Les derniers feux du palais de Saint-Cloud

L’exposition Les derniers feux du palais de Saint-Cloud fait revivre les fastes du palais de Saint-Cloud à la fin du règne de Napoléon III. Cette résidence à quelques encablures de Paris, tant appréciée aux beaux jours par l’Empereur, l’impératrice Eugénie et la Cour, a été le témoin des pages majeures de l’histoire de France, comme la proclamation de l’Empire le 18 mai 1804 et le rétablissement de la dignité impériale le 2 décembre 1852.

Pierre-Ambroise Richebourg (1810 – 1875), Vue du grand salon de l’Impératrice © Ville de Saint-Cloud – Musée des Avelines / Gilles Plagnol

L’histoire d’un album de photographies respirant le parfum d’un palais disparu…

En 2014, le musée des Avelines fait l’acquisition d’un rare album de photographies (tirages sur papier albuminé, obtenus par contact à partir des plaques de verre) de Pierre-Ambroise Richebourg (1810- 1875) consacré au palais de Saint-Cloud sous le Second Empire, et commandé à l’époque par Napoléon III. Dans cet album, comportant 99 photographies de petit format (9,5 cm sur 8 cm) dont 23 vues extérieures et 76 vues intérieures, le photographe réussit à capter le raffinement de l’ameublement du palais vers 1868, deux ans avant sa disparition dans l’incendie qui le ravagea en octobre 1870. Il s’agit d’un exemplaire unique car il est le seul sur le palais de Saint-Cloud, signé du photographe de la Couronne, Pierre-Ambroise Richebourg.

Joseph-Pierre-François Jeanselme (?-1861), Chaise, en bois sculpté et doré, couverte d’un retissage du début du XXe siècle du meuble aux oiseaux et papillons en tapisseries de Beauvais, posé en 1839 © Mobilier national, Isabelle Bideau.

L’exposition présente près de 100 œuvres et objets provenant du palais de Saint-Cloud, évacués avant l’incendie vers Paris dès août 1870 à la demande de l’impératrice Eugénie et avec le soutien zélé du commandant Armand Schneider, régisseur du palais, ou des équivalences quand ceux-ci ont disparu. La scénographie confronte les photographies intérieures de Richebourg aux nombreux objets sauvés, principalement empruntés ici aux collections du Mobilier national.

Pierre-Ambroise Richebourg (1810 – 1875), Le grand salon ou salon blanc de l’appartement de l’Orangerie .© Ville de Saint-Cloud – Musée des Avelines / Gilles Plagnol

Ces rapprochements témoignent de l’élégance et de l’éclectisme du riche ameublement du palais, et particulièrement du goût de l’Impératrice pour le style Louis XVI, associant objets authentiques et belles copies ou interprétations du XIXe siècle dans un souci d’harmonie parfois assez audacieux.

Manufacture des Gobelins, d’après Elisabeth Louise Vigée Le Brun (1755-1845), Marie-Antoinette et ses enfants. Tapisserie de haute lisse, laine et soie, 1818-1822 © Mobilier national, Philippe Sébert.

Les différents espaces de l’exposition inviteront les visiteurs à une promenade dans les appartements impériaux de Saint-Cloud, évoqués par de grandes reproductions photographiques avec en contrepoint les meubles, vases, tapisseries, tableaux, sculptures, volontairement choisis par le couple souverain très attaché à cette demeure.

Pierre-Ambroise Richebourg (1810 – 1875), Le salon de Vénus. Tirage photographique sur papier albuminé, vers 1868© Ville de Saint-Cloud – Musée des Avelines / Gilles Plagnol Sous la tapisserie du duc d’Anjou, on peut voir la console à tête de Minerve du Ier Empire.

Si l’exposition propose une histoire du goût sous le Second Empire, elle est aussi une invitation à la promenade dans les allées du parc de Saint-Cloud, proche du musée des Avelines, le Domaine national de Saint-Cloud s’associant au projet avec la reproduction en grand format in situ des vues extérieures de l’album Richebourg pour une meilleure appréhension de l’espace.

François-Honoré-Georges Jacob-Desmalter (1770-1841), Console à tête de Minerve. Bois sculpté et doré, bronze doré, marbre rouge Griotte livré par le marbrier Louis Etienne Hersent (1741-1817), Paris, époque Empire, 1808; Paris, Galerie Steinitz © Paul Steinitz

Cette exposition, sous le commissariat général d’Emmanuelle Le Bail, directrice du musée des Avelines, bénéficie du co-commissariat de Bernard Chevallier, conservateur général honoraire du patrimoine et auteur du livre de référence Saint-Cloud, le palais retrouvé, et d’Arnaud Denis, inspecteur des collections du Mobilier national.

L’album photographique de Pierre-Ambroise Richebourg témoigne de l’importance de la décoration dans le palais. Par exemple, les tapisseries ont une place prépondérante. En témoigne la tenture la plus spectaculaire ayant figuré à Saint-Cloud au XIXe siècle, celle de L’Histoire de Marie de Médicis d’après Rubens, qui était répartie depuis Louis-Philippe dans les grands appartements, à savoir le salon de Vénus, celui de la Vérité et celui de Mercure.

