Carrier-Belleuse. Le Maître de Rodin

Hortense Schneider par Carrier-Belleuse

Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais et le Palais impérial de Compiègne jusqu’au 27 Octobre 2014. L’exposition, première rétrospective consacrée à Carrier-Belleuse, montrera comment, à côté de Carpeaux, il incarne la sculpture du Second-Empire, son éclectisme, sa générosité, sa capacité d’invention et ses ouvertures sur des perspectives multiples qui expliquent que Rodin fut profondément marqué par son maître.

Albert-Ernest Carrier-Belleuse , Bacchante
Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824-1887), Bacchante, 1863, Marbre, , Paris, Musée d’Orsay, © Rmn-Grand Palais (musée d’Orsay) / René-Gabriel Ojéda

Albert Ernest Carrier-Belleuse (1824-1887) fut l’un des sculpteurs les plus célèbres et certainement les plus omniprésents du Second Empire. Après des débuts dans un atelier d’orfèvre, il gravit les échelons de la formation de sculpteur jusqu’à la consécration au Salon.

« C’est presque une machine à sculpter… Chaque jour sortent de son atelier des bustes, des ornements, des statues, des statuettes, des bronzes, des candélabres, des cariatides ; bronze, marbre, plâtre, albâtre, il taille tout, il façonne tout, il creuse tout; mais que cette machine a d’esprit, d’imagination, de verve!» (Edouard Lockroy,  Le Monde des Arts ).

La Charmeuse de serpent par Carrier-Belleuse
La Charmeuse de serpent par Carrier-Belleuse
© Alexander’s Antiques / photo Josh Gaddy

En effet, doué d’une aisance époustouflante il dessinait et modelait tout ce que croisait son regard. Son style naturaliste, nourri de réminiscences de la Renaissance bellifontaine et d’une fascination pour le XVIIIe siècle, s’adaptait à tous les types de sculpture et aux arts décoratifs auxquels il ne cessa de fournir des modèles.

Outre ses présentations aux Salons, il produisit des éditions de sujets tirés de la mythologie, de l’histoire ou de pure fantaisie, en terre cuite, bronze ou marbre, grâce à une utilisation novatrice de la technologie du temps. Il n’est aucun domaine auquel il ne contribua.

Carrier Belleuse Le maitre de Rodin
Carrier Belleuse Le maitre de Rodin – Palais imperial de Compiègne (Compiègne) (c) 2014 Martine PIAZZON

Selon la pratique du XIXe siècle, il organisa un atelier où collaboraient de nombreux praticiens qui œuvraient à la production de ses sculptures et de leurs «dérivés». Le jeune Auguste Rodin y travailla à ses débuts et trouva chez son maître une veine décorative perceptible par la suite dans son œuvre; il y apprit en outre à maîtriser les moyens de sa diffusion. Plus tard, il reconnut qu’il devait à son maître le pouvoir de faire ce qu’il voulait de ses mains.

Portraitiste d’une époque

Carrier-Belleuse a exécuté plus de deux cents bustes qui reflètent l’étendue de son réseau relationnel au sein des milieux influents de son temps. Il resta néanmoins étranger à la Cour qu’il portraitura rarement en dehors de l’Empereur. Le réalisme de Carrier rencontra des réactions diverses mais la plupart des critiques reconnurent que ses portraits étaient étonnamment puissants.

Hortense Schneider par Carrier-Belleuse
Hortense Schneider par Carrier-Belleuse
© Rmn-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Stéphane Maréchalle

Il donna à ses portraits plus de vérité que dans les représentations idéalisées jusqu’alors à la mode, et l’atmosphère rococo qu’il affectionnait convenait à ses modèles féminins. De toutes les actrices représentées par Carrier, ce fut Marguerite Bellanger qui frappa le plus profondément sa sensibilité esthétique. Elle devint pour lui une sorte de muse.

Carrier-Belleuse et Rodin

Carrier-Belleuse était déjà célèbre lorsque Rodin entra dans son atelier, en 1863. Il s’y trouva dans la position modeste d’apprenti chez un patron autant que d’élève chez un maître. Il eut à accomplir tout ce que faisaient les collaborateurs dans un atelier. Ce fut toutefois l’opportunité d’observer le style et les méthodes de Carrier qui eurent une profonde influence sur ses pratiques futures, notamment le modelage et sa manière de travailler.

En 1871, Rodin démobilisé alla retrouver Carrier à Bruxelles pour travailler avec lui aux reliefs de la Bourse. Les deux artistes eurent alors un différend qui les brouilla temporairement.

Albert-Ernest Carrier-Belleuse ,Leda et le Cygne
Albert-Ernest Carrier-Belleuse ,Leda et le Cygne c. 1870, terre-cuite © The Metropolitan Museum of Art. Rmn-Grand Palais / image of the MMA

Lorsque Rodin rentra à Paris en 1877, il pût reprendre sa collaboration avec Carrier qui le fit appeler à la Manufacture de Sèvres, dès 1879. Rodin poursuivra épisodiquement sa collaboration avec Sèvres après la mort de Carrier, exploitant une forme nouvelle de dessin en relief.
En manière d’ultime hommage, Rodin sculpta un magistral portrait de son maître qui fut choisi pour être placé sur son monument funéraire à Saint-Germain-en-Laye.

Création et diffusion

Aucun autre sculpteur du Second Empire ne put rivaliser avec la diversité créative et le flair entrepreneurial de Carrier-Belleuse dont l’inépuisable force créatrice était soutenue par des capacités d’organisation hors pair. Vers le milieu des années 1860, il dirigeait un atelier situé rue La-Tour-d’Auvergne. Cinquante praticiens, artistes de tous genres, travaillent sous sa direction. L’un dégrossit la pierre, l’autre passe les plâtres à la cire, un troisième recouvre de linges mouillés les groupes achevés… »

Albert-Ernest Carrier-Belleuse ,Buste de  Marguerite Bellanger
Albert-Ernest Carrier-Belleuse ,Buste de Marguerite Bellanger vers 1866 Terre-cuite Compiègne, musée national du palais © Rmn-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Stéphane Maréchalle

Carrier était un remarquable dessinateur qui utilisait ce médium pour communiquer ses instructions à ses collaborateurs, en même temps qu’il modelait à leur intention des esquisses tout aussi enlevées. Il était, par tempérament, un modeleur admiré pour son « habileté invraisemblable » et son matériau par excellence était la terre, qu’il travaillait dans la tradition des terre-cuites du XVIIIème siècle.

Carrier-Belleuse à Sèvres

Ses années passées en Angleterre puis ses collaborations régulières avec des manufactures françaises avaient donné à Carrier-Belleuse la maîtrise des processus de la fabrication de la céramique. Ces compétences alliées à sa réputation de sculpteur prolifique le firent nommer, en 1876, à la direction des travaux d’art de la Manufacture de porcelaine de Sèvres.

Carrier-Belleuse. Le Maître de Rodin, sèvres
Carrier-Belleuse. Le Maître de Rodin

 

Il rénova la production avec plus de deux cents nouveaux modèles dont la diversité de formes est remarquable, inspirées du XVIIIe siècle aussi bien que de la Renaissance, mais aussi tout à fait originales. Il exécuta également des sculptures en biscuit, porcelaine cuite sans émaillage, dont Sèvres renoua avec la production qui avait été un des fleurons de Sèvres au XVIIIe siècle, peu avant son arrivée.  Le 3 juin 1887, Carrier-Belleuse s’éteignit à Sèvres dont il dirigea les travaux jusqu’à l’épuisement de ses forces

 

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