Portrait du général Marcel Bigeard
Œuvre d’art brut
Réalisée au cours de son internement, cette œuvre témoigne de la puissance expressive et de la vision fragmentée de Serge Sauphar, artiste autodidacte rattaché à l’art brut. Né en 1922, Sauphar manifeste très tôt un goût pour le dessin et la création intuitive.
En 1948, à vingt-six ans, il est interné à Ville-Évrard pour un épisode d’errance et de confusion. Il y reste six ans dans le service duDr Dublineau, avant d’être transféré à l’hôpital Esquirol à Saint-Maurice, dans le service du Pr Baruk, auquel succédera le Pr Lantéri-Laura. Sauphar y meurt en 1987, après une hospitalisation ininterrompue de près de quarante ans, au cours de laquelle il fut pour tous ceux qui l’ont approché « le peintre ».
Il avait réussi à se créer son propre atelier à l’intérieur de l’hôpital, où il travaillait sans relâche. Il y recevait des visiteurs de passage, auxquels il offrait souvent des œuvres, voire des livres d’art, convaincu que l’art serait la rédemption du monde.
Son œuvre s’inscrit dans une démarche de reconstruction mentale autant que de quête identitaire. Intitulée Portrait du général Marcel Bigeard, la pièce dépasse largement la simple représentation d’un militaire célèbre pour devenir une image mentale, une projection intérieure de la figure d’autorité.
Le visage du général émerge de superpositions de traits et de profils, comme si plusieurs identités coexistaient ou se confondaient. Cette stratification du dessin traduit une tension entre admiration, mémoire et trouble psychique : l’artiste semble explorer les limites de la figure humaine et du pouvoir.
Le sujet du portrait, le général Marcel Bigeard (1916–2010), fut une figure emblématique de l’armée française du XXᵉ siècle. Engagé volontaire en 1936, résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, puis officier parachutiste en Indochine et en Algérie, il devint synonyme de courage, de discipline et d’énergie. Son image publique, autoritaire et héroïque, a profondément marqué l’imaginaire collectif d’après-guerre, sans doute l’une des raisons pour lesquelles Sauphar, dans son univers clos, choisit de s’y confronter, transformant la figure du chef militaire en icône intérieure et hallucinée.
































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