Paire de vases «étrusque de Naples» décor d’oiseaux et rubans en relief blanc sous émail, Porcelaine de Sèvres, 1853, © Mobilier national, Isabelle Bideau.

Quant à l’impératrice Eugénie, elle fait venir de la Manufacture des Gobelins la tapisserie Marie-Antoinette et ses enfants, réalisée d’après une toile d’Elisabeth Louise Vigée Le Brun. L’emploi de cette tapisserie participe de la véritable passion éprouvée par l’impératrice Eugénie pour l’épouse de Louis XVI. La nouvelle souveraine rassemble le mobilier et les images de la défunte reine.

La tapisserie était également largement utilisée dans l’ameublement comme le canapé livré par Michel-Victor Cruchet, richement sculpté et orné de trophées champêtres ou musicaux différenciés, toujours dans le style Louis XVI répandu par l’impératrice Eugénie dans ses appartements, en particulier dans les espaces nouvellement créés de l’aile de l’orangerie.

Michel Victor Cruchet (1815-1899), Écran de cheminée. Hêtre sculpté et doré, 1855, Manufacture de Beauvais, d’après Pierre-Adrien Chabal-Dussurgey (1819-1902). Tapisserie, basse lisse, laine et soie, livré en 1855 © Mobilier national, Isabelle Bideau.

De par leur proximité, le palais de Saint-Cloud et la manufacture de Sèvres – devenue royale en 1759 – se jouxtant presque, un grand nombre de porcelaines de Sèvres ont orné les salons du palais. Les créations les plus novatrices de la manufacture de Sèvres sous le Second Empire, grande époque créatrice pour la manufacture, sont ici représentées par deux vases étrusques de Naples. La technique utilisée, dite « pâte d’application », a été inspirée par des vases chinois aux fonds céladon et au décor en léger relief blanc.

Pierre Riton, Jules Peyre et Jules Dieterle, Vase à quatre lobes, détail. Porcelaine de Sèvres, 1854, 106 x 42 cm, Paris, Mobilier national, inv. GML 888/1 © Mobilier national, Isabelle Bideau.

Pour l’embellissement du palais, l’Empereur et l’Impératrice font appel aux artisans les plus renommés de leur siècle qui fournissent un riche mobilier. L’ébéniste Henri-Léonard Wassmus livre de magnifiques pièces de marqueterie tels que des bureaux ou encore des tables comme cette table de salon en bois de rose, marqueterie de bois de couleur et bronze doré.

Henri-Léonard Wassmus (actif de 1840 à 1868), Table de salon. Bois de rose, marqueterie de bois de couleur, bronze doré, 1855,  © Mobilier national, Isabelle Bideau.

La peinture n’était pas moins à l’honneur que les objets d’art dans le palais de Saint-Cloud. L’ensemble des peintures visibles en ce lieu prestigieux n’avait rien d’homogène pour des raisons d’arrivée antérieure au Second Empire, sans compter de multiples rotations pour les œuvres entrées après 1850. Le couple impérial fait venir à Saint-Cloud des tableaux provenant de grands musées comme le Louvre ou des tableaux présentés lors des Salons. Le Zouave trappiste d’Horace Vernet, exposé au Salon de 1857 à Paris, est remarqué par Napoléon III et Eugénie qui l’achètent sur les crédits de la Liste civile. Placé dans le salon vert, le tableau de Vernet côtoie deux grands paysages d’Alexandre Calame et de Hans Frederik Guise et une scène historique d’Eugène Caraud représentant Marie-Antoinette assise dans les jardins du Petit Trianon.

Vue du grand salon de l’Impératrice, vers 1868.
Extraite du film « Restitution virtuelle du palais de Saint-Cloud à la fin du
Second Empire » de Philippe Le Pareux.
© Philippe Le Pareux, 2019.

Cette exposition témoigne de l’ameublement fastueux de cette résidence de famille et de travail de l’Empereur peu de temps avant sa destruction, que l’impératrice Eugénie a imprégné de son goût, le fameux Louis XVI-Impératrice, mélange d’élégance et de confort.

La présentation de l’exposition est complétée par une restitution virtuelle du palais de Saint-Cloud à la fin du Second Empire, vidéo réalisée par Philippe Le Pareux, professeur agrégé d’histoire géographie et d’histoire des arts au lycée Henri-Cornat à Valognes.

Son minutieux travail de restitution 3D du palais permet aux visiteurs de se plonger dans l’atmosphère des lieux et de déambuler pièce par pièce comme auraient pu le faire les invités de Napoléon III il y 150 ans.

 En savoir plus: 

Le musée des Avelines, en partenariat avec le Mobilier national

Musée des Avelines jusqu’au 23 février 2020.

https://www.musee-saintcloud.fr/

 

 

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