Enfants de la Renaissance

Nourrie de la richesse des différentes sagas familiales du château royal de Blois et riche d’un corpus d’objets inédits, l’exposition « Enfants de la Renaissance » est scindée en trois temps forts : Naissance et petite enfance, l’univers enfantin, l’éducation et les enfants à la Cour de France. Cette exposition va réunir plus de 150 œuvres prestigieuses prêtées, entre autre, par le musée du Louvre, le château de Versailles, le musée de l’Armée ou la Bibliothèque nationale de France.

Déployé sur trois salles, le parcours se distingue par une scénographie ponctuée de bornes interactives pour explorer l’iconographie des enfants de Catherine de Médicis ou encore plonger dans la vie, le quotidien, les us et coutumes des jeunes princes et princesses qui ont grandi pendant la Renaissance.

Lambert Sustris, La Naissance de saint Jean Baptiste,
XVIe siècle, Troyes,
Musée des Beaux-arts –
© Carole Bell, Ville de
Troyes

Que mangeait un nourrisson il y a 500 ans ? Comment accouchait la reine ? Les enfants jouaient-ils à la dînette ? Quelles étaient les bonnes manières ? L’exposition « Enfants de la Renaissance » se soumet à ces questions aux réponses souvent insolites grâce à une immersion atypique dans une époque aux codes bien éloignés de la réalité imaginée par le visiteur.

La nourrice, premier tiers du XVIIe siècle, Écouen,
musée national de la Renaissance, E.Cl. 1830
© RMN-Grand Palais (musée
de la Renaissance, château
d’Ecouen) / Mathieu Rabeau

NAISSANCE ET PETITE ENFANCE

Comment la famille royale accueillait-elle un bébé, comment accouchait une femme à la Renaissance, que mangeait un nourrisson il y a 500 ans ? Pourquoi les enfants étaient-ils emmaillotés ?
L’exposition « Enfants de la Renaissance » présente dans sa première partie les épreuves dangereuses de la grossesse et de l’accouchement, les naissances des princes ou encore le personnage, essentiel, de la nourrice

A la Renaissance, chaque étape de la maternité est indissolublement liée à la mort, soumise à des enjeux dynastiques et lignagers. Les craintes majeures sont de ne pas avoir d’enfants et ne pas pouvoir les amener à l’âge adulte. Au XVIe siècle, les statistiques sont sans appel avec 200 à 400 décès pour 1 000 naissances, contre 3,9/1 000 aujourd’hui.

Jean Clouet (d’après), Portrait de
Charles d’Angoulême, après 1523,
Orléans, musée des Beaux-Arts
© Christophe Camus

Portraits, dalles funéraires, représentations et objets prophylactiques illustrent bien les problèmes de mortalité infantile et maternelle mais aussi les nombreux rituels parfois magiques, astrologiques ou religieux pour prévenir les maladies ou échapper à la mort

Ainsi, parmi les objets rarissimes présentés, le « sachet d’accouchée », souvent détruit une fois usagé, était porteur de prières et de textes sur la vie de Sainte-Marguerite, patronne des femmes en couche.

Jan Philipsz. van Bouckhorst, Les Nourrices,
premier tiers du XVIIe siècle,
Orléans, Musée des BeauxArts, 
© Christophe Camus

Un certain nombre d’ouvrages de médecine, de gravures et de miniatures évoquent l’accouchement lui-même : la femme à la Renaissance accouche assise sur un siège spécifique. Sont également abordés la césarienne et les instruments utilisés, comme les tenailles et les crochets !
Mais la plupart des enluminures présentées évoquent surtout l’émerveillement du cercle de famille et la luxueuse vaisselle d’accouchée offerte à la jeune mère. Alitée jusqu’aux « relevailles », elle profite de cette période de repos pour recevoir ses proches et prendre des collations à base de vin et de bouillon.

Une évocation de la chambre de l’accouchée au centre du parcours permet au visiteur de se confronter à une réalité difficilement imaginable aujourd’hui.

Les représentations d’emmaillotement et d’allaitement ainsi que la vaisselle, les ustensiles ou encore les biberons utilisés permettent par ailleurs de se projeter dans les conditions de vie d’un nourrisson à la Renaissance.

Marten I van Cleve (attribué à), La Visite à la nourrice,
troisième quart du xvie siècle,
Orléans, Musée des Beaux-Arts,
© Christophe Camus

Placé chez une nourrice, le bébé est durant toute la période d’allaitement emmailloté. Destiné à immobiliser l’enfant et à le protéger totalement, le maillot est une pièce en laine ou en lin un peu épaisse qui enveloppe et serre l’enfant des épaules aux pieds

Dans les familles royales, une pièce d’étoffe d’apparat recouvre ce tissu afin d’identifier immédiatement le rang de l’enfant. Par ailleurs, seuls les bébés royaux et princiers ont droit à une remueuse : une personne dédiée au démaillotement-emmaillotement plusieurs fois par jour pour maintenir une hygiène correcte. Toutefois, l’heure du bain n’existe peu ou pas : le futur louis XIII ne prend son premier qu’à l’âge de sept ans !

Pendant la période de sevrage du nourrisson, les tétines et les biberons en grès restent rudimentaires. Si le lait maternel vient à manquer, du lait de chèvre en chevrette (petit pot avec un verseur latéral) ou en corne à allaiter leur est donné. Quant aux bébés, ils consomment régulièrement des bouillies de céréales cuites en petits pots ou en poêlons.

UNIVERS ENFANTIN

Comment s’habillent les enfants ? Avec quoi jouent-ils ? Avaient-ils des billes, des poupées et des dînettes ?

