Depuis la fin du XIIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle, l’Europe traverse un petit âge glaciaire caractérisé par de très basses températures telles qu’elle n’en avait pas connues depuis le grand âge glaciaire survenu 10.000 ans auparavant. En 1564, un chroniqueur anversois témoigne que dix semaines de gel consécutif permirent aux Anversois de traverser à pied l’Escaut et d’y installer pendant quelques semaines une foire où étaient servis nourriture et boissons. Si l’hiver est riche en loisirs et anecdotes cocasses propres à nourrir la peinture de genre néerlandaise, cette saison emporte aussi des effets atmosphériques et lumineux tels que ceux représentés dans notre œuvre.
Privilégiant une vision réaliste du paysage en vogue dans la seconde moitié du XVIIe siècle, notre peintre adopte une manière naturaliste caractérisée par une ligne d’horizon basse le long de laquelle se déploient des figures. Affairés à leur travail quotidien, certains personnages semblent capturés sur le vif en plein labeur alors que d’autres bavardent à leur retour de la pêche et que certains prennent une pause en fumant la pipe. Cette scène du quotidien est enveloppée par un ciel nuageux d’où émergent les rayons d’un bas soleil d’hiver, imprimant ombres et couleurs à l’ensemble. Cette manière est à rapprocher de l’école du paysage italianisant représentée par des artistes qui, inspirés de l’art arcadien de Nicolas Poussin et Claude Gellée, ont assimilé toute la variété des effets de lumière sur les objets. Toutefois, la plupart d’entre eux ne peignait que très rarement l’hiver. Parmi ces italianisants qui furent parfois inspirés par cette saison, l’on peut citer Nicolaes Berchem qui a réalisé un tableau (anciennement dans la collection Lionel Nathan de Rotschild) montrant une composition analogue à la nôtre, bordée d’un bâtiment brun-ocre duquel part un pont traversant un cours d’eau gelé sur lequel s’activent des groupes de figures. Toutefois, la manière de notre peintre et les vêtements de ses personnages nous placent plus vraisemblablement aux alentours de 1700, parmi les suiveurs de Berchem.
Nous avons choisi de vous présenter ce paysage animé dans un cadre romain en bois mouluré, doré et rechampi jaune du XVIIe siècle de type Carlo Maratta.
Dimensions : 48 x 60.5 cm – 59 x 71 cm avec le cadre
Biographie : Nicolaes Berchem (Haarlem, 1er oct. 1620 – Amsterdam, 18 fév. 1683) commença son apprentissage auprès de son père, peintre de nature morte. Selon Houbraken, il le poursuivit auprès de Jan van Goyen et Claes Moeyaert avant d’être reçu maître à la guilde de saint Luc d’Haarlem en 1642. Sans que nous soyons sûr qu’il fît le voyage en Italie, Nicolaes Berchem développa une manière très italianisante dès les années 1650, devenant alors le chef de file de la seconde génération des peintres hollandais italianisants. Ayant réalisé quelques 850 tableaux, Berchem connut un important succès qui se reflétait alors dans le prix élevé de ses œuvres par rapport à celles de ses pairs. Ainsi, tant dis que le prix moyen d’un tableau de Jacob van Ruysdael était de 28 florins durant le dernier tiers du XVIIe siècle, il était de 91 florins pour un paysage de Berchem. Pour satisfaire la demande, il s’entoura de nombreux apprentis parmi lesquels Karel Dujardin fait figure d’épigone le plus talentueux.
Bibliographie :