L’ARTISTE
Émile Fabry (1865–1966) est un peintre, décorateur et illustrateur belge, principalement connu pour avoir donné à ses oeuvres symbolistes une échelle monumentale.
Il étudia à l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles, où il fut influencé par des maîtres comme Jean-François Portaels. Fabry se lia d’amitié avec Victor Horta, grand architecte de l’Art nouveau, et collabora avec lui à plusieurs reprises, notamment pour la décoration de l’Hôtel Solvay.
Il travailla aussi sur des fresques murales et des vitraux, notamment dans des édifices publics et religieux en Belgique. Son travail incarne l’esprit de la fin-de-siècle belge, mêlant art décoratif, spiritualité et beauté idéalisée. Il mêle souvent symbolisme, allégories, figures féminines idéalisées, et une recherche décorative inspirée par l’Art nouveau.
Très proche de Delville et Montald, les trois artistes seront les maîtres de sa fille : Suzanne Fabry.
NOTRE DESSIN
Ce grand dessin à la sanguine représente un visage féminin vu de trois quarts, légèrement tourné vers la droite, à une échelle presque monumentale. Le fond est uni, et tout l’intérêt du dessin réside dans le traitement très subtil du modelé. Le rendu presque évanescent confère à la figure une aura spirituelle et intemporelle. Le papier, fibreux, accroche la sanguine de façon irrégulière, permettant ce bel aspect éthéré.
L’absence de contexte ou de décor isole le modèle dans un espace indéfini, la sortant du monde matériel pour mieux évoquer un idéal, un archétype plutôt qu’un individu réel. Cette impression est renforcée par un visage féminin proche des canons classiques. Le regard calme et méditatif, la bouche close, la douceur du visage évoquent une présence intérieure ; portrait de l’âme autant que des traits.
Cette figure féminine pourrait être interprétée comme une allégorie de la beauté, de la pensée ou de l’âme, dans la veine du symbolisme belge de la fin du XIXe siècle. Elle rappelle certaines figures de Fernand Khnopff ou de Jean Delville, dans leur façon d’évoquer l’idéal féminin comme incarnation d’un monde intérieur plutôt qu’objet de désir.
Bien qu’aucun lien ne soit établi entre les deux artistes, notre dessin nous a aussi fait songer à certaines réalisations d’Alexandre Séon.