Jacques Lagrange, Femme aux fleurs, Huile sur panneau de carton bois, vers 1950-1955

Cette œuvre saisissante de Jacques Lagrange, figure singulière de la peinture française d’après-guerre, appartient à la série des Cueillettes, l’un des ensembles picturaux les plus poétiques de l’artiste. On y retrouve son trait souple et ses aplats colorés empreints de lyrisme, révélant à la fois la sensualité des formes féminines et une profonde tendresse pour la nature.

Le support choisi, un carton bois, est typique de la pratique de Lagrange dans les années 1950. Ce matériau, qu’il utilisait fréquemment pour ses travaux préparatoires destinés au cinéma ou à la tapisserie, confère à la surface peinte une texture vibrante et une spontanéité rare.
De belles dimensions, cette composition très sensuelle dégage une présence forte et une énergie subtile qui en font une œuvre idéale aussi bien pour un collectionneur d’art moderne exigeant que pour un amateur éclairé. Sa puissance plastique et sa douceur chromatique s’accordent parfaitement à un intérieur moderne ou contemporain, où elle rayonnera avec élégance.

Né en 1917 à Arcueil, Jacques Lagrange entre dès 1933 à l’École nationale des arts décoratifs avant de rejoindre l’atelier de gravure de l’École des beaux-arts de Paris. En 1937, il collabore avec Raoul Dufy à la décoration du pavillon de l’électricité de l’Exposition internationale de Paris — expérience fondatrice d’une vie d’artiste marquée par l’alliance du dessin, de la couleur et de la scénographie.

Mobilisé à Angers pendant la guerre, il y découvre la célèbre Tapisserie de l’Apocalypse, qui influencera durablement son goût pour la monumentalité et la composition décorative. À partir de 1944, il installe son atelier à Arcueil et participe dès 1945 au premier Salon de Mai, auquel il restera fidèle tout au long de sa carrière. Ses œuvres sont présentées à la Galerie de France en 1946 et 1953, puis à la Galerie Villand et Galanis à partir de 1955, aux côtés de Roger Chastel, Maurice Estève et Charles Lapicque.

Proche de Jacques Tati, il devient son coscénariste et conseiller artistique pour Les Vacances de Monsieur Hulot (1953), Mon Oncle (1958), Playtime (1967), Trafic (1971) et Parade (1974). Cette collaboration féconde entre peinture et cinéma illustre la capacité de Lagrange à transposer la rigueur plastique de son art dans l’univers du mouvement et du décor.

Également décorateur pour Jean Vilar au TNP (notamment pour Ubu en 1958), il signe plusieurs œuvres monumentales intégrées à l’architecture moderne, dont un plafond de 600 m² pour la Tour Croulebarbe (dite tour Albert, 1957-59) et un pavement en marbre pour la Faculté des Sciences de Jussieu (1967-72).

Professeur à l’École des Beaux-Arts de Paris, directeur de l’atelier de gravure, créateur de nombreux cartons de tapisseries à Aubusson, Jacques Lagrange fut un véritable rénovateur de la tapisserie contemporaine française. Le Bénézit consacre à sa biographie trois colonnes, témoignant de la reconnaissance durable de son œuvre.

De 1967 à 1992, il réside dans la Creuse, à Saint-Martial-le-Mont, où il poursuit une œuvre mêlant nature, mémoire et abstraction poétique.