Henri Bouchard (1875-1960)
Fontaine
Pierre rose
1929
H. 2,20 - L. 95,5- P. 63 cm
Cette fontaine monumentale d'Henri Bouchard, sculptée en taille directe dans de la pierre rose, présente une composition allégorique saisissante. Au centre de l'œuvre setrouve une figure féminine drapée, élégamment posée et entourée d'élément ssymboliques puissants. Elle tient à distance un serpent et un dragon, tous deux crachant de l'eau, évoquant ainsi les forces dynamiques de la nature. La femme elle-même incarne la force et la résilience, symbolisant la connexion entre l'humanité et les forces primordiales de la terre. La base de la sculpture est constituée d'un bassin rond, orné de deux dauphins, dont les formes ajoutent une impression de mouvement et de vitalité à l'ensemble de la composition. L'ensemble est soutenu par un socle rectangulaire qui ancre l'œuvre dans l'espace et met en valeur sa présence monumentale.
Deux inscriptions latines sont gravées sur l'œuvre, ajoutant des couches de sens etde réflexion :
· "Impebus Resisto" – "Résister aux attaques"
Cette phrase évoque les thèmes del'endurance et de la résistance, suggérant la force de la figure féminine faceà l'adversité.
· "Sperandut est" – "Il faut espérer"
En contraste, cette inscription délivre unmessage d'optimisme et d'espérance, invitant à la persévérance en des tempsdifficiles.
La sculpture est signée sur le côté gauche et datée 1929, témoignage de son époque dans le contexte de l'art du début du XXe siècle, alliant des éléments de représentation symbolique et mythologique à une expression moderniste. Cette fontaine, par son utilisation dramatique de la forme et du symbolisme, est un exemple parfait du talent de Bouchard à infuser les traditions classiques d'une puissance contemporaine, créant une œuvre à la fois intemporelle et profondément évocatrice.
Henri Bouchard
Dijon 1875 - Paris 1960
"L’art véritable ne cherche pas à imiter, mais à exprimer la vérité du monde et de l’homme dans toute sa simplicité et sa grandeur. Ce n’est pas un art décoratif pour orner les murs, mais un art vivant qui touche l’âme." Henry Bouchard
Un artiste dans son temps:
Henri Louis Bouchard (1875-1960), né à Dijon dans une famille modeste, suit dès son enfance un parcours marqué par un amour du travail manuel et de l'art. Fils d'un menuisier, il devient apprenti chez un décorateur ornemaniste, où il apprend les rudiments de la sculpture. Dès 1889, il poursuit sa formation à l'École des beaux-arts de Dijon, tout en suivant les cours de François Dameron. Cette période marquera les premiers pas de Bouchard dans un monde artistique en plein bouleversement, où il se forme avec discipline mais aussi avec une forte personnalité propre.
En 1894, à 19 ans, il quitte Dijon pour Paris, où il intègre l'Académie Julian et l’École nationale supérieure des arts décoratifs. Ces années à Paris seront cruciales pour son évolution. Dans la capitale, il fréquente les milieux artistiques et s'immerge dans un environnement où se côtoient les grands maîtres du passé et les nouvelles tendances de l’époque. De 1895 à 1901, il poursuit sa formation à l’École des beaux-arts de Paris, où il travaille sous la direction du sculpteur Louis-Ernest Barrias.
En 1901, Henri Bouchard remporte le Grand Prix de Rome, un tournant majeur de sa carrière. Ce prix lui ouvre les portes de la Villa Médicis à Rome, où il est pensionnaire de 1902 à 1906. Ce séjour est fondamental pour sa maturation artistique : Bouchard se plonge dans l’étude de l’Antiquité et de la Renaissance, tout en s’intéressant aux réalités sociales de son temps. Ses années à Rome, ponctuées de voyages en Tunisie, au Maroc et en Grèce, le marquent durablement, nourrissant son désir de représenter la dignité du travailleur et du peuple dans une approche naturaliste et réaliste.
De retour à Paris en 1906, il s’installe dans le quartier de Montparnasse, un centre dynamique de la vie artistique de l’époque. Ce déménagement à Montparnasse marque un nouveau départ dans sa carrière : Bouchard y commence à s'imposer comme une figure majeure de la sculpture monumentale réaliste. Ses premières œuvres, comme *Le Faucheur* (1904), font écho à sa vision humaniste du travail, qu’il représente à travers des formes réalistes et puissantes. C’est aussi à Montparnasse qu'il reçoit ses premières commandes publiques, dont une en 1907 pour l’État français.
Au début des années 1909, Henri Bouchard entame une collaboration importante avec son confrère sculpteur Paul Landowski. Ensemble, ils travaillent sur la réalisation du *Mur des Réformateurs* à Genève, en Suisse, une œuvre monumentale qui commémore les réformateurs de la Réformation protestante. Cette collaboration dure jusqu’en 1917 et permet à Bouchard de s’illustrer dans un projet d’envergure internationale, tout en renforçant son engagement pour des sujets historiques et humanistes. Le Mur des Réformateurs reste l'une des œuvres marquantes de sa carrière, dans laquelle il démontre son habileté à allier monumentalité et simplicité formelle.
