PORTRAIT DE PAUL CÉZANNE PAR SIMON LÉVY (1886-1973) - ALSACE - DESSIN ORIGINAL

Simon Lévy, né à Strasbourg en 1886 et mort à Paris en 1973, compte parmi les peintres alsaciens les plus singuliers du XXᵉ siècle. Formé entre la Belgique et les Pays-Bas, il découvre très tôt les maîtres flamands et hollandais, qui marquent profondément sa vision de la lumière et du clair-obscur. Mais c’est surtout la rencontre avec l’œuvre de Paul Cézanne qui constitue pour lui un véritable tournant. Cette révélation le conduit à repenser entièrement son approche de la peinture : la structure, la couleur, la construction patiente de la forme deviennent les axes majeurs de son travail.

Lévy ne cherche pas à imiter Cézanne ; il se veut plutôt l’un de ses héritiers spirituels. Il reprend l’exigence du maître d’Aix pour l’essentiel, sa manière d’ordonner le réel selon des masses colorées et des rythmes internes. Sa palette se simplifie, ses touches se font méthodiques, et l’espace se géométrise avec une sobriété qui lui est propre. Pour lui, Cézanne enseigne moins un style qu’une attitude : la patience, la rigueur, l’inquiétude intérieure qui pousse à sonder la nature au-delà de l’aspect visible.

Après la Première Guerre mondiale, Lévy joue un rôle actif au sein du Groupe de Mai, mouvement strasbourgeois désireux de reconnecter la création alsacienne aux avant-gardes françaises. Il y développe ce qu’il appelle un « réalisme cézannien », une peinture construite, dépouillée, où la vie intérieure prime sur l’apparence. Ses portraits, d’une gravité douce, révèlent des figures absorbées par une méditation silencieuse ; ses natures mortes, d’une sobriété exemplaire, rappellent l’équilibre d’un Chardin revisité par la modernité.

Contraint de fuir la France durant la Seconde Guerre mondiale en raison des persécutions antisémites, Lévy trouve refuge à Villeneuve-lès-Avignon puis à Bâle avant de revenir à Paris. Son attachement à l’Alsace demeure néanmoins constant, comme en témoignent de nombreuses expositions et collaborations régionales.

Les œuvres de Simon Lévy sont aujourd’hui conservées dans plusieurs institutions : les Musées de la Ville de Strasbourg possèdent notamment des portraits et des scènes de genre ; la Tate Gallery de Londres conserve sa Jeune fille au violon ; la Collection Edmond de Rothschild et le Musée d’Art Moderne de Paris abritent également des pièces majeures. Plus récemment, le Musée Historique de Haguenau a reçu en don plusieurs tableaux importants.

Artiste discret mais profondément exigeant, Simon Lévy laisse une œuvre rare et d’une grande intensité. Fidèle à l’enseignement de Cézanne, il en déploie la leçon avec une sensibilité toute personnelle, faite d’harmonie, de gravité et de lumière intériorisée.