Modèle de trois quart, les cheveux attachés, vers 1895-1905
26 x 23,3 cm
Fusain sur papier brun
Annotation en bas à gauche, au crayon (sous la marie-louise) : « a de belleroche »
Encadré avec soin, sous verre anti-reflet
Dimensions avec le cadre : 53,5 x 46,5 cm
L'authenticité de ce dessin a été confirmée par le spécialiste de l'artiste, l'américain M. George C. Kenney, qui l'incluera dans son catalogue raisonné en cours de préparation (communication écrite du 7 août 2025).
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Moment suspendu dans l'intimité de l'atelier, ce dessin de la main du britannique Albert de Belleroche incarne la volupté teintée de mystère de l'époque fin-de-siècle. Cet artiste, dont les dessins sont rares, fut un disciple du portraitiste Carolus-Duran, puis un proche de John Singer Sargent et un ami des plus beaux noms de l'époque, soit Oscar Wilde, Toulouse-Lautrec, Renoir, Besnard et Helleu.
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Considéré de son vivant comme l'un des plus fins portraitistes et l'un des lithographes les plus novateurs, Albert de Belleroche (1864-1944) a traversé son époque dans une certaine confidentialité, étant admiré par le monde artistique et relativement méconnu du public. Cela est dû à son choix de la discrétion, à sa liberté de ne pas avoir à se mêler à la foule pour vivre de son art et poursuivre sans cesse sa création.
Issu d'une famille aisée, Albert de Belleroche n'a jamais eu besoin de vendre pour être artiste. Encouragé depuis l'enfance à dessiner, il est resté un esprit indépendant, et les quelques années d'apprentissage, dès ses 18 ans, dans l'atelier de Carolus-Duran, n'auront au final été qu'un prétexte à la rencontre artistique la plus précieuse de sa carrière, en 1882, avec le peintre américain John Singer Sargent (1856-1925). Sa formation de peintre, dessinateur et lithographe s'est faite essentiellement dans les musées, en voyageant, en regardant les grands maîtres hollandais et espagnols du XVIIe siècle et en échangeant avec ses contemporains, en cette fin de siècle où l'Impressionnisme et le Symbolisme sont des sources d'inspiration très riches.
Installé dans le quartier de Montmartre entre les années 1885 et 1910, Belleroche côtoie les écrivains et les peintres de son temps. Ses modèles dans ces années-là sont les mêmes que ses confrères Sargent, Toulouse-Lautrec, Fantin-Latour et Degas. Le regard tourné essentiellement vers la beauté féminine, Belleroche est considéré comme l'un des représentants du style dit Belle Époque, avec, selon nous, davantage de trouble et de poésie.
Dans ce dessin, celui que Renoir surnommait « le peintre des femmes décoiffées » atteint l'équilibre parfait entre la maîtrise du dessin (d'une exécution certainement rapide) et l'évocation tout en nuances de la sensualité, de la retenue. Comme souvent chez lui, le regard reste vague, la gestuelle, les mains également. C'est le naturel en mouvement, c'est un regard posé sur un moment furtif.
L'étude du catalogue raisonné des lithographies de l'artiste permet éventuellement de mettre un nom sur cette silhouette élégante : il s'agirait là de la modèle Nini Fleury, aux longs cheveux bruns toujours rapidement attachés, qui entre dans l'atelier de Belleroche autour de 1904 (voir le tableau et les estampes dans la galerie). C'est une hypothèse. Mais cette jeune modèle peut aussi rester anonyme, elle n'en perd rien de sa présence, et ce dessin trouve élégamment sa place dans un intérieur.
Selon la galerie londonienne Liss Lewellyn qui fait autorité sur l'artiste et a récemment publié une étude très complète sur Belleroche, les dessins de l'artiste sont rares puisque, pour préparer ses œuvres, il dessinait à même la toile ou bien immédiatement sur la pierre lithographique. Nous recommandons la lecture de ce catalogue d'exposition de 2024 pour approfondir l'étude de l’œuvre d'Albert de Belleroche (lien disponible sur demande).
A l'approche de la grande exposition consacrée à John Singer Sargent, cet automne au musée d'Orsay, il ne fait aucun doute que l’œuvre d'Albert de Belleroche sera évoquée, voire mise en valeur de nouveau. C'est là un artiste qui a décidé de rester discret, mais auteur d'un œuvre dont l'aspect confidentiel égale le charme et le caractère si attirant, si voluptueux de ses compositions et de ce dessin en particulier.
Albert de Belleroche est un artiste à redécouvrir.
Ses œuvres sont conservées dans les plus belles institutions en France et à l'international : au musée d'Orsay, à la Tate Britain et au British Museum de Londres, au San Diego Museum of Art et au Metropolitan, parmi d'autres. La plus grande collection d'estampes d'Albert de Belleroche, comportant plus de 500 épreuves, est conservée au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Royale de Belgique. Le plus bel ensemble de dessins est certainement celui de l'Ashmolean Museum d'Oxford, qui offre à voir des comparatifs intéressants avec notre œuvre.