La façade présente une particularité technique : l’absence de traverse visible entre le tiroir supérieur et le tiroir médian. Cette traverse est simulée par un décor marqueté, alors qu’une traverse réelle sépare bien le tiroir médian du tiroir inférieur. Ce procédé raffiné allège visuellement la façade et illustre la maîtrise de l’ébéniste.
Le meuble conserve ses trois serrures d’époque, particulièrement remarquable avec serrure à double canon, nécessitant une clé à double panneton (aujourd’hui manquante). Ce dispositif rare au XVIIIᵉ siècle illustre l’exigence technique et la recherche de sécurité propres aux meubles précieux. Les entrées de serrures et boutons de tirage en bronze sont également d’origine.
À gauche, une tirette écritoire latérale confère à ce petit meuble la polyvalence propre aux « meubles volants », destinés à être déplacés selon les besoins dans un salon.
La face arrière, traitée de manière plus sobre mais néanmoins plaquée d'une ronce de noyer, fréquemment employé par les ebeniste de l'Est de la France, confirme que ce chiffonnier était pensé pour être adossé à un mur tout en permettant une certaine mobilité.
Le plateau est orné d’un trophée musical marqueté (violon, flûtes, partition, tambourin, ruban et colombes), exécuté en bois précieux inscrit dans un encadrement de filets à la grecque teintés vert.
On retrouve ce vocabulaire décoratif sophistiqué dans plusieurs œuvres estampillées Jean-Baptiste Demoulin, actif à Dijon à partir de 1780 et nommé en 1781 ébéniste du Prince de Condé.
La frise de cannelures simulées sur le premier tiroir illustre encore ce goût pour l’illusionnisme que l’on retrouve sur des commodes et secrétaires comparables (cf. Musée des Beaux-Arts de Dijon ; B. Mura-Todesco, Les Ébénistes de Bourgogne et de Franche-Comté).
La fausse cannelure est réalisée avec une seule essence de bois clair, selon la technique du sable chaud, permetant d'obtenir un ombrage créant le trompe-l’œil.
Le bâti en noyer et résineux, rare à Paris mais typique des pratiques dijonnaises, confirme l’attribution à cet atelier.
État de conservation : exceptionnel. Le meuble conserve une très belle intégrité de son placage et n’a nécessité que de légères restaurations d’usage (quelques collages). La finition a été reprise au vernis au tampon, restituant toute la fraîcheur du décor voulu par Demoulin.
Un autre ebeniste Dijonnais est connu notamment pour l'utilisation de cannelure simulé en employant la meme technique, il s’agit de Jean-Baptiste Courte ou Kurt, les commodes de Courte au Musée des Beaux-Arts de Dijon montrent bien la frise de cannelures simulées, mais avec un vocabulaire global plus sobre. Les œuvres estampillées Demoulin, au contraire, cumulent cette frise illusionniste et une recherche ornementale plus luxueuse, avec placages précieux, filets colorés et trophées.
Par son décor raffiné, sa marqueterie complexe et son vocabulaire ornemental, ce chiffonnier peut être attribué avec vraisemblance à l’atelier des Demoulin à Dijon, dans les années 1780, tout en illustrant pleinement l’école d’ébénisterie régionale de Bourgogne qui sut rivaliser avec Paris par la qualité de ses productions.
Dimensions : H. 74,5 cm – L. 51 cm – P. 33,5 cm