Le porphyre impérial – un matériau d’un rouge profond constellé de cristaux blancs – provient exclusivement de la carrière de Mons Porphyrites en Égypte, exploitée dès l’époque romaine sous Domitien. D’une dureté extrême, cette roche volcanique ne pouvait être travaillée que par les artisans les plus expérimentés, au prix d’un labeur considérable. C’est précisément cette rareté, combinée à sa couleur évoquant le sang et la pourpre – symbole de souveraineté – qui fit du porphyre un matériau réservé aux représentations des empereurs, aux sarcophages impériaux, ou aux éléments architecturaux des palais et édifices sacrés. La carrière ayant été épuisée au Vème siècle après JC, tous les objets en porphyre réalisés après l’Antiquité — notamment à Byzance, durant la Renaissance ou à l’époque napoléonienne — proviennent nécessairement de blocs extraits durant l’époque romaine, récupérés et réemployés au fil des siècles.
À partir du XVIIIe siècle, ce type d’objet devient particulièrement recherché dans le contexte du Grand Tour, ce long voyage initiatique entrepris par les jeunes aristocrates européens, notamment anglais, pour compléter leur formation culturelle. Rome, Naples et Florence figuraient parmi les étapes incontournables, où ces voyageurs collectionnaient des objets antiques ou néo-classiques.
Les petits objets en porphyre, comme ce mortier, étaient souvent acquis en souvenir de ce périple, témoignant à la fois de l’érudition du voyageur et de son goût pour l’esthétique classique. Le porphyre, difficile à travailler, était considéré comme un matériau noble, et les ateliers italiens de l’époque (notamment à Rome) ont produit de nombreuses pièces inspirées de l’Antiquité pour répondre à cette demande.
Ce mortier pourrait ainsi parfaitement s’inscrire dans la tradition des objets rapportés du Grand Tour, entre objet utilitaire et œuvre d’art décorative, à exposer dans un cabinet de curiosités ou une bibliothèque savante.