Toujours plus prisés, ces meubles connaissent un véritable engouement au XVIIe siècle, portés par leurs panneaux d'ébènes aux reliefs raffinés - plaqués sur la structure en bois commun du meuble - qui, animés par des jeux d'ombres et de lumières, leurs confèrent un éclat époustouflant. Notre oeuvre, donnant à contempler deux figures féminines alanguies dans une clairières habitée de petits génies vendangeurs, est l'un de ces reliefs, dont les spécialistes ont démontrés qu'ils étaient le reflet de l'art de la gravure de l'époque.
Si le modèle gravé de notre panneau n'a pas pu être identifié, plusieurs lectures du sujet peuvent être proposées.
Il pourrait en effet s'agir d'une allégorie de la Terre, incarnée par la déesse de la fertilité, des moissons et de l'agriculture, Céres, reconnaissable ici au premier plan à sa couronne d'épines, et au lion qui l'accompagne. Occupée à nourrir un petit génie en lui offrant son sein, elle est entourée de vignes et peut-être de Cybèle, étendue juste derrière elle.
Mais notre panneau pourrait également être une évocation du célèbre proverbe latin Sine Cerere et Bacchi friget Venus : Sans Cérès et Bacchus, Vénus a froid, autrement dit, l'amour a besoin de nourriture et de vin pour prospérer. Issu d'une citation du comédien Terrence, ce proverbe connait un grand succès dans la gravure des XVIe et XVIIe siècle au Nord de l'Europe. Les vignes feraient ainsi allusion à Bacchus, et Cérès serait alanguie au côtés de Vénus.
Cette hypothèse peut être étayée par la présence récurrente des trois divinités Bacchus, Ceres et Venus au sein du décor des cabinets d'ébène du XVIIe siècle.