YVETTE ALDE (1911–1967) / DATÉE 1943 / PORTRAIT DE FEMME À SA TABLE / huile sur toile

Important portrait de femme à sa table – Huile sur toile, signée dans le cartouche en haut à droite et datée 1943

116,5 x 73 (sans cadre) / sur sa toile et châssis d'origine.

Envoûtante composition réalisée en 1943 par la peintre française Yvette Alde, figure singulière de la scène artistique du milieu du XXe siècle, cette œuvre se distingue par son intensité émotionnelle, son raffinement symbolique et son ancrage dans une époque troublée.
Peinte en pleine Seconde Guerre mondiale, cette toile transcende le simple portrait pour devenir une méditation visuelle sur la condition humaine. Le regard perdu de la jeune femme, posée devant une table aux étoffes colorées, exprime la mélancolie et le repli intérieur d’un monde en crise.
La stylisation expressive des traits, la posture introspective, les couleurs sourdes et les tensions chromatiques renvoient directement aux préoccupations de l’expressionnisme français, dont Yvette Alde épouse ici l’esthétique sans jamais s’enfermer dans un dogme.
Derrière le personnage, ce que l’on croit être une fenêtre se révèle bien plus complexe : un paysage mental, peut-être onirique, où la nature semble bouleversée, comme si le chaos du monde extérieur s’infiltrait dans l’univers intime du modèle. Un rideau étrange, qui glisse sur la table, vient brouiller les repères entre l’intérieur et l’extérieur, entre la réalité et la projection psychique. Ce flou volontaire est l’une des grandes forces de cette œuvre, qui puise dans l’expressionnisme symbolique pour offrir une image puissante de l’intériorité humaine.
Dans la lignée d’artistes tels que Francis Gruber ou Bernard Buffet, Yvette Alde propose ici une figuration expressive, vibrante, où la couleur devient langage de l’âme et la déformation des formes un écho direct aux tensions de l’histoire.
Elle parvient à synthétiser une expérience individuelle – la solitude, l’attente, la mélancolie – et un contexte collectif – celui d’une Europe en guerre – dans une œuvre de grande densité psychologique.
Rare témoignage d’une sensibilité féminine à la fois lucide, poétique et engagée, ce tableau est bien plus qu’un portrait : c’est une œuvre de résistance intime, où s’exprime avec force la conscience tragique et belle d’une époque.

Yvette ALDE (1911 – 1967)
Peintre, dessinatrice, lithographe et décoratrice française
Yvette Alde, de son vrai nom Yvette Aldegonda, naît à Paris le 28 juin 1911. Elle fait ses études à l’École nationale supérieure des beaux-arts, puis à l’Académie de la Grande Chaumière, où elle est formée par Charles Picart Le Doux et André Lhote, deux figures de l'art moderne français. Son style s’affirme rapidement dans une voie personnelle, mêlant figuration libre, expressivité colorée et sensibilité psychologique.
Elle commence à exposer dès les années 1930, notamment au Salon d’Automne, au Salon des Tuileries et dans diverses galeries parisiennes, où elle attire l’attention de la critique. À partir des années 1940, son travail s’inscrit dans un courant figuratif renouvelé, souvent rapproché de l’expressionnisme français par son traitement émotionnel de la couleur, la stylisation des formes et la tension dramatique de ses compositions.
Peintre de figures, de scènes d’intérieur, de paysages, de natures mortes et de scènes de théâtre, elle développe un univers empreint de poésie et de mélancolie. Ses personnages — souvent des femmes — apparaissent isolés, pensifs, absorbés dans des décors souvent déformés, instables, à la lisière du rêve. Cette approche la distingue dans l’après-guerre, à une époque où l’abstraction domine la scène artistique.
Elle réalise aussi de nombreuses lithographies, et travaille comme décoratrice pour le théâtre et l’opéra, notamment pour la Comédie-Française et les Ballets de Paris. Cette activité nourrit sa peinture d’une dimension scénique et narrative, perceptible dans la manière dont elle construit l’espace pictural.
Yvette Alde est également connue pour ses portraits d’artistes, ses illustrations de livres et ses voyages, notamment en Espagne, Italie, Israël et Afrique du Nord, qui inspirent une partie de son œuvre.
Elle épouse le peintre Max Cogniat, également actif dans les milieux artistiques parisiens.
Yvette Alde meurt à Paris en 1967, à l’âge de 56 ans. Elle laisse derrière elle une œuvre profondément humaine, marquée par une grande liberté de style et une sincérité expressive rare. Aujourd’hui, son travail fait l’objet d’un regain d’intérêt chez les collectionneurs et amateurs d’art du XXe siècle, en particulier ceux sensibles à l’art figuratif et aux expressions personnelles de l’âme humaine en temps de crise.