Paire de Saints Apôtres
Bois sculpté, polychromie et dorure ; yeux en verre
H. 92 cm et H. 94 cm
Cette paire de forts-reliefs représentant deux saints apôtres s’inscrit dans la tradition de la sculpture tardo-médiévale de l’espace franco-ibérique, où l’art du bois polychromé – étroitement associé à la production des retables – atteignit une grande maturité formelle au cours du XVe siècle. Leur monumentalité, la fermeté de l’axe vertical et la présence d’une polychromie largement conservée suggèrent qu’elles appartenaient à un programme iconographique structuré, probablement une prédelle ou une travée latérale de retable.
Analyse stylistique et typologique
La typologie iconographique retenue — apôtres debout, détachés du champ mais encore liés à une fonction architectonique — correspond aux modèles diffusés dans les ateliers du Midi de la France, du Béarn, de la Navarre ou de la Castille septentrionale au XVe siècle.
Les proportions élancées, le traitement linéaire et rythmé des drapés, ainsi que la présence de replis verticaux en « rainures », orientent vers une esthétique encore profondément marquée par le gothique international, malgré certains indices d’un naturalisme plus prononcé dans la modélisation des visages.
Les visages présentent en effet un modelé adouci, un traitement sensible des joues et de la ligne de mâchoire, et une volonté de caractérisation individuelle, caractéristiques de la transition entre la stylisation gothique tardive et les prémices d’une sensibilité plus humaniste.
Polychromie et dorure : observations techniques
La polychromie, remarquable par son état de conservation partiel, témoigne d’un savoir-faire maîtrisé. On y observe :
- un apprêt à base de gesso finement lissé,
- une dorure à la feuille appliquée sur bol rouge, encore visible dans les interstices des drapés et les zones ombrées,
- des pigments minéraux (ocres, terres rouges, verts cuivrés),
- des rehauts destinés à accentuer les volumes et à créer des contrastes lumineux, suivant une technique très usuelle dans les ateliers ibériques.
Les yeux en verre, insérés dans des orbites creusées, constituent un détail particulièrement significatif. Leur usage, attesté dès le XIVe siècle mais plus fréquent aux XVIe et XVIIe siècles, introduit une dimension réaliste et liturgiquement expressive. Ces ajouts pourraient correspondre à une intervention postérieure, témoignant de la longue vie dévotionnelle de l’ensemble.
Technique de sculpture et observations d’atelier
La facture du bois révèle un travail réalisé au moyen de gouges larges pour les masses principales et de ciseaux plus fins pour :
- la structuration des mèches de cheveux,
- l’incision des barbes en sillons réguliers,
- le traitement des plis secondaires des drapés.
La profondeur du relief, importante pour des sculptures destinées à être vues à mi-distance, indique qu’elles étaient probablement destinées à un emplacement latéral, légèrement surélevé, où la lumière oblique pouvait valoriser les dorures et les transitions chromatiques.
Contexte historique et fonction liturgique
Les apôtres, représentés en série dans les retables médiévaux, avaient une fonction didactique et ecclésiologique précise : ils matérialisaient la continuité apostolique de l’Église et rappelaient le rôle fondamental de la prédication.
Dans la péninsule Ibérique comme dans le Sud-Ouest de la France, leur présence accompagnait souvent des cycles narratifs christologiques ou marials.
Cette paire, isolée, pourrait provenir :
- soit d’une série de douze figures,
- soit d’un groupe plus restreint destiné à un registre supérieur,
- soit encore d’un ancien revers de retable dont seules certaines figures furent préservées.
État de conservation
Les œuvres présentent :
- des usures d’usage propres aux sculptures du XVe siècle,
- des lacunes de polychromie sur les zones d’émergence,
- des accidents anciens,
- plusieurs doigts manquants, probablement dus à des manipulations répétées ou à une dégradation structurelle du bois en zones fragiles.
Malgré ces altérations, la lisibilité iconographique demeure intacte, tout comme la qualité formelle et l’impact visuel du décor polychrome.



































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