Virginie Demont-Breton fut la deuxième femme, après Rosa Bonheur, à obtenir la Légion d’Honneur. Cette consécration d’une carrière, d’un talent, et d’un engagement hors du commun eut lieu en 1894, l’année suivant la création de notre tableau. Fille de Jules Breton, Virginie développe des talents précoces pour le dessin et participe pour la première fois au Salon à l’âge de 19 ans seulement. Elle y obtient une première médaille. L’année suivante, elle est encore distinguée, et en 1883, l’Etat acquiert son immense tableau « La Plage » (Arras, MBA, F/21/7653). En 1893, elle expose au Pavillon de la Femme de la World’s Columbian Exhibition de Chicago. Profitant de sa notoriété, Virginie Breton obtiendra l’ouverture des portes de l’Ecole des Beaux-Arts aux femmes, et la possibilité, nouvelle pour elles, de concourir au prix de Rome. Une égalité acquise de haute lutte avec sa consoeur la sculptrice Hélène Bertaux. Virginie Breton épouse en 1880 le peintre Adrien Demont. Dans leur villa du Typhonium ils établissent tous les deux la colonie des peintres de Wissant. Pendant plusieurs décennies ils planteront leur chevalet devant les paysages de la côte d’Opale, s’inspirant du spectacle, beau et cruel, de la mer, et de la vie des familles de pêcheurs.
NOTRE OEUVRE Notre tableau offre à voir l’un de ces paysages du littoral du Nord. Il s’agit très vraisembablement du cap Gris-Nez près de Wissant où l’artiste aime se rendre et peindre. Un portrait de sa fille Eliane à cet endroit faisait partie de notre avant dernier catalogue. Nous pouvons aussi rapprocher notre panneau d’un autre, du même format et représentant aussi le cap gris-nez, présenté aux enchères à Rouen le 8 mars 2025. Une masse de rochers brun foncé et ocre, couverts par endroits de mousse et d’algues vert foncé, occupe toute la partie inférieure gauche du tableau. Les formes sont anguleuses, sculpturales, rendant compte de la rudesse naturelle du littoral nord de la France. La mer semble calme, rythmée par de petites vagues qui viennent lécher les rochers. Les touches de pinceau sont nerveuses, courtes, pour suggérer l’éclat de la lumière sur l’eau (notamment en bas à droite, où l’écume blanche est visible). À gauche, la côte se prolonge en falaises vertes, légèrement embrumées par les vapeurs marines. Le traitement atmosphérique donne une profondeur harmonieuse à l’ensemble. Chose plutôt rare dans l’oeuvre de Demont-Breton, aucun personnage n’apparaît ici : l’artiste s’attache uniquement à la matière, la lumière et la sensation du lieu.
Bibliographie : - G.Schurr, Dictionnaire des Petits Maîtres du 19e siècle
- A. Bourrut Lacouture, Le Typhonium, in bulletin de la Société de l'Art français, 1989. (p.277-296).
- V. Demont-Breton, Les maisons que j'ai connues, Ed. Aubier Montaigne, 1926-1930