Évocateur de la sensibilité romantique du XIXe siècle, ce fauteuil en noyer massif s’inscrit dans le courant historiciste du style Troubadour, qui puise son inspiration dans l’imaginaire médiéval et gothique. Il présente une structure en X, dite “savonarole”, empruntée aux sièges de la Renaissance italienne, typique de l’esthétique néo-gothique cultivée par les ébénistes de la Monarchie de Juillet et du Second Empire.
Le dossier, rectangulaire et vertical, est orné en partie haute d’une frise ajourée à motif trilobé et de pinacles stylisés évoquant les crêtes architecturales des cathédrales gothiques. Il est garni de velours cramoisi, enrichi de clous en étoile, repris également pour l’assise.
Les accotoirs richement sculptés retiennent particulièrement l’attention : chacun repose sur une figure grotesque représentant un personnage accroupi à l’expression moqueuse et caricaturale, dans la tradition des “sotties” ou des gargouilles médiévales. Ce type de motif, issu d’un bestiaire fantastique, témoigne du goût du XIXe siècle pour les références médiévales populaires et satiriques, réhabilitées à travers le prisme romantique.
Les flancs du siège sont décorés de motifs ajourés à entrelacs gothiques, sculptés avec une belle maîtrise du relief et une finesse de ciselure. L’ensemble repose sur des pieds courbes croisés, conférant à la pièce une silhouette architecturée et solennelle, évoquant à la fois le mobilier liturgique et les sièges d’apparat.
Le style Troubadour se distingue par une recherche de pittoresque et de nostalgie du passé féodal. Ce fauteuil en est une excellente illustration : formes architecturées, bestiaire fantastique, structure imposante mais décorative, et matériaux nobles. Il ne s’agit pas d’une reproduction archéologique fidèle, mais d’une interprétation romantique et théâtrale du Moyen Âge, typique des arts décoratifs français vers 1850–1880.