Ce meuble repose sur quatre pieds cambrés aux proportions équilibrées, rehaussé par des des chaussons en bronze aux 4 pieds et de superbe chutes en applique à figures féminines coiffées de pampres de vigne, à la ciselure fine et expressive. Ce décor, très représentatif du style rocaille parisien des années 1740, se rapproche de certains modèles créés pour les ateliers de Migeon et Dubois. Les traits du visage, le détail de la chevelure et des fruits, la nervure des feuilles témoignent d’un travail de ciseleur expérimenté, probablement indépendant.
La ceinture sinueuse, soulignée d’une mouluration en quart de rond marquant la délimitation avec le pupitre superieur est animée par deux tiroirs latéraux. On notera la découpe particulièrement expressive de la traverse de ceinture, qui rappelle directement des exemples estampillés Migeon passés en vente publique, auxquels notre bureau peut être directement rapproché.
Le meuble est entièrement plaqué de bois de violette (Dalbergia cearensis), un bois précieux aux reflets chatoyants allant du brun doré au violacé, plaqué sur toutes ses faces et présentant sur l'abatant un élégant décor de treillage avec des carrés sur la pointe composés de quatre feuilles en pointe de diamant. Ce type de frisage était particulièrement en vogue au début du règne de Louis XV et sous la Régence, et fut fréquemment mis en avant par Pierre IV Migeon.
L’intérieur du secrétaire est plaqué de palissandre, bois plus sombre que la violette, créant un contraste élégant et maîtrisé, révélateur d’un goût raffiné. L’aménagement intérieur se compose de quatre tiroirs galbés et de casiers ouverts.
Le bâti est constitué de résineux pour la structure principale, avec les quatre pieds en chêne – une combinaison fréquemment rencontrée dans l’ébénisterie parisienne du XVIIIe siècle, comme le confirme Alexandre Pradère dans son ouvrage sur Charles Cressent. Les deux tiroirs en ceinture sont montés en chêne, avec des fonds en orme, une particularité que nous avons déjà rencontrée sur une commode d’Étienne Doirat, maître ébéniste parisien décédé en 1732. Les quatre tiroirs intérieurs sont également montés en chêne.
Les fonds de tiroirs sont assemblés selon une technique employé par de grandes maîtres : fond rapporté dans une feuillure sur les quatre côtés, et non simplement cloués ou glissés, une méthode attestée à Paris chez les plus grands ateliers, mais également chez quelques maîtres provinciaux comme les Hache à Grenoble ou Abraham-Nicolas Couleru à Montbéliard. Une documentation spécifique (Deloche & Mornand, L’Ébénisterie provinciale en France au XVIIIe siècle, Éd. Faton) confirme la valeur de ce montage précis.
Les entrées de serrure sont en bronze doré, ciselé avec soin. La serrure centrale commande l’ouverture de l’abattant, dont la ligne galbée révèle, une fois ouvert, un aménagement fonctionnel et harmonieux.
Par sa structure galbée, la finesse du placage, la découpe de la traverse et la qualité de construction, notre bureau est à rapprocher d'un exemples bien documentés :
Un bureau estampillé MIGEON, passé en vente à Versailles en 2007, au décor de losanges et placage de bois précieux, avec traverse de ceinture comparable.
Enfin, un modèle très proche est conservé au musée Jacquemart-André (inv. MJAP-M 1626), daté de Paris vers 1730–1740, en placage de palissandre et bois de violette, témoignant de l’importance de cette typologie dans les productions de Pierre IV Migeon et de ses collaborateurs.
Ce meuble s’inscrit donc stylistiquement et techniquement dans l’entourage de Pierre IV Migeon, l’un des grands noms de l’ébénisterie parisienne sous le règne de Louis XV. Héritier d’une lignée d’artisans, Pierre IV Migeon développe dès les années 1730 une production d’ouvrages galbés, souvent plaqués en bois de violette ou de rose, marquetés en frisage de croisillons. Il collabora étroitement avec d’autres maîtres parisiens renommés — Saunier, Criaerd, Dubois, entre autres — dont les estampilles figurent fréquemment aux côtés de la sienne. Tous partageaient un goût affirmé pour la marqueterie à treillage, que l’on retrouve ici dans une exécution très soignée.
Ce bureau a dessus brisé provient d'une collection privée, il est en très bel état de conservation, avec ces placages, bronzes et quincailleries d'epoque.
Dimensions :
Hauteur totale : 95 cm
Largeur : 85 cm
Profondeur : 47 cm
Hauteur à l’abattant ouvert : 73 cm