Malgré son apparence de saucière , c’est une tout autre fonctionnalité qui se cache derrière cette pièce en argent massif russe.
Il s’agit en effet d’un petit pot de chambre portatif ou en anglais "coach pot " ( pot de calèche) pour dames qui connaît son heure de gloire aux 17e et 18e siècles.
Son nom serait une référence ironique à un père jésuite de la cour de Versailles, Louis Bourdaloue (1632-1704).
Surnommé « le roi des prédicateurs et le prédicateur des rois », il est principalement connu pour avoir exercé ses talents d’orateur à la Chapelle Royale, au cours de longs prêches pouvant durer plusieurs heures. A cours de ces messes, afin d’éviter la situation inconfortable de devoir retenir un besoin pressant sans pouvoir quitter l’office, les dames de la cour recouraient à cet urinoir portatif. Discrètement placé sous les robes à panier, le récipient était ensuite vidé aux alentours de l’édifice religieux par des servantes diligentes.
Suivant cette tradition , la haute société aurait donc utilisé le bourdaloue de manière discrète mais néanmoins en public.
Ce mode opératoire était rendu possible grâce à une coutume vestimentaire de l’époque : l’entrejambe des culottes féminines était en effet fendu, et cela jusqu’au dix-neuvième siècle.
Le bourdaloue est donc un témoin de l’évolution qui s’opère entre le 18e siècle et le début du 20e siècle, du mobilier d’hygiène mobile qui était apporté par des domestiques vers l’installation de la salle de bain fixe.
Aujourd’hui, nous disposons de peu d’informations sur cette pratique hygiénique, les textes officiels contemporains restant pudiquement silencieux à ce sujet. Il est donc plus qu' étonnant de trouver le sujet traité de manière très explicite chez l’un des plus grands artistes du 18e siècle. En effet, François Boucher (1703-1770) choisit en 1760 d’en faire le sujet principal de son tableau « La Toilette intime ». Dont une photo en annexe.
Parfaitement adapté à l’anatomie féminine, le bourdaloue est de forme oblongue, resserrée en son centre. Les extrémités relevées et les bords incurvés vers l’intérieur évitent les éclaboussures sur les vêtements, tandis qu’une anse facilite son maniement. Selon les moyens de la propriétaire, celle-ci fait usage d’un récipient en faïence commune ou d’articles de luxe en porcelaine délicate, richement décorés. Ce n'est que rarement que l'on retrouve des exemplaires en argent massif commandés par des altesses sérénissimes ou impériales.
Celui-ci est le seul exemplaire que j'ai trouvé sur tout le web en orfèvrerie russe.