Figures féminines chasseuses
(2) Marbre, alt. cm 30
La paire de sculptures en marbre que nous présentons ici s’inscrit dans la sculpture vénitienne du début du XVIIIe siècle et en particulier dans celle de Francesco Bertos, sculpteur et fondeur né dans les environs de Venise, plus précisément à Dolo, le long de la rivière Brenta. La reconstruction de sa biographie a été très difficile de la part de la critique, au point de ne pas pouvoir confirmer avec certitude l’hypothèse longtemps répandue d’un voyage à Rome. Un examen plus attentif, réalisé grâce aux nouvelles études réalisées à l’occasion de la récente exposition, qui porte son nom, aux Galeries d’Italie de Vicence, a par contre estimé que des voyages et expériences en terre vénitienne ou dans la Romagne voisine, définissant ainsi une formation liée à la terre d’origine, où opérait l’atelier des Bonazza, fondé par son contemporain Giovanni, dont il fut aussi collaborateur. Ce dernier était l’élève de l’artiste flamand Giusto Le Court, actif à Venise et représentant de la virtuosité des sculpteurs flamands et allemands du XVIIe siècle qui a tant inspiré Bertos dans la réalisation minutieuse de petits groupes de sculptures en bronze et marbre. D’autres sources d’inspiration en dehors de Venzia celles toscanes, comme les œuvres du florentin Giovanni Battista Foggini, sculpteur et architecte coevo au service des Médicis, et ceux maniéristes de Giambologna, dont les compositions - comme le Rat à deux figures (1579) - ont inspiré les sculptures les plus originales de Bertos. En effet, sa renommée s’affirmera auprès des grands commanditaires européens comme le tsar Pierre le Grand, le roi Charles-Emmanuel III de Savoie et le doge Alvise Pisani, grâce à des œuvres de format réduit mais rendues avec minutie et à travers des compositions d’une extrême complexité et d’une structure dynamique et libre de s’étendre dans l’espace.L’incroyable habileté technique de Bertos étonnait ses contemporains au point de faire croire à cette maîtrise presque surhumaine, et même attirer l’attention de l’Inquisition, qui l’accusait d’avoir conclu un pacte avec le diable. En plus de cela, tant vanté virtuosité technique, les sculptures de Bertos cachent une dimension cultivée, allégorique, mythologique et symbolique qui permet de les interpréter comme des jeux intellectuels précieux, présent, d’ailleurs aussi dans cette paire de statuettes liées non seulement par le genre mais également par la thématique de la chasse, traitée par l’artiste dans d’autres sculptures comme l’Allégorie de la chasse au Palais royal de Turin. Si l’une peut être interprétée comme Diane, déesse romaine de la chasse peut-être ici représentée dans l’acte de se sécher après le bain, l’autre semblerait une divinité chasseuse plus proche de la représentation allégorique du continent américain, souvent représenté avec un arc et des flèches et dans une attitude vigilante et combative. Les poses dynamiques et fluides, la précision du travail, le format réduit et la subtilité avec laquelle le thème de la chasse est traité allégoriquement apparaissent donc comme des références claires à l’art de ce sculpteur et à la culture de la période et des zones où il vécut et travailla.