La seconde partie s’attache au renouveau de l’image avec l’iconographie de l’enfance sacrée. Les « albums de famille » font leur apparition, la figure enfantine et son portrait introduisent son individualisation dans la société et sa distinction progressive avec le monde adulte. Les nombreux tableaux et gravures de l’exposition donnent à voir comment sont vêtus les enfants.

Dès le XVIe siècle, garçons et filles portent jusqu’à 7 ans, des robes recouvertes d’un « devantier », un tablier orné de dentelles. L’âge de raison atteint, les petits princes portent de vrais habits d’apparat aux couleurs vives du roi : culottes, chausses, pourpoints, chamarres sans col et toques. Chez les filles, costumes et bijoux somptueux s’inspirent de ceux des adultes. Le plus rapidement possible, les enfants princiers sont entraînés aux exercices guerriers comme en témoignent, dans l’exposition, de véritables armures réalisées à leur taille.

Portrait présumé d’Henri IV enfant,
2e moitié du XVIe siècle,
Pau, musée national et domaine du château,
© RMN-Grand Palais
(Château de Pau) / RenéGabriel Ojéda

Objets et scènes de la vie quotidienne mais aussi mobilier, jeux et jouets viennent illustrer l’univers enfantin à la Renaissance.

Au cœur du parcours, une reconstitution singulière évoque la chambre que l’enfant partage avec sa nourrice. Force est de constater que les formes du berceau, de la chaise haute, du trotteur à roulettes n’ont relativement pas varié jusqu’à ce jour… Pour se distraire, les bébés peuvent compter sur l’un des plus anciens jouets au monde : le hochet. Véritables objets de luxe, d’orfèvrerie ou d’ivoire pour certains, ils disposent à leur extrémité d’un grelot ou d’un ornement – soit une dent de loup ou une branche de corail rouge – qui a pour vertu de protéger le jeune enfant.

Demi-armure pour un enfant de la cour de France,
vers 1560, Paris, musée de l’Armée,
© Paris – Musée de l’Armée,
Dist. RMN-Grand Palais /
Jean-Yves et Nicolas Dubois

Plusieurs représentations et objets issus de fouilles archéologiques prouvent l’existence de jeux traditionnels comme le tambour, la poupée, les
billes, le cheval-bâton, le moulinet, la toupie, le sifflet. Comme aujourd’hui, la dînette est de rigueur : dès l’âge de trois ans, les enfants de rois possèdent de nombreux petits ménages en argent, en plomb ou en poterie.

Pour illustrer cette tradition, une vaisselle miniature en plomb et en étain est exposée dans cette partie avec une table à tréteaux, des coupes, des pichets, des assiettes, des aiguières, un gaufrier ou encore un lèchefrite…

Soldat jouet,
quatrième quart du XVIe
siècle, Paris, musée de Cluny,
musée national du Moyen-Age, 
© RMN-Grand Palais (musée
de Cluny – musée national du
Moyen-Âge) / Franck Raux

Aux côtés de cette parfaite panoplie, les jeux militaires et les figurines miniatures représentant des chevaliers permettent aux jeunes princes d’apprendre tout en s’amusant : c’est ainsi qu’au XVIe siècle les jouets entrent discrètement dans la pédagogie.

GRANDIR À LA COUR

Naître à la cour de France signifie grandir loin de ses parents. Du personnel aux résidences privilégiées en passant par la fréquence des rencontres ou l’éducation militaire, la troisième partie de l’exposition met en exergue l’enfance et le quotidien des dauphins ou futurs princes.

C’est probablement la manière dont sont élevés les enfants à la cour des Valois qui semble la plus éloignée de nos pratiques actuelles. Installés dans une maison dédiée, les enfants grandissent, entre les châteaux de Blois et d’Amboise, séparés de la cour et de leurs parents qu’ils ne voient que périodiquement.

Gillot Saint-Evre, Marie Stuart, âgée de treize ans,
déclame dans la salle des Caryatides du Louvre,
1835, Versailles, châteaux deVersailles et de Trianon,
© RMN-Grand Palais
(Château de Versailles) /
Gérard Blot

Tenu à l’écart des complots et des épidémies, les enfants disposent de plus de 300 personnes à leur service parmi lesquelles les incontournables nourrices, femmes et valets de chambre, gouvernantes, médecins et cuisiniers… mais les enfants étaient aussi entourés d’autres personnages, plus insolites et inattendus tels que fruitier, brodeur, ébéniste, sommelier, apothicaire ou encore barbier.

Au sein de cette « Maison des enfants », les enfants nouent des relations solides avec leurs frères et sœurs ainsi qu’avec les serviteurs qui les entourent.

Alfred Johannot, Henri II, roi de France, Catherine de
Médicis et leurs enfants, 1835, Paris, musée du Louvre,
département des peintures,
© (C) RMN-Grand Palais
(musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

Ce modèle, qui les prépare à leurs responsabilités futures perdure jusqu’à la Révolution, et Napoléon recréera même une Maison des enfants de France. A l’âge de 20 ans, chaque enfant dispose d’un hôtel propre. Si la Renaissance est peu encline aux effusions maternelles et aux relations parents-enfants, cela n’empêche pas le roi Henri II et la reine Catherine de Médicis de s’enquérir régulièrement de la santé de leurs enfants et de leurs progrès. Au cours de l’exposition, une missive adressée le 5 mai 1551 à la gouvernante traite ainsi d’un conflit au sujet d’une nourrice dont le petit Charles ne supportait pas le lait : « mon fils continue à se trouver mal, par quoi, Madame de Humières, je vous prie que je n’en entende plus parler, et qu’elle lui soit changée… »

En savoir plus:

Lieu: Château Royal de Blois

Date: jusqu’au 1er septembre

Site: https://www.chateaudeblois.fr

 

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