarquable des relations franco-américaines qui précédèrent Yorktown.
Remarque — Caractère massif de l’arme
Contrairement aux épées de cour, légères et destinées aux cérémonies, cette monture présente une garde plus épaisse, une lame plus large, une structure renforcée et un centre de gravité plus franc. Elle est conçue pour un usage réel en campagne et en mer, tout en conservant l’élégance du style Louis XVI.
FICHE D’EXPERTISE — JEAN-LOUIS JULIEN (maître-orfèvre parisien)
Identification
Maître-orfèvre parisien Jean-Louis Julien
Actif vers 1764–1780
Poinçon : L • attribut végétal stylisé (tige/arbre) • J
avec grains de remède dans un ovale irrégulier
Analyse
• Poinçon authentique
• Conformité parfaite avec le style Louis XVI (1774–1780)
• Compatibilité technique avec une monture d’officier de Marine
• Fabrication parisienne de haut niveau
Expertise et Analyse technique et iconographique du poinçon de maître orfèvre
L’observation microscopique permet d’identifier une construction verticale extrêmement nette, organisée en trois niveaux successifs
arbre stylisé → deux grains → initiales → grain inférieur.
Cette architecture n’est pas fortuite : elle répond à une logique gravée volontairement par le maître-orfèvre.
1. La partie supérieure : la cime — un feuillage dense et volontairement dégagé
La zone la plus haute du poinçon montre une masse arrondie, épaisse, texturée, occupant toute la largeur.
Il s’agit clairement du feuillage compact de l’arbre stylisé, gravé de manière à rester identifiable malgré la petitesse du poinçon.
Caractéristiques constantes sous grossissement :
• forme organique, non géométrique ;
• épaisseur de relief plus importante ;
• positionnement en tête du cartouche, sans autre marque au-dessus.
Ce feuillage constitue la signature visuelle du poinçon.
2. La zone médiane : deux grains de remède situés sous le feuillage et juste au-dessus des initiales
Directement sous le feuillage apparaissent deux grains de remède, parfaitement reconnaissables :
• forme sphérique,
• relief net,
• alignement horizontal,
• positionné entre l’arbre et les initiales.
Cette disposition est typique des poinçons verticaux, où le symbole (ici l’arbre) occupe la place centrale et oblige les grains à être disposés immédiatement sous le sommet du motif, mais au-dessus des lettres.
Ce poinçon parisien de petit module ne mesure pas plus de 3 mm
3. La partie inférieure : les initiales L … J du maître-orfèvre
Sous les grains supérieurs se trouvent les deux lettres :
• L à gauche
• J à droite
Leur forme, leur dimension réduite et leur implantation basse confirment qu’il s’agit des initiales du maître.
Elles occupent la zone la plus basse du bloc principal, sous les grains supérieurs, mais au-dessus du dernier grain inférieur.
4. Le grain inférieur : situé sous les racines, à la base du poinçon
Sous les lettres et sous les racines de l’arbre apparaît un troisième grain de remède, plus discret, légèrement écrasé.
Ce troisième grain est placé :
• totalement en bas,
• sous la ligne des lettres,
• au niveau de la base du cartouche,
• sous les racines de l’arbre.
Conclusion générale
Monture d’épée d’officier de l’expédition d’Amérique, en argent massif, Paris, vers 1774–1779, portant le poinçon du maître-orfèvre Jean-Louis Julien.
Pièce de prestige, rarissime, d’importance historique majeure.





































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