Antony SERRES (1828-1898), La présentation, ou La visite à la Châtelaine, circa 1860.

Silhouettée au sommet d'une fontaine aux eaux jaillissantes, l'effigie de Vénus tempérant les ardeurs d'un Cupidon ou lutinée par l'Amour semble présider à la composition de cet exquis  tableautin mettant en scène, avec spiritualité, gentilhommes  élégants et gente dame du siècle de Louis XV. Emperruqués, poudrés, revêtus d'aristocratiques  atours (habits de velours, gilets de soie brodés, jabots de dentelles et manchettes,culottes de satin, bas et souliers à boucles; chatoyante toilette " à la mode Pompadour" )ou joliment fardée, bijoutée, ces insouciants protagonistes  prennent place au sein d'un cadre architectural choisi  qui , par  ses réminescences "Versaillaises",se veut tout à la fois  ludique et onirique . Campés  sur la terrasse d'une palatiale demeure de Plaisance au pavement jonché d'un lourd tapis chamarré de motifs floraux ,sertie d'une balustrade chantournée aux dés couronnés de vases Médicis embuissonnés de feuillages, de fleurs printanières, ceux-ci s'adonnent à de courtois échanges non dénués  de galants sous-entendus. Adossée au parapet,une jeune femme à la beauté épanouie, au regard ingénu céde, dans une attitude  posée et coquette, aux charmes  d'un juvénile  soupirant à l'aimable tournure que lui présente avec une bonhommie  enjouée son compagnon à la replette physionomie;  à sa gauche, jarret tendu, tricorne sous le bras,une main rivée sur son épée, l'autre arborant sans ambage un monocle, son amant de coeur, la tête encore  auréolée de l'un de ses roses rubans, épie en toute impunité  quelques  couples  badinant à l'orée du parc. Baignées d'une douce luminosité,se détachant sur un fond clair  hautes  fûtaies, frondaisons rythment l'arrière-plan de cette affable"saynéte Régence" savoureusement scénographiée.
Servie par une palette mariant à un camaieu de bruns  ocrés voilés d'une lumineuse blondeur, des  tons argentés, rosés, bleutés  rehaussés de  menus empâtements ajoutant une  riante note de préciosité à une composition brossée  d'une main alerte, cette scène de genre placée sous les grâces du XVIIIe siècle rococo porte "la griffe" d'Antony Serres (1828-1898). Les critiques d'art de l'époque en louaient les  principales qualités : "composition habile mais pleine de charme", "agencement intelligent du groupe d'un dessin très vrai et qui, offre une variété d'attitudes et de physionomies bien étudiées", "imagination et poésie dans la palette"(André, Henri, 1868). Nous y  joindrons le soin apporté par cet artiste aguerri à la Peinture d'Histoire aux costumes, décors et accessoires affiliés au siècle de Louis XV.
De part ses dimensions, son sujet, notre tableau  prend place au sein du large corpus de ces "attrayantes  et charmantes scènes de genre" exécutées par "des peintres très fins, très délicats, très harmonieux, et aussi spirituels que leur maître- Ernest Meissonnier (1815-1891)", comme Jean-Baptiste Fauvelet (1819-1883), Antoine Emile Plassan (1807-1903), Victor Chavet (1822-1906) ou Adolphe Montfallet (1815-1900) qui, au plus grand dam des amateurs du Second Empire, se complurent à revisiter, ressuciter  à l'aune de leurs émérites  prédécesseurs  (A. Watteau, J.B Pater, N.Lancret, J.-B .Van Loo) les délassements aristocratiques et galanteries du siècle précédent.
Dans le sillage des tableautins ( La conversation, 1855; Un après-midi sous Louis XV ou Salon du XVIIIe siècle, 1858) de son confrère et ami  A.Montfallet, notre toile à dater de par sa facture des années 1860 pourrait aussi au vu de l'attitude révérencieuse  de ses  principaux protagonistes s'intituler "La visite à la Châtelaine",- titre donné à l' une des toiles d'Antony Serres portée sous le n°85 au Catalogue de tableaux modernes et quelques anciens, aquarelles, ..composant la collection de M.X, lors d'une vente parisienne tenue à l'Hôtel Drouot le 19 décembre 1898 .

Jacques, Antoine dit Antony SERRES (Bordeaux, 13 février 1828-Paris, 16 mai 1898)