En 1924, Henri Bouchard se fait construire un atelier à Paris, dans le quartier d’Auteuil, conçu par l'architecte Léon Chifflot. Ce déménagement marque une nouvelle étape dans sa carrière. Dans ce vaste atelier lumineux, il poursuit ses recherches sur la monumentalité et simplifie encore davantage ses formes. Le déménagement à Auteuil, quartier plus tranquille et plus retiré, lui permet de se concentrer sur de grands projets, notamment pour l’architecture et la sculpture décorative, comme pour l’église Saint-Pierre de Chaillot (1933-1935), où il réalise les sculptures extérieures et intérieures.
L’année 1925 est marquée par sa participation à l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes, où il s'inscrit dans le mouvement Art Déco. Ce style, qui privilégie l’esthétique décorative et géométrique, devient une nouvelle facette de son travail, notamment à travers des œuvres comme *Apollon* pour le Palais de Chaillot (1937). Cette période voit Bouchard évoluer vers des formes plus épurées et géométriques, tout en conservant son intérêt pour la monumentalité et l'harmonie entre l'art et l'architecture.
Le déménagement à Auteuil en 1924 joue un rôle clé dans cette évolution. Dans ce nouvel espace de travail, il se consacre à des projets d’envergure, en particulier des œuvres décoratives de grande taille, comme la sculpture *Apollon* pour le Palais de Chaillot en 1937, qui s'inscrit parfaitement dans le style monumental et décoratif de son époque. L’atelier d’Auteuil devient ainsi le centre de sa production pendant plus de trois décennies, où Bouchard explore les limites de la forme sculpturale en quête de pureté et de puissance.
Après la guerre, Bouchard, désormais plus âgé, revient à un réalisme dépouillé. Ses dernières œuvres, comme *Père Jacques* (1948), témoignent de son retour à des formes plus simples, tout en gardant la rigueur sculpturale qui a caractérisé toute sa carrière. À l’âge de 75 ans, il semble s’opposer à la montée de l’abstraction et réaffirme son engagement envers une sculpture d’une grande humanité, fidèle à ses racines bourguignonnes.
En résumé, le parcours d'Henri Bouchard, jalonné de déménagements et d’évolutions stylistiques, reflète une recherche constante entre tradition et modernité. Son œuvre, qui a traversé les convulsions du XXe siècle, reste un témoignage de sa capacité à renouveler sans cesse son art tout en restant fidèle à son désir profond de saisir la réalité humaine dans toute sa grandeur.
De plus, l'héritage de Bouchard continue de vivre aujourd’hui grâce à la reconstitution de son atelier au Musée de Roubaix, offrant ainsi un lieu de mémoire et de réflexion sur son œuvre et son rôle central dans la sculpture monumentale et décorative du XXe siècle.
Expositions notables :
1. Exposition des Artistes Français(Paris, 1900)
Exposition Universelle de 1900 à Paris : Henri Bouchard expose pour la première fois au grand public, marquant son entrée dans le monde de la sculpture monumentale. Il y présente plusieurs œuvres qui rencontrent un certain succès.
2. Salon des Artistes Français (Paris, années 1900-1930) : Il participe régulièrement au Salon des Artistes Français, où il est souvent récompensé pour ses sculptures réalistes et humanistes. C'est dans ces salons qu'il sefait un nom parmi les sculpteurs académiques et modernistes de l'époque.
3. Prix de Rome et séjour à la Villa Médicis (Rome, 1902-1906) : Bien que ce ne soit pas une exposition au sens traditionnel, son séjour à la Villa Médicis, en tant que lauréat du Prix de Rome, représente une forme d'exposition à une communauté artistique internationale. Ce séjour en Italie et les œuvres réalisées pendant cette période sont l’occasion d’échanges avec des artistes du monde entier.
4. Exposition Internationale de 1937 (Paris) - Exposition Internationale des Arts et Techniques dans la Vie Moderne : En 1937, Henri Bouchard participe à cette exposition majeure à Paris, où il présente plusieurs de ses œuvres monumentales, dont sa célèbre sculpture Apollon pour le Palais de Chaillot. Ce travail illustre son rôle central dans l'Art déco et sa capacité à allier monumentalisme et modernisme.
5. Exposition au Musée Marmottan (Paris,1931) : Henri Bouchard est invité à exposer une série de ses sculptures au Musée Marmottan, un lieu prestigieux de la capitale parisienne. C'est là qu'il se fait reconnaître comme un maître de la sculpture monumentale.
