Indo-portugaise, Goa, Inde, fin XIXᵉ début XXᵉ siècle (vers 1880–1920)
Superbe statuette en ivoire finement sculpté représentant Kâlî, déesse hindoue de la destruction et de la mort. La divinité est figurée debout, dans son iconographie caractéristique :
– le pied posé sur un corps masculin allongé,
– quatre bras tenant ses attributs (sabre recourbé, tête tranchée, coupe sacrificielle, bras en offrande),
– la langue tirée et le visage grimaçant,
– le collier de têtes et la ceinture de mains coupées,
– la chevelure abondante tombant en longues mèches dans le dos.
Le socle en bois de palissandre (bois précieux exotique) d’origine mouluré, d’inspiration européenne, souligne l’appartenance de cette œuvre à la production indo-portugaise de cette époque.
Dimensions
Hauteur hors socle : 18,5 cm
Hauteur avec socle : 28,5 cm
Largeur ivoire : 10 cm
Socle en bois largeur : 12,5 cm
L’exécution très détaillée (chevelure, traits du visage, décor du collier et du pagne) révèle la maîtrise des ateliers ivoiriers de Goa et Daman, réputés pour leur virtuosité.
Le revers est intégralement travaillé, ce qui montre que l’objet était conçu pour être vu sous tous les angles, conformément à une destination de pièce de curiosité destinée aux collectionneurs européens.
Le socle en bois, façonné dans un esprit occidental, confirme la typologie indo-portugaise : fusion entre iconographie hindoue et présentation européenne.
Au XIXᵉ siècle, les ateliers indo-portugais, héritiers de la tradition des ivoiriers chrétiens actifs depuis le XVIIᵉ siècle, ne produisent pas seulement des Vierges et des crucifix. Ils répondent aussi à une demande croissante pour des représentations profanes ou hindoues, réalisées dans un style raffiné qui séduisait les amateurs européens de curiosités exotiques.
Voir :
– Exemplaires similaires conservés au Museu Nacional de Arte Antiga à Lisbonne ainsi qu’au Victoria & Albert Museum à Londres.
– Des statuettes comparables de divinités hindoues indo-portugaises (Kâlî, Durga, Vishnu) ont été présentées dans les ventes de Sotheby’s et Christie’s, notamment :
• Sotheby’s Londres, Arts of India, 2019 (statuette de Durga en ivoire, Goa, XIXᵉ siècle).
• Christie’s Paris, Art d’Asie, 2017 (statuette de divinité hindoue en ivoire sur socle en bois mouluré, Goa, XIXᵉ).
Note d’estimation – Statuette de la déesse Kâlî
Les statuettes indo-portugaises en ivoire telle que celle présentée sont très recherchées, notamment celles de grande taille. La plupart des productions représentent des Vierges ou des saints chrétiens, les représentations hindoues comme Kâlî étant plus rares. En ventes publiques récentes, des statuettes indo-portugaises de 20 à 25 cm ont été adjugées entre 6 000 et 13 500 €.
Compte tenu de la taille (18,5 cm), de la qualité de sculpture, de l’état de conservation et du socle d’origine, cette statuette de Kâlî peut être estimée dans une fourchette de :
4000 à 7000 € en vente publique (enchères).
Jusqu’à 15000 € dans le cadre d’une galerie spécialisée indo-portugaise.
Particularité, la vente est soumise à la réglementation internationale sur l’ivoire (CITES) et nécessite un certificat attestant de son antériorité (avant 1947) qui est fourni avec la présente œuvre.
Remarque : en dessous de l’œuvre est collée une étiquette en langue espagnole
Entre 1880 et 1920, les ateliers de Goa, encore colonie portugaise, ont poursuivi une production d’ivoires sculptés héritée de la tradition indo-portugaise. Ces œuvres, mêlant iconographies chrétiennes et hindoues, étaient exportées vers l’Europe, notamment l’Espagne, où elles trouvaient place dans les collections privées et dans le cadre des expositions universelles.
1. Production goanaise tardive (1880–1920)
• Les ateliers goanais continuaient à produire des ivoires sculptés d’inspiration chrétienne (Vierges, Christs, saints), mais aussi des statuettes hindoues comme celle de Kālī, adaptées aux goûts des collectionneurs européens.
• Le polissage lisse, les traits naturalistes (yeux en amande, visages expressifs) et les socles en bois tourné sont caractéristiques de cette production tardive.
2. Exportation vers l’Espagne
• Les objets en ivoire circulaient principalement via Lisbonne, avant d’être redistribués vers Barcelone et Cadix, deux ports commerciaux espagnols.
• Les collectionneurs espagnols recherchaient ces ivoires pour leur exotisme et leur valeur artistique.
• Les expositions internationales (comme l’Exposition de Barcelone 1929, préparée dès les années 1910) favorisaient la diffusion de ces pièces sur le marché ibérique.
3. Typologie des ivoires exportés
• Statuettes religieuses chrétiennes : dominantes dans le commerce indo-portugais tardif.
• Figures hindoues : plus rares, comme Kālī, destinées aux collectionneurs d’art exotique.
• Petits objets décoratifs : crucifix, coffrets incrustés, destinés aux amateurs européens.
4. Valeur culturelle et symbolique
• Plus que des biens économiques de masse, ces ivoires étaient perçus comme des objets de prestige, témoignant du métissage artistique indo-portugais.
• En Espagne, ils alimentaient à la fois les collections privées et la curiosité orientaliste des élites.