Paire de chaises à colonnes détachées attribuées à Henri Jacob

France, époque Louis XVI, vers 1785-1790.
Hêtre mouluré, sculpté et peint en gris.

Cette élégante paire de chaises en hêtre mouluré, sculpté et peint en gris présente une ceinture de forme arrondie sur le devant. Cette dernière est ornée d’un riche décor sculpté développant deux registres de frises — perles et raies de cœur — alternant avec une moulure plate. Le tout est rythmé de « dés » de raccordement flanqués de rosaces et dominant l’ensemble des quatre pieds fuselés et creusés de douze cannelures, ce qui nous permet de dater ces chaises de la fin des années 1780. Chaque pied est couronné d’une bague à double moulure, soulignant un large bandeau uni et ponctué d’une moulure en quart-de-rond, et est terminé d’un sabot.
Supporté par deux « dés » à cannelures rudentées, le dossier à chapeau enrubanné et mouluré, légèrement cintré et réalisé en éventail, reprend exactement point par point l’ensemble ornemental de la partie basse des sièges. De forme cabriolet, il est flanqué de colonnes détachées à cannelures rudentées couronnées de la même bague et du même bandeau que ceux des pieds et surmontées de panaches sculptés. Ces colonnes sont raccordées au dossier par quatre cases incrustés de rosaces identiques à celles que l’on retrouvent pour le piètement. Réhaussé au niveau de son pourtour interne d’une frise de perle, le dossier affiche une frise de raies de cœur dans sa partie haute et dans sa partie basse. La « vieille peinture » gris présente certaines lacunes, nous permettant ainsi de pouvoir observer des traces de couleur blanc qui correspondent à la laque d’origine.

La qualité de l’exécution rend hommage au savoir-faire des meilleurs menuisiers du dernier quart du XVIII^e siècle et certains motifs caractéristiques précédemment décrits permettent de rapprocher cette paire de chaises de l’œuvre d’Henri Jacob (1753-1824, maître en 1779). Elles sont en effet l’exemple même du siège de style Louis XVI abouti : maîtrise de l’ossature renforcée par l’adoption des colonnes cannelées qui encadrent les dossiers, résumé des ornements typiques du décor néoclassique présentés dans cette notice, le tout réparti sans ostentation. Un très beau modèle de ce type de siège, similaire au notre dans son dessin, est une suite de quatre fauteuils en bois laqué gris attribués à Henri Jacob présentés à la vente Sotheby’s Monaco, le 11 décembre 1999, lot n°116. Une autre suite de quatre fauteuils identiques fut vendue par la maison de vente Daguerre le 11 décembre 2022.

Henri Jacob
Né en 1753, Henri Jacob fut le cousin germain du célèbre menuisier Georges Jacob (1739-1814, maître en 1765). Originaire de Cheny dans l’Yonne comme ce dernier, il s’établit en 1770 à Paris et effectua six années d’apprentissage chez son parent avant sa réception à la maîtrise en 1779. Grâce à l’appui de Georges Jacob mais également par la haute qualité de ses œuvres, il acquit lui-même une brillante réputation et reçut des commandes de la Cour dès 1785 dont un très important mobilier de trente sièges sculptés de perles et de feuilles d’acanthes et recouverts de tapisserie de Beauvais. Dix-neuf sièges parmi ces derniers passèrent en vente publique à Monaco le 24 juin 1976. Mais ce fut surtout pour la famille impériale russe qu’il réalisa dès 1782 ses plus importantes livraisons avec notamment cette immense commande d’environ deux cents sièges, puis des meubles, pour le palais de Pavlovsk situé dans la région de Saint-Pétersbourg.
Sa production s’apparenta de très près à celle de son cousin, certains de ses sièges étant même parfois des interprétations des modèles de Georges Jacob. D’autres modèles sont parfois tout à fait similaires à ceux de Jean-Baptiste Claude Sené ou de Jean-Baptiste Demay. Il est important toutefois de noter qu’Henri Jacob laissa également des réalisations peu courantes d’excellente qualité. Vers 1796, il semble qu’il se brouilla avec le reste de sa famille lorsque son cousin céda son atelier à ses fils. Par ailleurs, ces derniers était tellement alarmés par l’éventuelle confusion des deux ateliers et par le préjudice que cela pourrait engendrer pour leur entreprise qu’ils placèrent l’annonce suivante sur les Affiches, Annonces et Avis divers du 6 avril 1800 : « Les frères Jacob mettent leurs clients en garde contre toute confusion entre leur magasin et celui d’Henri Jacob, rue de l’Échiquier ».
Il procéda à une vente importante de ses meubles la même année et mit fin à son activité six années plus tard.

BIBLIOGRAPHIE : Sylvie Legrand-Rossi, Le Mobilier du musée Nissim de Camondo, Dijon, Éditions Faton, 2012.

Bon état général, restaurations d’usage et d’entretien.