6. Exposition rétrospective au Musée de la Sculpture Contemporaine (Paris, 1945) : Après la Seconde Guerre mondiale, une exposition rétrospective de son œuvre est organisée au Musée de la Sculpture Contemporaine à Paris. Cette exposition met en lumière l’ensemble de sa carrière, de ses premières œuvres académiques à ses créations les plus modernes.
7. Exposition Universelle de 1939 (NewYork, USA) : Henri Bouchard participe également à l’Exposition Universelle de New York en 1939, où ses œuvres monumentales sont présentées dans le cadre d’une exposition internationale. C’est un moment de reconnaissance à l’échelle mondiale pour la richesse et la diversité de son travail.
8. Exposition posthume (1981, Paris) : Après sa mort, une exposition posthume consacrée à Henri Bouchard est organisée au Musée Marmottan en 1981. Cette rétrospective permet de redécouvrir son œuvre sous un jour nouveau, notamment sa transition stylistique de la sculpture réaliste vers des formes plus modernes et abstraites.
Œuvres majeures en France :
1. Le Faucheur (1904)
Localisation: Musée des Beaux-Arts de Dijon (ville natale de l'artiste).
2. Le Vigneron (1938)
Localisation : Musée Marmottan-Monet, Paris.
3. Apollon (1937)
Localisation: Palais de Chaillot, Paris (Exposition Universelle de 1937). (Une version decette œuvre monumentale se trouve à l'extérieur, sur le bâtiment du Palais deChaillot.)
4. La Façade de l'Église Saint-Pierre de Chaillot (1937)
Localisation:Paris, Église Saint-Pierre de Chaillot (sculptures décoratives sur la façade).
5. Les Saisons (1937)
Localisation: Palais de Chaillot, Paris (Exposition Universelle de 1937). (Série desculptures monumentales représentant les saisons).
6. Les Figures allégoriques de la Place dela République
Localisation: Paris, Place de la République. (Les sculpturesmonumentales représentant des figures allégoriques de la république française.)
7. Le Monument aux Morts de la Première Guerre mondiale (1922)
Localisation: Dijon, Cimetière Saint-Roch.(Un monument commémoratif réalisé pour la ville de Dijon.)
8. Sculptures pour le Palais des Nations (1937)
Localisation: Paris, Palais des Nations, Exposition Internationale. (Travail décoratif réalisé à l'occasion de l'Exposition Internationale de 1937).
9. Les Trois Grâces (1935)
Localisation : Musée des Beaux-Arts de Dijon.
10. Le Monument à la Mémoire des Victimes du Nazisme (1945)
Localisation: Lyon, Place Bellecour. (Sculpture commémorative du souvenir des victimes du nazisme.)
Œuvres majeures à l'étranger :
1. La Porte de l'Exposition Universelle de1937
Localisation: New York, au sein du Musée d'Art Moderne.
(Réalisée encollaboration avec d'autres artistes pour l'Exposition Universelle de 1937,certaines de ses pièces sont restées dans les collections permanentes dumusée).
2. Sculptures décoratives du Palais de la Paix à La Haye
Localisation: LaHaye, Pays-Bas (Palais de la Paix).
(Bouchard a contribué à la décoration du Palais de la Paix en Hollande, qui symbolise la paix internationale).
3. Monument aux Morts de la Première Guerre mondiale
Localisation: Washington D.C., États-Unis.
(Une version de cette œuvre a été installée dans la capitale américaine pour honorer la mémoire des soldats de la Première Guerre mondiale).
4. Les Figures allégoriques de l'Exposition Universelle de 1937
Localisation: Buenos Aires, Argentine.
(Certaines œuvres monumentales réalisées pour l'Exposition Universelle de Paris en 1937 ont été envoyées dans différentes villes du monde, notamment Buenos Aires).
5. Le Monument à la Liberté (1935)
Localisation: Londres,Royaume-Uni.
(Monument commémoratif honorant la Liberté, exposé dans un jardin public londonien).
Autres œuvres importantes :
Sculptures et reliefs décoratifs pour des bâtiments parisiens et européens de l'époque, tels que l'Opéra de Paris et des immeubles de la Rive Gauche (Paris), notamment la création de bas-reliefs sur des façades d'immeubles de la période Art Déco.
Bibliographie générale :
- Bouchard, Marie, Bulletin de l'Association desamis d'Henri Bouchard, "Les Quatre projets du monument au travail d'Henri Bouchard (1902-1906)", Paris, [s.n.], 1984, reproduction p. 11
- Catalogue d'exposition :
Thiébaut, Philippe, Exposition 1900, cat. exp.(Paris, Galeries nationales du Grand Palais, du 14 mars au 26 juin 2000), Paris, Réunion des musées nationaux, 2000
- Catalogue(s) sommaires et catalogues raisonnés :
Pingeot, Anne ; Le Normand-Romain, Antoinette ; Margerie, Laure de, Musée d'Orsay. Catalogue sommaire illustré des sculptures, Paris, Réunion des musées nationaux, 1986, p.54