Benjamin-Gerritsz Cuyp (1612-1652).
Après avoir été l'élève de son demi-frère, Jacob Cuyp (1594-1651), Benjamin travaille à Dordrecht (Provinces-Unies) où, en 1631 il devient maître à la corporation des peintres. Très tôt, l'art de Rembrandt Van Rijn (1606-1669) exerce une forte emprise sur le métier du jeune peintre dortois. Le maître de Leyde est l'aîné de Cuyp, seulement par les six années qui les séparent, aussi, est-il notable de signaler le fait que les multiples emprunts à Rembrandt, constatés chez Cuyp, ont été réalisés à partir d'œuvres appartenant à la jeunesse du grand maître leydois. Benjamin Cuyp a réalisé une série de tableaux évocateurs du thème de l'Adoration des bergers ainsi que de celui de l'Annonce aux bergers. Une trentaine d'Adorations des bergers ont été répertoriées et se trouvent dans des musées (Berlin, Bremen, Bordeaux, Dordrecht, Madrid, Mannheim, Poitiers, Roanne, Utrecht, etc.).
Il est à noter qu'en 1619, à Dordrecht, s'est tenu un synode réunissant des représentants de nombreuses Églises européennes, l'évènement n'a certainement pas manqué d'impressionner le jeune Cuyp, qui, à n'en pas douter, à développé en lui un sentiment religieux des plus prégnant. Ces évocations que le jeune artiste de Dordrecht a traité ont été très demandés par ses clients et ce succès a entraîné pour des raisons commerciales évidentes des répétitions.
Notre tableau porte au dos une ancienne attribution à Rembrandt et un numéro d'inventaire.
Mais cela n'est pas une idée si saugrenue, tant cette Adoration des bergers est rembranesque à souhait. Durant la décennie 1630-1640, les œuvres de Cuyp revendiquent d'être en parallèle avec celles de Rembrandt allant même, au-delà, quitte à parodier le travail du maître. L'évidente gaucherie, le style saccadé, la rusticité de ses modèles représentés avec des traits grossiers et des tronches expressives ne sont-ils pas les preuves du talent de Cuyp qui a concentré son travail sur les effets de lumière, sur les éclairages, théâtraux, et sur ce rayonnement surnaturel venu du ciel qui place au centre du jeu un pauvre hère mal fagotté qui ne semble pas prendre la mesure de sa situation (à noter la figure frippée comme un vieillard du nouveau né, comme si, avant l'heure, il était accablé de tous les péchés du monde). Cuyp a fait du rembranesque plus absolu encore que celui du maître de Leyde. Rembrandt s'est très peu intéressé au thème de l'Adoration des bergers. L'on peut trouver une œuvre de Rembrandt, la Conjuration des Bataves sous Claudius Civilis (1661) où le maître concentre son travail sur les effets de lumière au centre du tableau au détriment des protagonistes de la conjuration qui sont stigmatisés par des visages aux traits grossiers et maladroits, presque difformes, comme le faisait Benjamin Cuyp en 1630, soit une trentaine d'années auparavant. Cadre en bois et stuc doré de la fin du XIXème siècle (quelques accidents). Panneau de chêne non fendu. Huile en bon état. 6800 euros