Jean PATRICOT (1865–1928), Portrait de Hania Routchine - Dorgelès, 1910

Huile sur toile, format ovale. Signée en bas à droite. 39 × 31 cm.
Probablement exposé au Salon de la Société des artistes français, 1910–1911, n°1459, Jean Patricot, Portrait de Mlle Hannia Routchine (section Peinture).


Élève d’Alexandre Cabanel et de Léon Bonnat à l’École des Beaux-Arts de Paris, Jean Patricot remporta le Grand Prix de Rome de gravure en 1886. Portraitiste reconnu de la haute société parisienne, il fut nommé Officier de la Légion d’honneur en 1904 et reçut un Grand Prix à l’Exposition universelle de 1900.

Cette œuvre rare représente Annette (dite Hania) Routchine (1895–1959), chanteuse lyrique d’origine russe et future épouse de l’écrivain Roland Dorgelès. Née à Odessa, Hania émigra enfant en France avec ses sœurs Sonia Routchine-Vitry, peintre, et Marie Routchine-Dupré, figure pionnière du rosicrucianisme.
Figure cosmopolite du Paris des années 1920, proche des milieux dadaïstes et surréalistes, Hania Routchine fréquenta notamment Tristan Tzara, Louis Aragon ou André Breton. Lors de la Manifestation Dada de mars 1920 au théâtre de l’Œuvre, la prestation d’Hania Routchine fut l’un des moments les plus mouvementés du scandale. 
Elle est signataire de L’Œil cacodylate de Picabia (1921), œuvre-manifeste du mouvement. Muse et modèle, elle inspira Francis Picabia et Émilie Charmy, qui virent en elle une présence à la fois sensuelle et spirituelle.

Patricot représente ici son modèle de face, dans une frontalité saisissante qui capte immédiatement le regard du spectateur. Le visage, traité en plan rapproché et presque à fleur de toile, impose sa présence par la luminosité du regard et la précision du modelé. Les grands yeux sombres, cerclés d’ombres, animent la composition d’une intensité silencieuse, tandis que la bouche rouge vif affirme une sensualité discrète et moderne.
La chevelure bouclée, légèrement ébouriffée, est relevée par un large nœud noir qui souligne l’ovale du visage et apporte un accent décoratif d’une élégance simple. La touche souple et vibrante, alliée à une palette restreinte et raffinée, confère à l’ensemble une harmonie subtile entre force et délicatesse.
Par la vivacité de son écriture picturale et la justesse des contrastes chromatiques, Patricot exprime ici la grâce moderne et l’assurance d’une femme libre — symbole éclatant de la Belle Époque finissante et des premières années de l’entre-deux-guerres.