(L’Aigle 1919 - Ajat 2009)
Les Eyzies
Huile sur toile
H. 65 cm ; L. 81 cm
Signée en bas à gauche, datée 1958 – Titrée au dos
Provenance : Collection privée, Périgueux
Autodidacte en peinture, Marcel Loth débute dans les années 1940 par des scènes de rue, des portraits, des paysages urbains ou ruraux, souvent empreints d’un regard précis, parfois ironique, sur le monde. Ses premiers travaux sont figuratifs, animés d’un esprit d’observation qui n’exclut pas une certaine distanciation formelle. Mais c’est dans les années 1950 que sa peinture s’émancipe réellement : au contact des recherches de l’après-guerre, de l’école de Paris, et surtout sous l’influence du peintre Roger Bissière, rencontré dans le cercle artistique périgourdin, Loth bascule progressivement vers une abstraction construite, où la composition prime sur la représentation.
Le lien avec le Périgord, loin de s’effacer, devient plus subtil. Loth ne peint plus des paysages reconnaissables, mais il en transpose les rythmes, les masses, les tensions internes. Les falaises calcaires des Eyzies deviennent des aplats verticaux, les collines s’expriment en courbes tendues, les bourgs en cubes colorés. Ce que l’œil ne distingue plus avec certitude, la mémoire du lieu le recompose. Le Périgord devient alors moins un motif qu’un socle mental : une géographie intérieure.
Sa palette, d’abord douce et terreuse, s’enrichit au fil des années de rouges profonds, de bleus saturés, de verts violents. Loth aime la matière : il la travaille en empâtements, la griffe, la structure. Chaque toile est une construction, presque une élévation architecturale. On y retrouve sa double culture d’architecte et de peintre, dans une fusion rare entre espace bâti et espace pictural. Il ne cède jamais aux automatismes de l’abstraction lyrique ni aux rigidités du géométrisme pur : sa peinture reste vivante, équilibrée, personnelle.
Marcel Loth n’est pas un artiste solitaire. À Périgueux, il fréquente d’autres créateurs qui marquent la vie artistique régionale : Jean Boyé, peintre et professeur, influencé lui aussi par Bissière ; Guy Célérier, attaché à une figuration sensible ; ou encore François Augiéras, écrivain-peintre à la marge. Avec eux, Loth participe à faire du Périgord d’après-guerre un laboratoire d’expériences artistiques modernes, loin de Paris mais en dialogue constant avec les grandes évolutions de son temps.
Ses œuvres, longtemps conservées dans l’ombre d’un atelier discret, sont aujourd’hui redécouvertes pour leur singularité et leur cohérence. Des toiles comme Les Eyzies (1958), Abstraction n°3 (1962) ou Triptyque d’hiver (1960) témoignent d’une maîtrise de la composition, d’un sens profond de la couleur et d’un attachement viscéral au paysage mental de la Dordogne.
Ce qui fait la force de l’œuvre de Marcel Loth, c’est sa capacité à incarner l’abstraction sans jamais rompre avec le réel. Il ne peint pas “contre” la figuration : il en extrait l’essence, il la déconstruit pour mieux la recomposer. Il se tient à la croisée de deux mondes : celui de la structure, de la ligne, du volume ; et celui de la sensation, de la lumière, du lieu.
Le Périgord est ainsi partout présent : non comme un décor, mais comme une mémoire géologique, une gravité, une architecture du regard. Chez Loth, la peinture devient un acte d’enracinement et de liberté — une abstraction qui n’oublie jamais d’où elle vient.
Notre toile est l’un de ces paysages ou la tendance de la non-figuration est déjà en place. C’est certainement la falaise dominant le bourg des Eyzies qu’il faut voir ici, avec quelques maisons en contre-bas et des arbres en relief. La structure de la composition se limite à travailler sur une zone délimitée dans son pourtour par le fond, ici d’un bleu profond que l’on pourrait assimiler à un ciel nocturne. Le contraste produit par les teintes vives des formes cubiques, permet d’extraire le sujet du fond et de donner une grande profondeur.