CHOC DE CAVALERIE
JAN PEETER VERDUSSEN
Anvers, v. 1700 – Avignon, 1763
Crayon noir et sanguine sur papier vergé
22,5 × 34,5 cm / 8,85 × 13,58 pouces ; avec cadre : 43,5 × 54 cm / 17,12 × 21,25 pouces
PROVENANCE
Collection particulière, Danemark
Au XVIIIᵉ siècle, les dessins de batailles occupaient une place particulière dans la culture artistique européenne. Ces œuvres n’étaient pas seulement considérées comme des étapes préparatoires vers la peinture, mais aussi comme des créations autonomes, permettant à l’artiste de transmettre le dynamisme du combat et le drame de l’instant avec une immédiateté rare.
En France, le genre de la bataille connut un véritable essor au XVIIIᵉ siècle. Si l’art français lui donna un éclat aristocratique, ses origines remontaient à l’héritage fécond de la peinture hollandaise et flamande du XVIIᵉ siècle. Il n’est donc pas surprenant que des maîtres venus de Flandre et des Pays-Bas aient connu un grand succès en France, comme la célèbre dynastie des peintres Van Blarenberghe.
Dans ce contexte, la figure de Jan Peeter Verdussen (Anvers, v. 1700 – Avignon, 1763) occupe une place singulière, ayant lié sa carrière non pas à Paris mais à Marseille. Fils du peintre de batailles Peter Verdussen, il reçut sa première formation artistique dans l’atelier familial, nourri des traditions de Philips Wouwerman et d’Adam Frans van der Meulen. Après avoir travaillé à la cour de Charles-Emmanuel III de Sardaigne (1743–1746), il s’installa en France, où il est mentionné à Marseille dès 1745. En 1759, il devint membre, puis directeur, de l’Académie locale.
Ses contemporains tenaient son talent en haute estime. Le 7 juin 1762, Moulinneuf écrivait à Dandré-Bardon :
« Nous aurons encore l’honneur de vous dire encore que M. Verdussen nous a fait présent d’un tableau de batailles […] qu’on peut regarder comme son chef-d’œuvre et d’un pinceau fin et d’une couleur admirable. Ce tableau fait honneur à son auteur qui en a reçu des compliments de tous la part [sic] de tous nos connaisseurs […]. »
Dandré-Bardon lui répondit :
« Je vous félicite du magnifique présent que vous fait M. Verdussen. Sa réputation m’est un garant assuré du bien que vous m’en dites. »
Le 29 août 1762, le tableau figurait en bonne place, aux côtés de deux autres œuvres de l’artiste (appartenant à M. Poulhariez), lors de l’exposition annuelle de l’Académie. Le secrétaire écrivait alors à Joseph Vernet :
« Nous avons […] exposé un tableau de batailles de M. Verdussen et qu’il a peint avec toute l’attention possible pour en faire présent à notre académie. C’est selon nous le meilleur morceau qui soit sorti de sa main. »
À quoi Vernet répondit :
« Je ne doute pas que M. Verdussen ne se soit piqué de faire de son mieux lorsqu’il a été question d’un tableau qui doit rester continuellement exposé à vos yeux, et à ceux du public connaisseur. Je le connais très capable de faire de très belles choses et suis charmé qu’il soit des nôtres. »
Le dessin présenté ici est, par son style et sa technique, proche de la feuille Choc de cavalerie (v. 1760–1761) conservée au musée Grobet-Labadié de Marseille (pierre noire, H. 26 × L. 40 cm). Cela permet, avec une grande certitude, de le dater de la période marseillaise de l’artiste. Comme l’exemple du musée, il révèle une utilisation assurée de la pierre noire, une composition dynamique animée par le mouvement diagonal de la cavalerie, et un contraste entre un premier plan dense et détaillé et un arrière-plan plus léger et atmosphérique. Ce dessin constitue un rare exemple de l’œuvre de maturité de l’artiste, où la scène de bataille apparaît à la fois comme un document historique et comme une œuvre d’art à part entière.
Cité d’après « Marseille au XVIIIᵉ siècle. Les années de l’Académie de peinture et de sculpture, 1753–1793 », Musées de Marseille, Somogy Éditions d’Art.