Moine rieur tenant une chaussure de femme
Huile sur toile, rentoilage ancien
Fin XVIIe – début XVIIIe siècle
Ce tableau représente un moine jovial, au visage rougi et expressif, tenant dans la main une élégante chaussure féminine en soie bleue, de type escarpin. Le contraste entre l’habit monastique, le visage peu avenant mais sympathique du moine et l’objet de luxe féminin renforce le caractère satirique et grivois de la scène. Il appartient à la tradition des “portraits de caractère” et des scènes de genre humoristiques, dans la lignée des peintres flamands comme Adriaen Brouwer ou David Teniers le Jeune, mais aussi de la peinture allemande et autrichienne du tournant baroque et rococo.
On y lit la satire anticléricale dans l’association d’un religieux jovial et d’un objet galant moquant les excès et l’hypocrisie prêtés au clergé. Dans la culture libertine du XVIIe et XVIIIe siècle, la chaussure féminine, comme la jarretière ou le bas, était un signe érotique et un accessoire souvent utilisé dans la littérature et les gravures licencieuses. Elle évoquait le pied, la séduction et, par métonymie, l’intimité féminine.
Ce thème du religieux en possession d’un objet féminin apparaît aussi dans les contes satiriques et romans licencieux diffusés sous le manteau, en France, en Espagne et en Italie. Plus tard, on retrouve le même ressort narratif chez Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris (1831), lorsque Claude Frollo se trouble au contact des objets d’Esmeralda. Comme ici, l’objet féminin devient un signe matériel du plaisir impossible et du désir interdit
Le format circulaire (tondo) suggère une fonction décorative dans un espace privé. Ces images, à la fois amusantes et provocatrices, servaient à susciter le sourire et à alimenter les conversations dans les cabinets ou salons aristocratiques Et bourgeois