Lion, élément De Gisant En Marbre - France XIVe Siècle

Ce magnifique lion en marbre est un élément de gisant du XIVe siècle. Au Moyen-âge, les gisants sont des sculptures qui représentent des personnes allongées, il s’agit généralement de tombes. Symboles de la continuité de la vie, ils possèdent de nombreux attributs qui renvoient à la personnalité du défunt. La tradition veut que chaque personne jouisse de trois gisants : un gisant de corps, un gisant d’entrailles et un gisant de cœur. Cela s’explique par la difficile conservation du corps après la mort qui oblige la séparation de ces éléments.
Aux pieds de ces gisants sont sculptés des animaux, une tradition qui date du XIIIe siècle et qui disparaît très vite à la Renaissance. Dans de nombreux cas, les animaux sont chargés de signification diverses, preuve d’un réel goût pour la complexité iconographique chez les artistes médiévaux. La représentation de ces animaux étant symbolique, leur interprétation peut être multiple. Ces animaux sont  supposés apporter leur assistance dans le voyage du défunt vers l’au-delà, et parfois, leur présence peut être un signe de protection des vivants du retour du mort. Elle peut aussi rappeler les circonstances de la mort du défunt, tout comme faire référence à ses vertus, caractéristiques ou aptitudes. Certains historiens voient également un lien entre ces animaux et les tétramorphes, car les artistes médiévaux avaient pour tradition d’appliquer le symbole à l’interprétation du monde naturel confondu avec le spirituel.
Le lion est l’animal le plus souvent figuré et reflète parfaitement cette complexité iconographique. Il est le plus souvent sculpté aux pieds des hommes et peut apparaître seul ou en duo. Cet animal porte généralement une connotation positive et a pour rôle celui du gardien, raison pour laquelle il est souvent représenté à l’entrée des lieux sacrés. Cette image protectrice s’est développée dans les bestiaires médiévaux car, dès lors, il était admis que le lion dormait les yeux ouverts. A cette époque, il ne protégeait pas uniquement la Maison de Dieu mais aussi les hommes : il avait pour rôle d’accompagner le défunt dans la mort. 
Depuis l’Antiquité, le lion orne les tombeaux car la légende disait qu’à la naissance, le lionceau passait trois jours dans les limbes avant d’être ramené à la vie par son parent, raison pour laquelle le lion devient un symbole de résurrection. Le lion peut également signaler l’appartenance du défunt à la noblesse et traduit ses valeurs comme le courage, la force ou le pouvoir. Ces caractéristiques amènent le lion à détenir une place de choix dans l’héraldique. L’animal est en effet admiré pour sa nature majestueuse, sa puissance et son goût du combat qui en fait le roi des animaux. Dans de plus rares cas, le lion peut être associé au danger qui menace le fidèle en la personne du Diable.
Il porte donc une symbolique ambivalente qui l’amène parfois à être considéré comme l’incarnation de l’Antéchrist. Il demeure toutefois, dans la tradition des gisants, un symbole positif qui renvoie au père ou au maître et semble signifier l’importance du personnage représenté.
La base de notre sculpture est pourvue d’un décor végétalisé avec des feuilles de lierre et des fruits qui s’apparentent à des pommes. Le lierre porte une symbolique liée à la fidélité du couple.
Il est souvent représenté auprès du chien qui porte la même symbolique. On en retrouve un exemple au pied d’un gisant de la basilique Saint-Denis.
Le lierre peut également renvoyer à l’immortalité et ses feuilles en forme de cœur sont généralement accompagnées de petits fruits groupés par trois ou quatre, tradition issue de la sculpture mérovingienne.
Par ailleurs, la pomme fait aussi référence à l’immortalité. Fruit de la connaissance du bien et du mal dans la bible, la pomme est aussi un symbole de pouvoir du fait de sa forme sphérique qui rappelle celle de la Terre : la détenir c’est posséder le pouvoir. Dans la mythologie grecque, la pomme est aussi symbole d’amour et de fécondité et elle est associée à Aphrodite et son fils Éros. 
Notre sculpture était scellée au plomb sous la base et sculptée dans du marbre. À l’origine, les gisants étaient réalisés en pierre mais la production s’est vite tournée vers le marbre, matériau plus difficile à travailler, mais plus noble. Sur l’un des côtés de la base, un léger creux indique sans doute l’endroit auquel le lion était attaché au gisant.
Certains animaux étaient sculptés dans le même bloc de marbre que le gisant. C’est le cas du Gisant de Robert l’Enfant réalisé par Pépin de Huy en 1320 et conservé dans la Basilique de Saint-Denis.
Au fur et à mesure que la production évolue, les animaux tendent à être sculptés séparément du gisant auquel ils appartiennent, parfois même par deux artistes différents. C’est le cas de notre lion et de celui du Gisant de Louis de Sancerre du début du XVe siècle.
La représentation du lion est ici très stylisée notamment dans le travail des boucles de sa crinière. Cet élément ainsi que la position du corps de l’animal, aux côtes apparentes, nous rappellent le travail effectué sur les lions du Gisant de Clément VI conservé dans l’abbatiale Saint-Robert de la Chaise-Dieu.
Notre lion de gisant est également sculpté avec de grosses pattes et un museau anguleux qui laisse apparaître ses dents. Ces spécificités se retrouvent sur le Gisant de Philippe IV le Bel réalisé vers 1327 et conservé à la basilique de Saint-Denis.
Ses particularités physiques, sa position et les attributs qui l'entourent amènent à penser que notre lion de gisant est porteur de deux symboliques : la protection et l'immortalité. D’une très belle facture, ses spécificités permettent de l’inscrire dans la production d’animaux de gisant du XIVe siècle.